Au bas des marches roses de l’escalier de la mairie de Bédarieux, un bar à vins s’est posé là il y a douze ans. Au Chai Christine Cannac, on sait qu’on va trouver de la convivialité et de délicieux tapas mais, coté vin, on ne sait jamais trop ce qu’elle va nous faire découvrir. C’est là le mystère des vins nature ! Une fois dépassé les a priori : « ça n’a pas de goût, c’est du vinaigre, c’est trop cher… » j’en passe et des plus gouleyantes, il faut bien dire qu’on est rarement déçu.
Le respect total de la terre
Le vin nature c’est un monde où Christine Cannac, une des premières femmes sommelières de France, est aussi à l’aise que le Manchot empereur sur la banquise. Enfant du pays née à St Vincent d’ Olargues, c’est une évidence pour elle de défendre ce vin sans pesticide, sans ajout -ou presque- de souffre, sans engrais chimique, « en un mot qui symbolise le respect total de la terre qui nous a vu naître ».
Elle n’aimait pas trop l’école, alors elle se dirige vers un CAP de restauration puis une spécialisation sommelier. Ce qui n’aurait pu être qu’une voie de garage devient une évidence qui lui saute au nez : la sommellerie était faite pour elle. Christine, dont le visage lunaire vous regarde avec de grands bleus est talentueuse. Elle passe par les trois étoiles de chez Michelin, s’arrête dans des maisons aussi prestigieuses que Michel Gagnaire à Paris avant de rentrer sur ses terres natales.
Une pionnière
Au guindé des établissements étoilés, elle préfère rapidement la convivialité des petits estaminets. Elle s’installe à Bédarieux pour commencer son militantisme à un moment où les vins nature ne sont qu’au début de leur ancrage, où peu de gens connaissent ces nectars et osent défendre cette cause. Celle qui ne s’est jamais démontée devant le machisme de la profession de sommelier et de restaurateur n’en démord pas. Tout ce qu’elle aime dans le vin a un nom : le vin nature.
En ouvrant son lieu, il y a douze ans, elle n’a pas voulu mentionner sur sa devanture qu’elle servait ces vins là « parce que je sais que ça effraie les gens. Ils ne connaissent pas, ils ont peur, c’est un réflexe humain. » La découverte s’est faite petit à petit, en passant par beaucoup de convivialité, de communication, d’échanges : « le vin est fait pour ça ».
Où commence l’amour pour les vins nature ?
C’est parfois un hasard, d’autres fois une histoire de rencontres, de respect, ou simplement une envie de sentir la boisson vibrer. Christine, devant ses centaines de crus venus d’un peu partout en France, raconte avec des yeux malicieux cette scène où plusieurs convives partagent une bouteille et où le vin fait son œuvre de façon différente dans le verre de chacun. « En sentant le verre de ma voisine, le vin ne sentait pas pareil; il avait évolué avec la chaleur de sa main qui n’était pas la même que la mienne. Le vin nature est nature, c’est un liquide qui vit, qui n’est pas figé par les adjuvants qui l’empêchent de vibrer. Le souffre, les sulfites emprisonnent le vin dans une forme statique. Sans ces adjuvants, il évolue avec le temps en toute liberté. »
Le vin nature, c’est aussi des vignerons qui cherchent et qui ont dû lutter pour se faire une place à eux. Qui ne s’est pas moqué, il y a encore quelques années, de ces vins qui ressemblaient à du jus de raisin, qui n’avait de vin que le nom gâché par cette particule : « nature ». Mais le vent a fini par tourner et ce vin plus que bio a acquis ses lettres de noblesse. Les grands restaurants commencent à les proposer sur leur carte. « C’est dans la norme des choses puisque le vin nature c’est de la haute couture, ce n’est pas du prêt à porter et ça va aussi bien avec des tapas qu’avec de la grande cuisine.»
« Il y a des grands passionnés maintenant »
Aujourd’hui, la production de vin nature représente environ 1% de la production nationale, et le vin bio 9 % du vignoble français. Les cuvées du petit millier de vignerons « natures » sont souvent achetées sur pied et partent à l’étranger. Il arrive parfois à Christine de pleurer ces caisses qu’on lui promet et qui s’en vont ailleurs, même si elle est heureuse d’assister à cette évolution après avoir, en précurseur, défendu et soutenu ces vignerons. Et, qu’avec toute la patience et l’amour qu’elle porte à cette boisson magique, elle a fait découvrir à des milliers de béotiens l’engeance de ce nectar. Sa couleur, d’abord, qui lui est propre, sa robe à nulle autre pareil, son effet léger, sans effet secondaires. « Je défie quiconque de me dire qu’il a eu la casquette le lendemain… ou alors c’est qu’il a été finir la soirée ailleurs. »
Toujours prête à accueillir des musiciens ou tout événement festif dans son chai ouvert tard le soir, Christine a fidélisé une clientèle locale. Mais aussi beaucoup d’aficionados qui sont capables de faire deux heures de détour pour venir découvrir un nouveau cru et manger des tapas. « Il y a des grands passionnés maintenant. Mais il faut dire que quand on a mis le nez dans les vins naturels, on a du mal à revenir en arrière. »
Chai Christine Cannac, 3 Square Robert Shuman , 34600 Bédarieux. Tél : 0467968614.
Très chouette reportage. Bravo à Christine pour son engagement et son amour du vin. On découvre une histoire, un cru à chaque visite. Et c’est la fête, le partage !
Merci Hervé de partager et de nous suivre !
Merci Hervé pour le partage !
Quelle honte pour une journaliste d écrire que la mention complémentaire de sommellerie est une voie de garage !
Je vous conseille d’aller constater dans les lycees hôteliers de votre région la prestigieuse qualité de ces formations
Par ailleurs je connais Christine Cannac qui est une jeune femme pleine de talents, une grande sensibilité, avec un courage explosif !
Bravo Christine !
Un peu d’incompréhension à LOKKO sur votre commentaire puisque l’article consiste justement à dire le contraire !