MADAM#3 – SCOREUSES : entre enquête anthropologique et stand-up, une proposition percutante d’Hélène Soulié autour des championnes du BLMA, le club de basket de Lattes Montpellier Agglomération. Hélène Soulié, ce n’est jamais du théâtre pour rien. C’est un théâtre coupant, engagé, qui ne cède rien. «MADAM#3 – SCOREUSES» est le troisième volet d’un travail inédit qui a été présenté au théâtre Jacques Cœur autour de la question du genre. Cette étude théâtrale, entre enquête anthropologique et stand-up, s’inscrit dans un long processus, établi sur plusieurs années. Après les féministes musulmanes et les graffeuses et avant les pêcheuses, voici les «scoreuses» (la série complète sera donnée en juillet à Avignon). Ce sont celles qui assurent le score au basket. Elles sont le sujet de la metteuse en scène montpelliéraine dont la démarche relève de cette sororité à l’oeuvre dans le nouveau féminisme.
Le BLMA sur les planches
>Pour bien comprendre cet univers, Hélène Soulié a longuement rencontré les championnes du BLMA. Avec Mariette Navarro, autrice associée à ce spectacle, elle a assisté aux entraînements de l’équipe, suivi les matchs. «Nous avons interviewé les meneuses, les ailières, les scoreuses, les coatchs, et appris ce qu’était qu’une attaque en triangle. Nous avons appris des mots comme Buzzer beater, Mismatch, No-look pass, Overtime, Run and Gun… Nous sommes entrées dans un monde avec ses codes et son langage». « Au BLMA« , poursuit-elle, « j’ai rencontré des femmes avec un mental d’acier. Ne rien lâcher. Jusqu’à la dernière seconde. J’ai rencontré des êtres parlants aussi. On dit des sportives qu’elles ne parlent pas. C’est faux. Les sportives parlent. Très bien ! »
« Nos bodies are perfect »
« MADAM#3 – SCOREUSES » (« Parce que tu ne peux que perdre si tu n’as rien à gagner ») est le fruit de cette rencontre. Ce sont elles qui parlent mais dans une langue retravaillée qui a fait le voyage du vestiaire aux planches sans la moindre volonté de réalisme. Des mots y résonnent comme ayant constitué de la matière brute.
>On entend : « Je suis une page de pub », « Performance », « Exploitation ». S’esquissent des aveux, la peur, la pression des sommets, des gloire fugaces. C’est surtout un vocabulaire de guerre. Une « petite guerre ». Ce sont des femmes qui tentent d’être femmes dans un univers d’hommes. «Qu’est-ce que cela veut dire ? Quelle stratégie déployer ?» interroge Hélène Soulié.
«Mes désirs font désordre»
Sur scène, pas d’images des basketteuses, sauf les deux photos utilisées pour la communication. Pas davantage de vidéo : elles ne sont pas là, toutes résumées en une actrice : Lymia Vitte qui livre un brillant match théâtral en solo, faisant des passes avec son micro.
« Dans tout ce que vous allez voir« , dit Lymia Vitte, musclée et toute en énergie compressée, « il y a une seule inconnue : la capacité de mon corps à exécuter ce qui est prévu. C’est pour ça que vous êtes ici. Pour être témoin de l’imprévu. Pour être témoin de l’accident, de l’infime imprécision qui me fera perdre l’avantage ou de la performance qui me sortira pour une seconde du genre humain. Je sais que je peux briller au point de sortir du genre humain. Vous le savez aussi« .
Le masculin l’emporte
Dans la deuxième partie du spectacle, la metteuse en scène s’installe sur la scène, face à Eliane Viennot. L’éminente historienne et grammairienne rappelle que l’invraisemblable règne du « masculin l’emporte sur le féminin » provient d’un petit groupe d’hommes (une vingtaine) inventant une discrimination majeure de la langue dans le secret d’un bureau de l’Académie française en 1630. En réplique, Hélène Soulié a oublié le « e » de Madam.DRÔLES DE DAMES
Le livret MADAM -Manuel d’Auto défense À Méditer- présente l’intégralité du projet d’Hélène Soulié. « Un acte artistique anthropologique queer « . La série complète sera donnée les 11 et 18 juillet au Train Bleu à Avignon.
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