L’an dernier, la publication du programme du Printemps des Comédiens avait suscité une pétition réclamant la parité dans l’un des plus importants festivals de théâtre français. Publiée par LOKKO et Mediapart, ignorée des médias locaux, elle avait recueilli 500 signatures (https://www.lokko.fr/2019/03/05/pour-un-printemps-des-comediennes) Cette initiative sans précédent a-t-elle été utile ? Même si elles ne trustent pas le haut de l’affiche, reflétant un état du théâtre, une série de créatrices pourraient faire le sel de cette édition, à l’ombre de quelques ténors. Mais, au regard des critères des féministes, le compte n’y est pas…
Avec « Oraison », la circassienne Marie Mollens est de retour. La beauté plastique de ses spectacles a des fans à Montpellier. On va pouvoir enfin voir « La tentation des pieuvres » de la montpelliéraine Maguelone Vidal : un banquet musical, passé par la Philharmonie de Paris, et jamais vu à Montpellier. Du côté du « matrimoine » : Marguerite Duras est à l’honneur dans une mise en scène de Isabelle Lafon, découverte l’an dernier au théâtre de La Colline (« Les imprudents »). Hommage aussi à la poétesse américaine Sylvia Plath, suicidée à 31 ans, par une signature de la mise en scène européenne Fabrice Murgia. Avec neuf comédiennes.
La franco-argentine Claudia Stavisky, directrice du théâtre des Célestins à Lyon met en scène « La vie de Galilée » de Bertolt Brecht sur la responsabilité de la science, après Hiroshima. Avec Philippe Torreton. On ne manquera pas « Les petites filles » de la montpelliéraine Marion Pellissier sur une communauté de femmes enfermées. La rennaise Mélanie Leray adapte « Viviane », une femme à la dérive, le premier roman de Julia Deck, qui n’a pas son pareil pour croquer les bobos.
Une star : Emmanuelle Devos
Après Isabelle Adjani, l’an dernier, la grande actrice française de cette édition sera Emmanuelle Devos, impressionnante d’après les critiques dans « L’heure bleue » de David Clavel, au cœur d’une famille en décomposition, entre « Phèdre » et « Festen ».
Quatre premières françaises
-Le néerlandais Ivo van Hove, roi des planches européennes, adapte « Qui a tué mon père ? » du romancier français Edouard Louis qui a fait une entrée fracassante en littérature avec « En finir avec Eddy Bellegueule ». Le récit des retrouvailles avec un père homophobe, usé par la vie. Un monologue confié au grand acteur néerlandais Hans Kesting.
-Effet de l’accord entre le Printemps des Comédiens et le Poly Théâtre, consortium chinois de la culture, on verra « The New Wilderness » du Magnificient Theater. Du théâtre traditionnel sur la Chine rurale qui fait un peu contraste avec le reste de la programmation. Avec ou sans virus ?
-Première française également pour « Contre-enquêtes » de Nicolas Stemann d’après le roman « Meursault, contre-enquête » de l’Algérien Kamel Daoud qui revisite « L’étranger » de Camus, du côté du colonisé. Un dialogue entre les deux oeuvres, entre Meursault et Haroun.
-« Sacre » de Circa : dix danseurs-acrobates australiens, fidèles du festival. Ils évolueront sur « Le Sacre du Printemps » de Stravinsky.
Des créations, des poids-lourds
Un des morceaux de bravoure du festival : « Dekalog » de Krzysztof Kieślowski par Julien Gosselin avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg. Le metteur en scène français, connu pour avoir brillamment adapté « Les particules élémentaires » de Michel Houellebecq, a travaillé sur la suite de dix petit films du réalisateur polonais inspirés du Décalogue de la Bible. Photo ci-dessous.
Géant du théâtre contemporain polonais et européen : Krzysztof Warlikowski, ravive le souvenir de la Shoah. Izolda, pour retrouver son mari déporté, veut se faire envoyer dans un camp elle-même. Des années plus tard, dans l’espoir de voir réalisé le film de sa vie, imaginant même Elizabeth Taylor jouant son personnage, elle raconte son histoire à Hanna Krall qui en fait un roman, « Le Roi de coeur ». « Odyssée. Scénario pour Hollywood » empruntera autant à Homère qu’au cinéma pour une mise en garde contre le nationalisme, l’homophobie et le racisme de la Pologne.
Joël Pommerat est une valeur sûre du théâtre français et du Printemps des Comédiens. Il avait séduit avec « Ça ira (1) Fin de Louis », performance révolutionnaire, un des grands succès de l’amphi d’O. Son sujet, ici : l’adolescence dans une proposition plus intimiste.
Un tube de l’opéra-théâtre, et un peu de légèreté…, avec « Italienne » dans une mise en scène de Jean-François Sivadier. Les folles coulisss de « la Traviata ».
Une création participative
Pour « Utopolis Montpellier » avec le collectif berlinois Rimini Protokoll inspirée par «La république de la nouvelle île d’Utopie», de Thomas More, « le public commence la soirée dans différents endroits du centre de Montpellier, en groupes. Peu à peu, il se rassemble dans des lieux de plus en plus grands, interagissant avec d’autres groupes de spectateurs. Le résultat final est une foule hétéroclite d’individus qui s’unissent pour demander si une autre société pourrait exister ». Un spectacle sonore itinérant avec casques audio.
Photos : Jean-Louis Fernandez