Au festival Arabesques, la mise en lumière des liens immémoriaux entre les musiques de Méditerranée qui tisse une fraternité jubilatoire et revigorante.
Ce jeudi 12 septembre, les ors de l’Opéra Comédie accueillent un public plus cosmopolite qu’à son habitude : aux cheveux argentés se mêle une jeunesse venue de tous horizons : les baroqueux côtoient des femmes voilées dans un gai brouhaha. Ce mélange bienveillant illustre le projet de Jordi Savall : transmettre une musique essentiellement « orale » tout en offrant à des musiciens immigrés ou exilés, l’opportunité de sa notoriété. Ce célèbre musicien et chef d’orchestre catalan spécialiste de la musique Renaissance et baroque pourrait à 78 ans se reposer sur ses lauriers mais son infatigable curiosité et son engagement humaniste l’ont mené, il y a quelques années, dans la jungle de Calais. Visite décisive : après un concert improvisé sur place, il crée Orpheus XXI, orchestre dédié aux musiciens immigrés et à la valorisation de la musique comme vecteur de paix entre les peuples.
Six musiciens, quatre nationalités : catalan, kurde, syrien et bulgare. Sur scène : six musiciens, quatre nationalités : catalan, kurde, syrien et bulgare ! L’itinéraire proposé pourrait être codifié et identifiable, mais d’emblée les pistes se mélangent et l’on s’y perd avec volupté : là où une oreille aguerrie repère une cadence baroque, c’est une mélodie séfarade qui vient s’y loger bientôt enrichie d’accents grecs comme la réunion d’une grande mais unique famille. Qu’importe! les ponts se font imperceptibles et la musique joyeuse.
Divine Waed Bouhasssoun. Dans les armées Napoléoniennes, le tambour faisait avancer le bas du corps et la flûte tirait la tête en avant ! Ici, les percussions de Neset Kutas frustrent les corps assis qui n’ont qu’un seul désir : bouger ! Quant à Mosten Rahal et son incroyable respiration continue, c’est le joueur de flûte de Hamelin : personne ne saurait résister à l’envoûtement de son jeu incroyable. Mais la magie est aussi dans la voix sublime de Waed Bouhassoun : alliance de la reine de Saba et d’Oum Kalthoum : tantôt mélancolique et sensuelle puis forte et vitale, elle emporte à sa suite un public sous le charme.
Trois rappels pour les musiciens qu’acclame un public debout. Jordi Savall retrace en quelques mots l’histoire de cet ensemble et dédie ce concert à la Syrie et à tous ceux qui fuient à la recherche d’un pays d’accueil. Une dernière mélodie venue de Chypre résonne encore dans les têtes et le public tarde à quitter la salle, retardant l’instant du départ qui rompra le charme.