Et le Centre chorégraphique national, et Montpellier Danse, et le Théâtre de la Vignette avaient mis leurs œufs dans le même panier pour ouvrir la saison de danse. Un panier portugais. Mais totalement international : Marco Da Silva Ferreira est devenu la coqueluche de tous les programmateurs d’Europe. Il fallait découvrir le phénomène. Deux salles presque combles ont répondu à cet appel à La Vignette. Très chaleureusement. Il ne manque pas de spectateurs jeunes dans ce théâtre d’université. On se gardera bien de jouer les casseurs d’ambiance : la pièce Brother est réjouissante. C’est très bien ainsi.
De la danse qui danse !
Tout commence par un solo. Strictement central. Face au public. Sur-affiché. Du spectacle, on sent qu’il va y en avoir. De la danse. Et de la danse qui danse. Lointainement enracinée dans le hip hop, la gestuelle de Brother est insolite. Elle attrape l’oeil. Elle multiplie ses motifs, jusqu’à l’étourdissement. Elle joue de segmentations, d’isolations, d’inversions dynamiques, de vives saccades et pivotements de la face au profil, sans oublier le trois-quarts. Mais c’est surtout une envoûtante composition rythmique, redoutablement orchestrée, tendant vers l’unisson, qui emporte l’adhésion.
C’est très malin : autant la gestuelle est peu banale, singulière, valorisant chacun des sept interprètes (cinq hommes, deux femmes), autant des nappes chaloupées écopent l’arrondi du bassin, et taquinent l’érotisme. C’est enivrant, séduisant, même si à la longue, tant d’insistance nous aura fait penser à ces petits jouets hors d’âge, où des animaux segmentés, intérieurement charpentés par des fils, se démantibulent et se redressent aussi sec, quand on appuie sur un poussoir placé dans leur socle cylindrique. C’est super sympa. Mais un peu lassant à la longue.
Le petit frère de Marlène Montero Freitas
Car on n’est pas sûr d’avoir capté une grande envergure dramaturgique dans cette écriture. On y décèle des emprunts zoomorphes carnavalesques, des flottements queer, un zeste de voguing, et cela fait un tableau de jeunesse d’époque. Après un tourbillon de folies plus ou moins dénudées à l’arrache, un dernier grand tableau se rhabille de costumes ahurissants, dans un déchaînement fantastique qu’émaillent la peinture en jaune des visages. On y atteint des sommets de syncope, des outrances de gestes, une pression d’apparitions et dissimulations oniriques. Fort bien.
Mais c’est qu’on est Montpelliérain. On sait donc à peu près tout de l’art d’une quasi compatriote de Ferreira : soit Marlène Montero Freitas (en fait cap-verdienne à la base). Et là, il n’y a pas photo. Au regard des intensités vertigineuses que celle-ci parvient à déchaîner, son jeune collègue nous a laissé un goût d’imitation plutôt embarrassant, sans s’élever d’un rang de petit maître, redoutablement efficace dans le travail d’effet en surface.
Reste que Brother disperse et conjugue sur le plateau toute une diversité de tronches et de trempes, investies chacune avec hargne. Et ce refus de l’uniformité, cet engagement de chaque interprète auteur de sa danse au service de l’oeuvre, reste l’un des messages les plus réjouissants de la danse contemporaine. On ne s’en lasse pas.
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Après Brother, Marco da Silva Ferreira présente une étape de travail de sa prochaine création au CCN et propose de le rejoindre pour un Club de danse.
BARULHADA (étape de travail performée)
— Jeudi 24 octobre à 19h . Studio Bagouet, ICI—CCN
Dans cette nouvelle pièce, Marco da Silva Ferreira poursuit ses recherches sur la manière dont certains gestes, certaines danses porteuses de réjouissances ou de luttes, traversent les générations.
Tarif : 5€
Informations / Réservations : 04 67 60 06 79 / billetterie@ici-ccn.com
Le club de danse (atelier de pratique)
— Mercredi 23 octobre de 19h à 21h . Studio Bagouet, ICI—CCN
Pour ce Club de danse, Marco da Silva Ferreira vous invite à créer une « Barulhada » (tapage en portugais). Il s’agit de construire collectivement une masse, de redéfinir un groupe tout en cherchant à susciter le chaos.
Tarif : 7€
Informations / Réservations : 04 67 60 06 79 / billetterie@ici-ccn.com