A nouveau programmée régulièrement à Montpellier, la musique baroque était récemment à l’honneur avec un opéra de Haendel « Il triompho del tempo » dirigé par Thibault Noally et son ensemble Les Accents.
Depuis 1970, les vagues et les modes baroques se succèdent : on a connu le baroque joué avec le petit doigt en l’air, le baroque cru et sans concessions des puristes, suivi par la vague du baroque frénétique où le coup d’archet était roi. Nous voilà enfin dans la rondeur et la plénitude d’une palette extrêmement riche comme déjà entendue chez Raphaêl Pichon mais avec ici une touche supplémentaire : une cohésion musicale d’une richesse et d’une finesse inouïe. Initialement attribuée à Nathalie Stutzmann mais annulée suite à la dissolution d’Orfeo 55, cette production bénéficie d’un vent de jeunesse et d’audace musicale.
Dès les premières mesures de l’ouverture, l’effet est saisissant
Chaque musicien est à la hauteur de la perfection demandée : l’Allégro est vivaldien, enjoué, envolé aussi poignant que l’Adagio qui le prolonge. A la direction et au violon, Thibault Noally impose vivacité et légèreté où chacun va trouver sa place : une contrebasse de chaque côté, le clavecin et le continuo séparant les bois et les cordes, chaque partie saura trouver à la fois une véritable cohésion et des mises en valeur incarnées.
Une étonnante modernité liée à la cadence baroque
Russie, Catalogne , Croatie et Angleterre: venus d’horizons divers, les quatre solistes trouvent ici une unité musicale largement servie par l’orchestre. Il y a dans les choix musicaux, une étonnante modernité intimement liée à une cadence purement baroque. Face à l’inexorable temporalité, la belle et jeune Piacere incarnée par Carol Garcia se débat entre l’attrait d’une jouissance hédoniste et la sécurité éternelle que lui offrirait Il Tempo (le ténor James Way), les deux protagonistes ont chacun un allié Belleza (Dilyara Idrisova ) et Disinganno : la mezzo Sonja Runje.
Une voie royale pour les chanteurs
Les choix musicaux du chef Thibault Noally donnent des moments ciselés comme le magnifique Quatuor Voglio Tempo offrant à chacun des protagonistes une voie royale : vélocité et musicalité pour Carol Garcia, timbre et couleur pour le ténor anglais J. Way et une profondeur dans les graves pour la mezzo soprano Sonja Runje qui réalise ici une vraie performance vocale. Le cultissime Lascia la spina est très justement interprété par Dilyara Idrisova sans céder à la tentation des trémolo et avec des piani remarquables.
Une mise en scène épurée et inventive
Mettre en scène un opéra baroque n’est pas chose aisée : la forme A.B.A des aria laisse peu de place à la surprise et aux enchainements. Ted Huffman a l’idée géniale de figurer l’écoulement inexorable du temps par un canapé géant sans fin qui, imperturbable, traverse la scène de part en part .Pris dans leurs enjeux à la fois dérisoires et fondamentaux, les protagonistes côtoient des anonymes sans visage, que rien ne distingue des morts. La dramaturgie naît de ce parti pris d’épure et d’une mise en lumière talentueuse : un lampadaire et une silhouette font soudain surgir un tableau d’Edward Hopper.
Des applaudissements unanimes
Ce n’est pas si fréquent, surtout face à une mise en scène peu conventionnelle : le succès est évident et unanimement partagé. Musiciens, chanteurs et danseurs sont très longuement applaudis par un public visiblement rajeuni.
Mais Hélène , tu as inversé le nom des chanteuses . Sous la première photo : c’est Dilyara Idrisova à gauche ! Et « Lascia la spina » est chanté par Carol Garcia !
Bises
Yvon
On corrige ! Merci !