Premier retour au spectacle avec Mathilde Monnier

Ancienne directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier pendant une vingtaine d’années puis directrice du Centre national de la danse à Pantin de 2013 à 2019, la chorégraphe, de retour à Montpellier, vient d’inaugurer une série de six rendez-vous hebdomadaires en tout petit comité, autour de pièces en cours de préparation, à la Halle Tropisme.

 

Milieu d’après-midi discret, vendredi dernier à la Halle Tropisme. On se glisse dans le grand studio. Mercredi dans l’Ecusson, on avait déjà pu voir la déambulation théâtrale de Nourdine Bara. Dans la rue, en plein air. Quarante-huit heures plus tard, il semble que le rendez-vous donné par Mathilde Monnier soit le premier événement apparenté à un spectacle en salle, depuis le début du déconfinement.

Dix chaises, dix spectateurs

Oh ! Il n’y a là que dix chaises, très largement espacées. Mais ce sont des chaises qui comptent : elles étaient de la scénographie de L’atelier en pièces, l’un des tous premiers spectacles que réalisait la chorégraphe lors de son installation à Montpellier, alors comme directrice du Centre chorégraphique national. 1996 (date de cette création). Bientôt un quart de siècle. Souvenirs. Et pas des moindres.

« Records » : voilà justement le titre de la future pièce dont l’artiste vient nous montrer dix premières d’essai, à l’issue d’une semaine de travail. « Records » comme les souvenirs. Et « Records », comme les disques de musique. Au côté de Mathilde Monnier se trouve l’impressionnante danseuse I Fang Lin, dont la mémoire, elle aussi, est énorme, laissée dans le paysage chorégraphique montpelliérain. Records devrait compter avec quatre autre interprètes. Redevenue indépendante, résidente permanente à la Halle Tropisme, la chorégraphe a programmé la création de cette prochaine pièce pour l’automne 2021, au terme d’un chapelet de résidences de création d’abord en petits modules, puis articulation de toute la troupe réunie au complet.

Sur un opéra de Ligeti

La musique est tirée d’un opéra de György Ligeti, Le grand macabre (une œuvre du milieu des années 70, dont l’écoute baigna la jeunesse de la chorégraphe). On y entend l’alliage, habituel chez ce compositeur, d’une chaleureuse polychromie de sons, aux cassures néanmoins abruptes. Le lien à la musique semble être la clé de cet essai chorégraphique. Mais notre regard s’attache énormément aussi à un principe d’écriture dans l’espace : les deux danseuses évoluent presque toujours plaquées contre le mur du fond, ou l’autre, latéral, qui suit en angle. L’une à côté de l’autre.

Vigoureusement, et de manière sèchement scandée, elles agrippent contre ces parois des motifs de segmentation des membres, de dispositifs articulaires, de pliures et dissociations corporelles. Ce sont des dessins nets, ils pourraient faire penser à des vignettes de BD, ou des panneaux de hiéroglyphes, en plans, bi-dimensionnels. Oui mais voilà… un corps est quand même toujours tri-dimensionnel et cela se manifeste de manière liminaire, au fur et à mesure que notre regard est bien forcé de modifier son angle, puisque les danseuses avancent. De surcroît elles y vont de face, ou en latéral. Enfin, la tentation de se détacher du mur, s’élancer dans l’espace, les démange.

Simple, frais, efficace

C’est un principe simple, efficace, très frais. Il s’enrichit aussi de notre inévitable attrait pour le rapport de similitude parfaite, ou au contraire de subtile variation relâchée, entre les deux interprètes ; toujours ensemble, à l’unisson, mais toujours déjà forcément différentes. Basiques et fécondes, ces tonalités étaient excellentes pour renouer avec le plaisir de remettre les pieds dans une salle de spectacle, et s’y asseoir devant un plateau. Peu de choses. Mais énormément.

Mathilde Monnier aura attaché son nom à ce petit moment historique. Lequel plaît d’autant plus qu’il n’était que l’amorce d’une série de rendez-vous similaires qui vont se dérouler, à raison d’une fois par semaine, jusqu’à début juillet. Ce dispositif s’appelle Micro-Halle. Tropisme et la chorégraphe accueilleront cinq autres résidences de création d’une semaine, offertes à des comédien.nes, plasticien.nes, danseur.ses, circassien.nes, etc. Chacune de ces équipes présentera à la fin un court module devant de toutes petites jauges, plusieurs fois le même après-midi des vendredis ou samedis.

 

Photo : Marielle Rossignol.

On retrouvera sur le site de Tropisme la présentation de ces divers projets, mais aussi le programme de leurs ouvertures publiques, nécessitant chaque fois une réservation préalable, pour un nombre de spectateur.ices très réduit.

 

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