Catherine Baillat n’a pas reculé devant un pari osé. Proposer à ses élèves de CE1 de relever le challenge du Getty Museum de Los Angeles en Californie : il s’agissait de recréer des œuvres d’art in vivo, chez soi, avec les moyens du bord. Plus de 100 000 créations venant du monde entier ont été envoyées aux équipes du musée. « En ces temps où l’on parle beaucoup de l’économie et du système de santé comme d’activités essentielles, cela montre que l’art et la culture ne sont pas à négliger. C’est ce qui nous relie », affirme Annelisa Stephan, qui s’occupe de la stratégie numérique du musée. Et même si on n’est pas aussi bons que Van Gogh ou De Chirico, tout le monde a le pouvoir de créer. » Pour les élèves de Catherine Baillat comme pour des centaines de milliers d’internautes confinés à travers la planète, ce jeu a été une bouffée d’air frais.
« J’ai été bluffée par leurs propositions »
Quand l’institutrice de CE2 de Lignan-sur-Orb a entendu parler de ce défi, elle a eu une révélation. Non seulement, il permettait de recréer certains tableaux que ses élèves connaissaient déjà mais en plus il allait pouvoir mettre leur imagination au pas de course. Catherine Baillat leur expliqué la proposition par WhatsApp, un vendredi soir. La règle était simple : se mettre en scène, avec l’aide des parents ou pas, et jouer au jeu du miroir en se prenant pour le tableau. Le résultat est magnifique de réalité et de fraîcheur. « J’ai été bluffée par les propositions; il y a eu une recherche incroyable. Ils ont fait des choix qui correspondaient bien à leur personnalité. Quand j’ai reçu Le Désespéré de Courbet, j’ai été estomaquée. Je me suis dit : il y est vraiment. Il crève l’écran. Il a une expression incroyable. »
Des parents très actifs
Le lundi midi, la quasi totalité des enfants avaient rendu des petits trésors. Banski et La petite fille au ballon, deux Frida Kahlo resplendissants , Le fils de l’homme de Magritte, La jeune fille à la perle de Vermeer, Raphaël, Hopper etc. Les élèves étaient devenus des tableaux. « C’était au début du confinement. Nous étions tous un peu perdus. On se raccrochait à ce qui était proposé. Tous les parents ont participé. Sans eux, les enfants n’auraient rien pu faire. »
Ondoyer dans le monde de l’art, créer, imaginer, se dépasser : les élèves de Catherine Baillat en avaient l’habitude avec une maîtresse aussi férue d’histoire de l’art qu’amoureuse de la peinture. « Au début du confinement, je leur ai soumis l’idée qu’on partait tous en navette et je leur ai proposé des activités pour la navette. Je pense que ça les a motivés. »
Un carnaval en ligne
Depuis, ils ont à leur actif plusieurs vidéos construites avec leurs créations diverses et variées. Il y a d’abord eu la proposition de réaliser chacun chez soi un instrument de musique tout droit sorti de leur imagination et d’en jouer trente secondes devant la caméra. Il y a eu aussi le décollage de la navette spatiale et le carnaval en ligne dont le thème était le costume de cosmonaute. Quel plaisir de se déguiser et de pouvoir décoller fièrement à bord d’une navette spatiale dans des costumes de carnaval quand celui-ci est annulé pour raison de confinement !
Des cœurs pour les soignants
Et pour rester connecté au grand élan de solidarité de la société, Catherine Baillat leur a proposé de réaliser la vidéo des cœurs pour rendre hommage aux soignants. L’enjeu était de photographier chacun un cœur, ou ce qui leur évoquait un cœur dans la nature, sur un dessin, parmi un détail d’un objet du quotidien. Le résultat est ravissant. A l’image de ce cœur construit avec deux bananes qui se regardent.
L’art, un moteur éducatif
Passionnée par l’envie de transmettre et de faire découvrir, cette institutrice n’est jamais à court d’imagination. De grands yeux rieurs, un sourire qui dévore le monde dans un visage doux encadré de cheveux châtains : voilà le portrait succint de celle qui a permis depuis deux mois et demi à tous ces petits monstres de rester concentrés et avides de savoir devant un écran qui, pour une fois, ne servait ni à regarder des films, ni à jouer à des jeux vidéos.
Ils ont grandi pendant le confinement
« Nous avons été confinés le lundi. Le mardi, tous les élèves étaient connectés. On faisait aussi des réunions zoom. J’ai eu une classe qui a bien adhéré sur cette forme de travail. Il faut dire que les parents ont tous été présents pour soutenir les projets et aider les enfants dans leur réalisation. Beaucoup de mamans d’élèves m’ont dit que leur enfant avait grandi et gagné en autonomie. »
C’est plus facile de travailler à distance
Cette semaine, l’institutrice au challenge a repris le chemin de l’école. Elle fera classe le matin avec des enfants puis avec d’autres l’après-midi. Mais situation oblige, elle continuera à donner cours par internet, préparer et corriger des devoirs, pour tous ceux qui ne réintègrent pas l’école.
Contente de retrouver ses élèves, elle craint néanmoins l’atterrissage après ce magnifique voyage hors du temps en navette spatiale. «Cela fait plus de deux mois que je ne les ai pas vus en chair et en os, alors peut-être, je les idéalise… Pendant tout ce temps, je n’ai pas eu cette tension, cette lourdeur que l’on a en classe avec trente enfants qui bavardent sans arrêt. Parfois avec eux, je m’arrache les cheveux. Pour nous en tant qu’enseignants, c’est plus facile de travailler à distance. Et plus apaisant pour eux, même si je sais que ce n’est pas la solution. »
Ce confinement va-t-il ouvrir une nouvelle voie et permettre d’inventer un rythme différent entre chez soi et l’école ? Les mois qui viennent nous le diront.
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