Un Don Pasquale en chant des signes

Pari gagné pour l’Opéra de Montpellier qui propose pour la première fois en France, un opéra chanté en Italien et doublé en langue des signes (LSF). L’idée d’ouvrir l’opéra à un public inhabituel est au cœur de nombreux projets menés par Valérie Chevalier, directrice générale de l’OONM (Orchestre et Opéra national de Montpellier). Mais l’originalité du projet va bien au delà du vœu pieux : point de traducteurs dans une avant -scène, mais de véritables artistes chant-signeurs Katia Abbou et Vincent Bexiga, dignes héritiers de la Commedia dell’arte, sont intégrés dans la mise en scène et la pimentent d’atouts inattendus : leur échange sensuel pendant le duo d’amour de l’acte 3 offre un instant de grâce.

Véritable réécriture d’œuvres artistiques mettant en mime, en danse, en chanson de gestes, la langue des signes, le « chansigne » est encore rare en France. Cette discipline est enseignée depuis septembre 2018 à la maîtrise de l’Opéra Comique de Paris.

Une mise en scène pétillante

Une innovation joyeuse au service d’un opéra pétillant. Bonheur aussi du côté de la mise en scène.Valentin Schwarz, jeune metteur en scène trentenaire, propose une version piquante et drôle de cet opera buffa composé en 1843 par Donizetti. Les décors et les costumes d’André Cozzi allient des univers délirants : un cabinet de curiosités remplis de vieux livres et d’animaux empaillés géants constitue l’antre du vieux barbon Don Pasquale qui rêve d’épouser une jeunesse et déshériter son neveu Ernesto, lequel vivote dans une tente de camping au centre de la scène. Naïf et romantique, il soupire et se pâme pour sa belle Norina.

Les surprises sont constantes : de la madone juchée sur un rhinocéros au drôlissime champ de bataille et tir de canon ! Les clins d’œil sont fréquents, depuis les chevaliers de Sacré Graal jusqu’aux héroïnes de Manga.

Michele Sponti, un grand chef de 26 ans

Un grand vent de jeunesse souffle sur cette production : à 26 ans Michele Sponti est un jeune chef au palmarès déjà bien étoffé. Il dirige ici d’une main de maître un orchestre montpelliérain brillant et enjoué. Il ose des tempi effrénés et offre des soli bien ciselés (trompette et violoncelle ). La direction est précise et jubilatoire. Un écrin pour les chanteurs : Bruno Taddia, déjà remarqué à Montpellier dans Gianni Schicchi en 2017, fait un remarquable Don Pasquale. Ses talents de comédien sont incontestables mais la voix inégale, les graves sont parfois peu audibles face à un son d’orchestre quelquefois trop présent, il est vrai. Tobbias Greenhalgh campe l’intrigant Malatesta avec beaucoup d’humour et de présence, le timbre est riche et musical.

Des mains qui s’agitent

Deux talents incontestables : le jeune ténor Eduardo Miletti offre au rôle d’Ernesto, un timbre riche et puissant, une énergie convaincante malgré quelques petits défauts de justesse dans les attaques.Tantôt capricieuse comme la Fée Clochette ou téméraire comme Takao d’Arpeggio, l’héroïne de mangas aux cheveux bleus, la soprano Julia Muzychenko a tout d’une grande. Sa silhouette enfantine proche de Hatsune Miku (chanteuse virtuelle idole des adolescents) occupe l’espace et crève l’écran ! La voix est magnifique, brillante et généreuse, à la fois agile et ample : une tornade qui entraîne tout sur son passage.

Un franc succès qui emporte l’adhésion du public tout entier : que les applaudissement soient sonores ou silencieux, de paumes qui se rejoignent ou de mains qui s’agitent, ils sont à la hauteur d’une soirée singulière.

Photos : Marc Ginot

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