A grande tentation, grandes précautions : avec un horaire défiant tous les bouchons ou déviations , me voilà le lendemain à l’Opéra Comédie prête à découvrir la version mise en scène par Alex Ollé de ce conte musical créé en 1917 pour le théâtre ambulant. Il propose une installation scénique très proche des didascalies de Stravinsky et Ramuz : plusieurs niveaux de lecture de cette œuvre s’entrecroisent entre les acteurs , les musiciens et la projection habilement utilisée.
Décontenancée d’abord par les choix de l’auteur, je m’avoue vite séduite par l’idée d’un démon intérieur et d’un soldat au désarroi post-traumatique. Le conte devient une série d’hallucinations schizophréniques, très bien suggérées par les vidéos d’Emmanuel Carlier même si la scène de torture ne paraît pas indispensable. Misant sur le 3 en 1, Sébastien Dutrieux incarne les trois personnages principaux : le Narrateur, le Soldat et le Diable avec une fougue hallucinée.
La direction de Magnus Fryklund fait montre d’un brin de mollesse mais ne semble pas perturber les musiciens dont l’interprétation est sans faille :Thomas Callaux au trombone et Nicolas Planchon à la trompette relèvent un défi de clarté et de brillance et le solo de percussions du diable Philippe Charneux fait mouche. Rester sur le bord de la route sans découvrir ce spectacle eût été une vraie punition tant l’originalité du projet s’inscrit dans la ligne musicale du compositeur.