Ce Toulousain, diplômé de l’Essec, vient de prendre la direction du studio de Montpellier, à Castelnau-le-Lez. Un rôle de chef d’orchestre pour booster les 360 salariés, qui préparent, dans le plus grand secret « Beyond Good and Evil 2 ».
Guillaume Carmona ne chôme pas. Le studio d’Ubisoft dont il vient de prendre les manettes accueille à Castelnau-le-Lez, près de Montpellier, des volontaires pour un playtest géant sur le dernier gros jeu de l’éditeur, « Ghost Recon Breakpoint », dont les ventes ont déçu.
Les joueurs en profiteront pour visiter le bâtiment, second site phare d’Ubisoft en France. Le patron d’Apple, Tim Cook, ne s’y est pas trompé, qui s’est rendu, en personne, discrètement sur les lieux début octobre, arpentant des locaux flambant neufs, signés Philippe Rubio.
De Lancôme à Ubisoft
Dans ces murs, quelque 150 des 360 collaborateurs œuvrent en secret au très attendu « Beyond Good and Evil 2 », qui pourrait redonner des couleurs à l’éditeur, récemment malmené en Bourse.
Le joueur y incarnera « un pirate de l’espace qui explorera des planètes gigantesques ». Pour présenter des images inédites, Guillaume Carmona implique deux proches collaborateurs, une façon de montrer d’emblée que, loin de tout savoir, il est aussi là pour déléguer. L’homme cultive l’humilité : « Dans la création, on doute tout le temps », glisse-t-il.
Guillaume Carmona a débuté chez Lancôme à sa sortie de l’Essec. « Mais j’étais déjà un fou de jeux vidéo », sourit ce Toulousain d’origine, fan de World of Warcraft. Il entré chez « Ubi » il y a quinze ans, devenant tour à tour chef de groupe, responsable des ventes stratégiques, directeur marketing, puis vice-président marketing. Jusqu’à ce que l’entreprise l’oriente vers la production. « J’ai accepté, car c’est le coeur du business du groupe », raconte le dirigeant de 42 ans, qui, avec sa femme et sa fille de 3 ans, vient de poser ses valises dans l’Hérault.
De 3.000 à 17.000 salariés
Érudit et souriant, Guillaume Carmona navigue entre des séances de jeu endiablées et sa passion pour l’histoire. « Je suis féru des croisades, une période où les pouvoirs religieux, politiques et militaires s’entremêlent, confie-t-il. C’est une formidable preuve de ce que peut être la barbarie humaine pour des causes religieuses. » Et de préciser que jeux vidéo et histoire « font plutôt bon ménage ». « Assassin’s Creed » en atteste.
Depuis son embauche en 2006, le groupe a grandi « de manière folle, passant de 3.000 à 17.000 salariés », s’enthousiasme-t-il, en faisant visiter le studio montpelliérain, qui devrait passer à 500 salariés dans les dix-huit mois à venir. « Notre industrie croise la ultra-haute technologie software et le potentiel artistique, dit-il. Mon rôle est de faire en sorte que les deux échangent… sachant qu’un artiste et un ingénieur ne parlent pas la même langue ! »
« Il sait prendre des risques »
Dans ce contexte de fièvre créatrice et d’enjeux commerciaux lourds, sa personnalité, en rondeurs, semble adaptée. Avec, pour atout, son instinct. « Guillaume suit son intuition. Quand il croit en quelque chose, il peut aller à l’encontre de processus empiriques, dictés par l’analyse des données, explique Alexander Kalchev, directeur de la création de DDB Paris chargé, entre autres, des publicités pour Ubisoft. Il connaît son sujet, comme beaucoup, mais il sait prendre des risques, ce qui est plus rare. »
Guillaume Carmona compte également faire qu’Ubisoft joue un rôle à Montpellier, patrie des jeux vidéo et des studios d’animation qu’incarnent des entreprises (Dwarf Labs, Mad Films, Pastagames, Wild Sheep) ou des écoles (ArtFX, Esma). « Je veux porter la parole de notre industrie auprès des écolières, insiste-t-il. Nous avons du mal à trouver de jeunes employées dans nos métiers d’ingénieurs et d’architectes réseaux. »
Amateur de rugby et de vin
Il veille cependant à se ménager des plages d’évasion. Avec le rugby d’abord, comme spectateur des matchs du MHR. « Bien que toulousain, je me suis abonné, ironise-t-il. J’ai pratiqué étant jeune. J’y ai ‘laissé’ mes deux genoux ! » Il est aussi amateur de vins. Ses premières découvertes s’appellent Divin Venin ou encore Domaine Peyre Rose, « un vin assez peu connu, élégant et subtil », apprécie-t-il. Avant de souffler, sans se départir de son humour : « Mais il faudrait que je me remette au sport… »
Hubert Vialatte pour « Les Échos »/Photo ©Ubisoft