LOKKO : Comment vivez-vous ce confinement sur le plan personnel ?
JEAN VARELA : Je le vis calmement, replié chez moi, avec beaucoup de marche le matin très tôt à l’aube… Ici, nous sommes 30 dans le hameau, comme une famille. Nous avons des légumes, des cochons et des vaches, de quoi tenir un siège…
Qu’est ce que ça signifie pour le Printemps des Comédiens ?
J’avais déjà demandé à l’équipe de se mettre au télé-travail, et donc nous étions chacun chez nous bien avant que le confinement soit demandé. Evidemment, ce n’est pas la seule chose. La plupart de nos fournisseurs sont à l’arrêt. Les répétitions de certaines équipes en France et à l’étranger sont à l’arrêt. Maintenant, c’est l’attente…
De telles conditions de production en amont du festival peuvent-elles changer la donne ?
Certainement.
Des spectacles pourraient ne pas être montrés ?
C’est trop tôt. Je ne suis pas dans cette perspective, et n’ai pas de réflexion engagée sur ce que sera le festival. Le confinement nous amène d’abord à des questions essentielles, pour nous gens de théâtre, sur nos métiers. C’est le moment de réfléchir à la force du verbe et à la puissance imaginaire du théâtre. En temps de paix, quand tout va bien, le théâtre concerne peu de gens mais il a une grande résonance dans la cité… Si chacun, dans le théâtre, depuis chez lui, lit des textes, fait entendre de la poésie, ça peut peut-être aider tous ceux qui luttent contre ce mal qui est là.
Par exemple, je relis Antigone, et tout le monologue du messager qui raconte l’ensevelissement de son frère, ça peut parler à ceux qui ont perdu des proches. Et Koltès aussi, avec cette fameuse phrase, en substance : « Si tu es seul à cette heure et à cet endroit, c’est que tu cherches quelque chose. Cette chose, je peux te l’apporter ! »
C’est à cette force du théâtre que j’ai envie de penser plutôt que de me demander si on pourra faire ou pas. Ce n’est pas le moment. Notre énergie n’a pas à être mise sur la partie organisationnelle.
Il y a quelque chose qui va manquer, c’est la tournée traditionnelle auprès des spectateurs, chez eux, dans les villages ?
Oui, nous leur proposons de prendre rendez-vous au téléphone avec moi pour que je leur présente le festival.
Il y a aussi cette webradio. Comment est venue l’idée ?
La radio est une idée née avant le confinement. Nous étions en train de travailler sur le projet de Rimini Protokoll qui devait se dérouler en ville, et où les spectateurs étaient invités à se rendre par petit groupe dans 48 commerces du centre-ville. Nous devions faire l’interview de tous ces commerçants. Comme j’ai une équipe technique très en pointe au Printemps des Comédiens sur le son et les nouvelles technologies, nous avions alors envisagé la création de cette radio avec des acteurs qui viendraient dire des textes. Le confinement venu, nous avons imaginé de poursuivre ce projet mais dans des conditions différentes puisque nous ne pouvons plus nous rencontrer. J’ai appelé Gérard Lieber, vice-président du Printemps des Comédiens, mais aussi ancien prof de théâtre à la fac, Florence March, spécialiste de Shakespeare, pour des chroniques. J’ai eu également l’idée de demander aux spectateurs d’enregistrer des souvenirs de spectacles de 1 ou 2 minutes. Et proposé à Julien Bouffier d’en assurer la direction artistique pour un habillage sonore qui ait de la tenue. Il y a pas mal d’idées. Le metteur en scène Sylvain Creuzevault, qui a demandé à des acteurs français et européens d’enregistrer des fables du Décameron de Boccace, est d’accord pour que nous en diffusions quelques-unes. Gildas Milin, le directeur de l’Ensad (Ecole supérieure d’art dramatique de Montpellier) va nous rejoindre aussi sur ce projet.
Y a-t-il eu des captations vidéos ou sonores du Printemps des Comédiens ?
Oui, il y en a eu, beaucoup. D’ailleurs, il est question que le Département mette en ligne sur son site certaines de ces captations ainsi que des rencontres avec les artistes -animées par Gérard Lieber- par exemple celle avec Ariane Mnouchkine.
Une vraie bascule du festival vers des outils jusqu’ici peu exploités ?
Mais le Général n’était pas dans la radio avant Londres…RadioWeb PCM #001
55 minutes d’un théâtre en état d’urgence, de sons, textes, extraits théâtraux, témoignages, chroniques. Un belle proposition qui manque toutefois de repères (qui dit quoi ?). Avec les acteurs Vanessa Liautey, Alex Selmane, Fanny Rudelle, Julien Guill, Antoine Laudier, Gregory Nardella, Julien Bouffier, Bela Czuppon, Hélène de Bissy, Sylvère Santin. Des chroniqueurs/universitaires : Gérard Lieber, Florence March. Des extraits de « Début de l’A » de Pascal Rambert, « Andy’s Gone » de Marie-Claude Verdier, « Dom Juan » de Molière, « Oh, les Beaux jours » de Beckett, « Hamlet » de Shakespeare. Musique originale : Jean-Christophe Sirven, chantée en duo avec Vanessa Liautey.