Série LOKKO « Au temps du Covid19 »
Jean-Louis Cianni est journaliste, philosophe, auteur d’un essai à succès « La philosophie comme remède au chômage ». Dans son blog, il fait appel à l’optimisme d’Épicure. Nous publions un de ces textes sous le titre : « Jardinage ».
Retour au grand air aujourd’hui, après ces jours de confinement et pour, les plus chanceux, de jardinage intensif. Un ami épicurien, optimiste invétéré, m’y invite au cours d’un entretien (téléphonique) : « Tu verras, nous serons mieux après, quand tout sera fini. Nous reprendrons goût à tous les plaisirs avec un appétit décuplé ! »
Pratiquer Epicure
Sans le savoir, cet ami propose de mettre en pratique un des exercices de philosophie mis au point par Epicure (-342/-270 av. J.C.). Dans les faubourgs nord d’Athènes, celui-ci ouvrit une école en rupture avec tous les codes en vigueur. Excentrée, ouverte aux femmes et aux esclaves. Pourvue d’un lopin de terre cultivée à vocation vivrière, elle portait un nom original et simple : le Jardin.
Une thérapie de l’âme
Epicure y enseignait une philosophie éthique qui faisait du plaisir le souverain bien. Il avait mis au point une pharmacie destinée à assurer une véritable thérapie de l’âme. Elle proposait quatre remèdes ainsi formulés : Les dieux ne sont pas à craindre, la mort non plus, le bonheur est possible ici-bas, la souffrance est supportable. Le plaisir résultait d’une élaboration, un filtrage et un dosage des désirs.
Pour atteindre la sérénité, il fallait faire le tri entre les désirs naturels et les désirs non-naturels. Les premiers se divisent en deux catégories : les désirs vains (l’argent, la notoriété), et les désirs impossibles (l’immortalité par exemple). Les seconds en désirs simplement naturels (la recherche de l’agréable) et désirs nécessaires, que ceux-ci cherchent la satisfaction des besoins élémentaires, la paix du corps ou celle de l’âme, conçue comme une absence de trouble (ataraxie). Le confinement est l’occasion de mettre en pratique…
L’autarcie épicurienne
Philosopher revenait à disposer de soi et à savoir se suffire. C’est la célèbre autarcie épicurienne. Face aux souffrances physiques et morales, Epicure n’en appelait pas au volontarisme ni au courage. Il proposait notamment deux exercices simples pour changer la représentation d’une situation négative : la remémoration et l’anticipation.
L’optimisme épicurien
Se souvenir d’un bonheur perdu, n’est pas sombrer dans la nostalgie, c’est revenir à notre nature et à notre finalité : la recherche du plaisir. Espérer un bonheur futur, ce n’est pas se perdre dans des mirages, c’est se détourner du malheur présent et faire accueil à l’avenir. C’est cette perspective qu’ouvre l’optimisme inoxydable de l’ami épicurien cité plus haut. Vous pouvez facilement la suivre.
A l’heure où le personnel hospitalier lutte contre un terrible virus qui emporte ses proies dans de terribles souffrances, il est bon de penser en épicurien à un avenir collectif meilleur. Et de rappeler un autre bienfait de l’autarcie, si proche de notre confinement. La culture des fèves pratiquée dans le Jardin a permis à la communauté épicurienne de survivre à une terrible famine qui ravagea Athènes. Pratiquons le confinement autarcique !
Musset : « Un souvenir heureux est peut-être sur terre plus vrai que le bonheur. »
Nietzsche : « Je considère les différentes écoles morales antiques comme des laboratoires expérimentaux dans lesquels un nombre considérable de recettes de l’art de vivre ont été pratiquées à fond et pensées jusqu’au bout. »
Epicure : « L’amitié fait le tour du monde et nous convie tous à nous réveiller pour la vie heureuse. »
Le blog de Jean-Louis Cianni : http://www.jeanlouiscianni.com