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Les Montpelliérains de New-York (suite)

Journaliste à Lokko, animateur sur Radio FM Plus Montpellier et fondateur du festival de théâtre Texte En Cours (TEC), Lionel Navarro a vécu deux années à New-York où il a enseigné à l’UNIS, l’Ecole Internationale des Nations Unies. Il y a rencontré des expatriés originaires de Montpellier, membres de l’Association Racines Sud. Après Elsa de Saignes, humoriste et autrice qui a démarré cette série, la semaine dernière, voici Florence Cheiron, qui travaille à la French-American Chamber of Commerce in New York.

Florence CHEIRON
Vendredi 20 juillet 2018, NYC

Quelques jours après avoir rencontré Elsa de Saignes, alors que nous mangerons ensemble à Stella 34, Florence glissera dans la conversation l’aspect financier de l’éducation à NYC. Florence a pour compagnon un New Yorkais. Ils ont eu ensemble un bébé. « Il n’y a aucune aide pour l’accompagnement des jeunes parents et le day care (la crèche) est très cher. » Toutefois, elle comprend les prix : tout comme se loger, le montant de la location d’un espace commercial atteint des sommets. Les salariés perçoivent un salaire conséquent : « Vivre décemment ici coûte une petite fortune ! Il faut être bien payé. C’est normal. »

Notre discussion eut lieu au Stella 34. C’est une de mes collègues italiennes, enseignant l’italien à la United Nations International School, qui m’avait fait découvrir le restaurant. « Les pizzas n’y sont pas chères et y sont bonnes ». Il y eut un court débat avec l’autre professeur d’italien au sujet des meilleurs restaurants italiens de Manhattan. Je pris des notes. Stella 34 -Trattoria se trouve au sixième étage du gigantesque magasin Macy’s, 151 W 34th St, New York, NY 10001. Le plus intéressant, pour moi, dans ce bâtiment, ce n’est pas le sur-foisonnement de biens de consommation (habits, parfums, sacs, literie, machines à laver, à sécher, à repasser, à masser, bijoux, valises, etc., etc., etc.). A partir du 5eme étage, des escalators sont en bois.

Je mangeai à Stella 34 plusieurs fois en amoureux. Le restaurant n’est pas petit. C’est chic et c’est soigné. La cuisine est visible, ouverte sur la salle. Ce qui accroche immédiatement le regard : tout le long de la façade extérieure, d’immenses baies vitrées donnent sur Herald Square. A quelques rues de là : le jaillissement de ciment, d’acier et de verre, l’Empire State Building. Je ne me lasserai jamais de cette vue. Aaaaaaah, New York.
Lors de la soirée Racines sud -NYC, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de parler plus ou moins longuement avec toutes les personnes présentes. C’est au moment, pour elle, de partir du Beatrice Inn que Florence et moi avons échangé quelques mots. Je fis comme les autres dans ce genre d’occasion et lui demandai : « Que fais-tu dans la vie ? »

Depuis mai 2018, Florence travaille à la French-American Chamber of Commerce in New York. Je lui parle du projet LOKKO et des portraits que je souhaite écrire. Elle me tend sa carte. Elle semble curieuse. Nous nous verrons. Florence a 37 ans, est originaire de la Grande-Motte, montre un beau sourire, a une chevelure bouclée et noire. Comme pour Elsa, Florence est une femme qui, bien qu’allant son beau et épatant chemin de vie personnelle et professionnelle, possède une réserve qui lui va bien.

Durant l’entretien enregistré, mon Samsung S5 pointé vers elle a pu créer une forme de saisissement et de gêne. J’ai appris à mettre à l’aise qui j’interroge avec mon téléphone. Florence et Elsa furent merveilleuses. Elles se soumirent à l’exercice avec grâce et bonhommie. Elsa m’avait signalé : «  Je suis une femme timide mais qui se remet en question tout le temps ». Quant à Sandrine Arjalies, rapidement, devant mon téléphone, elle me dit : « J’adore, j’adore, j’adore ! » Elle était complètement, définitivement, instantanément à l’aise. Plus que mes deux autres interlocutrices, je crois. Mais toutes sont émouvantes. Toutes sont formidables. Toutes sont convaincues de leur force. 

Florence a une passion : la capoeira, une passion new yorkaise car elle la découvrit à New York. Elle me raconte : « Mes premières années ici, je peux les résumer en un mot : FÊTES !!!! New York, c’est New York. J’avais 27 ans. Vivre à fond l’expérience. Même avec le boulot qui prend pas mal de temps, c’était les concerts 2 à 3 fois par semaine, les voyages, la capoeira. L’énergie new yorkaise ! »
Sur 55st St. / 9th Av., chacune et chacun trouveront la compagnie de danse Alvin Ailey (photo ci-dessous). Elle a un lieu, l’Alvin Ailey American Dance Theater, un studio de danse avec différents « classes & training ». Sur le site de la compagnie, je clique et lis : « Find a Class or Program Everybody can dance at Ailey. Use this tool to select the best options for you ». Florence aime la culture brésilienne. Peu de temps après son arrivée à NYC, elle commença à pratiquer la capoeira. « Tous les samedis ! » Elle y rencontrera le mélange des classes sociales : les moins riches, les riches, les plus riches, la classe moyenne, la classe supérieure -la classe ailleurs, celle au-dessus de l’au-dessus ?

« J’aime le monde de la capoeira. Rapidement, j’ai arrêté de ne m’entraîner qu’une seule fois par semaine, chaque samedi. Je me suis mise à m’entraîner 4 fois par semaine. N’oublie pas que la France est à 6000 km d’ici. J’avais laissé mes amis et ma famille. J’étais seule. Être seul à NYC ? Pas bon. Grâce à la communauté de l’Alvin Ailey, j’ai créé un groupe d’amis. Je constituai une nouvelle famille grâce à cette danse brésilienne ». Se constituer un bon groupe d’amis est indispensable pour vivre à NYC. Seul ? Pas bon. « La ville est une ogresse. Elle est omnivore. C’est une ville qui peut être très dure. Tu as vraiment besoin d’intégrer une communauté. Les communautés, Lionel, sont le cœur de l’organisation de la société US. L’absence d’Etat en cas de pépin pousse à l’entraide, à faire partie d’un groupe dont les membres se soutiennent. Par exemple, au studio de danse, l’un de nous a eu un accident. Pour lui venir financièrement en aide, nous avons monté un crowdfunding, un appel à financement participatif».

Exactement ce que m’avait dit Elsa de Saignes : on survit à NYC. « C’est chacun pour soi. Les communautés sont indispensables mais elles ne dialoguent pas entre elles. A New York, les Français se retrouvent entre Latins, ceux d’Europe, ceux d’Amérique du sud. Aucun regard, aucune parole ne sont adressés à qui ne fait pas partie de la communauté ».

L’un des points communs entre Florence, Sandrine et Elsa, c’est leur bougeotte. Dit plus noblement : leur capacité à sortir de leur zone de confort et à s’adapter avec intelligence et courtoisie. Florence a toujours voulu voyager (toutes trois ont toujours voulu voyager). C’est pourquoi Florence suivit des études à visée internationale : un BTS commerce international + un Bachelor en Stratégie Internationale + un Master à l’IDRAC. Elle partit un an en Nouvelle-Calédonie dans une entreprise d’import agroalimentaire. C’était la France, mais plus loin. Ainsi : études + métiers + voyages ! Florence fait le compte : entre le professionnel et le personnel, elle a visité comme 30 pays. Florence savait ce qu’elle voulait dans sa vie, alors elle s’était mise à chercher activement les postes qui pourraient continuer à concrétiser son rêve : l’ailleurs et y vivre. Elle trouva une place en VIE (Volontariat International en Entreprise). Florence décrocha le sien à New York chez KOMPASS (anciennement COFACE). La chance sourit aux audacieuses, créer le chemin qui n’existe pas !
Généralement, les Français partent à la fin du contrat. Sans contrat, c’est la perte du visa. Habituellement, les sociétés n’ont pas le droit d’embaucher de volontaires internationaux en entreprise. Florence l’a été par celle pour laquelle elle travaillait alors. « Je suis restée. Je ne m’y attendais pas du tout. » Les emplois, tu les trouves par connexion et par ses réseaux. « J’habitais NYC. Je travaillais dans le New Jersey. J’en avais marre des déplacements et du commute avec le subway et le train. La fatigue. La lassitude. » Elle coupe et mange un bout de sa pizza (il y a des feuilles de roquette sur la garniture). « J’ai une cousine qui vit ici. Elle me parla d’une entreprise de diamants prête à sponsoriser un visa. » Elle saute sur l’occasion. Florence restera 3 années chez le diamantaire. « Je me déplacerai à Hong-Kong, à Mumbai, en Suisse… »

Je lui demandai ce qu’elle pense des Français dans l’univers du travail international. « Ils sont formatés pour le monde francophone. » Ses conseils : venir sur place, adapter son cv au marché US, se rapprocher de la Chambre de Commerce franco-américaine qui sponsorise des visas J1 (type de visa pour les États-Unis permettant d’effectuer un stage en entreprise pour une durée maximale de 18 mois). Et que fait la French-American Chamber of Commerce in New York (FACC) ? « Tout d’abord, l’ambiance y est bonne. Mes collègues sont très sympas ! » Alors qu’elle met de côté le reste de la pizza qu’elle n’arrive pas à finir, Florence m’explique une partie des compétences de la Chambre de Commerce franco-américaine à New York : sponsoriser les demandes de visa j1, aider les étudiants qui cherchent des stages, mettre en contact des entreprises (chiffre d’affaire : des millions) avec des avocats, des banquiers US pour les accompagner dans leur procédure d’installation aux USA.

« Je vais te dire une chose, Lionel, je n’en ai pas encore fini avec New York. Mon copain et moi, nous ne nous voyons pas encore être ailleurs qu’ici. Pas dans l’immédiat. Nous ne sommes fermés à rien. »

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