Que de senteurs ! Le même jour, LOKKO a publié la chronique amère du journaliste Mathieu Conte sur le quartier où il a grandi : La Paillade (constat amer). Quel contraste avec ce festival Arabesques fondé par un autre fils du quartier, le solaire Habib Dechraoui, auquel on doit d’avoir imposé les youyous à l’Opéra-Comédie ! Arabesques joue pleinement son rôle, d’année en année, comme enclave où règne une parfaite mixité, même si l’utopie s’arrête une fois les lumières éteintes.
Un festival euphorisant
Ambiance hyper joyeuse, effluves de jasmin, médina reconstituée sous la pinède du Domaine d’O : on est déjà euphorisé lorsque démarre le concert dans l’amphi d’O. Le public d’Arabesques est enthousiaste, il part au quart de tour et descend très vite sur la piste de danse aménagée devant la scène.
Voici Oum. Menue diva aux pieds nus : celle qui se destinait à être architecte est devenue une artiste ultra-cotée de la scène world. Pensé à Casablanca, conçu à Paris et enregistré à Berlin, elle donne « le premier vrai concert » de son nouveau disque « Daba ». Électro cuivrée -enrichie de saxophone et trompette-, et duo oud/basse électrique : elle fait partie de la jeune mouvance musicale alternative émergeant à Casablanca qui chante en arabe dialectal marocain sur des musiques pas seulement traditionnelles.
« Merci aux océans, merci aux arbres » : la malicieuse et mystique Oum délivre une incroyable synthèse musicale faite de soul, de rythme africain et du répertoire sahraoui, légué par son père. Féministe, elle a sollicité la collaboration de la poétesse, chanteuse et oudiste palestinienne Kamilya Jubran pour cette dernière production. On est sous le charme de cette magnifique artiste, planante et sophistiquée.
Le génie rythmique des Afriques
Changement d’ambiance avec Aziz Sahmaoui qui déboule en envoyant la sauce immédiatement, réservant son dialogue -très chaleureux- avec le public pour plus tard. Il va mener le concert à un rythme d’enfer : l’ancien collaborateur de Joe Zawinul met la régie sous pression, imposant de multiples réglages, tout en dirigeant son chœur d’hommes survolté qu’il soumet à des accélérations intrépides. Une affaire d’hommes donc, si l’on excepte la furtive et belle apparition de la chanteuse montpelliéraine de gospel, Emma Lamadji sur la scène.
Quel génie des noms : le très charismatique fondateur de l’Orchestre national de Barbès, est désormais à la tête de l’University of Gnawa où il célèbre avec des musiciens sénégalais, maghrébins et français « le génie rythmique des Afriques », totalement raccord avec la thématique du festival explorant les liens entre le Maghreb et le reste de l’Afrique. Une fusion exigeante et pure, loin « des identités folklorisées » de la musique mondialisée.
photos @Luc Jennepin