« L’Afrique a donné un sens à ma passion »
Filentre (ou plutôt Philippe à l’époque) ne connaît pas l’Afrique grâce aux manuels scolaires de son enfance ou aux reportages à la télévision. Il doit en fait deux révélations artistiques majeures à celui qui deviendra son modèle jusqu’au bout des dreadlocks, Bob Marley : le reggae à 12 ans, qui lui fait découvrir un « style plus lent, plus universel » ; c’est aussi lui qui lui « a fait tourner le regard vers ce continent » grâce à son album Survival (1970).
Il approche l’Afrique d’un peu plus près en invitant les membres du groupe de hip-hop guinéen Banlieuz’Art à venir jouer au bar l’Antirouille (près de la gare Saint Roch). Six mois plus tard, la pareille lui est rendue et Filentre donne son premier concert devant 25 000 personnes en Guinée puis commence sa première tournée africaine un an après, au Sénégal, au Mali et en Guinée. Ce continent lui offrira la possibilité de concrétiser ses plus grands rêves : imiter encore plus fidèlement son idole tout en faisant grandir son public dans les pays africains.
« Mon album, un hommage à l’Afrique »
Filentre admet être tombé amoureux du continent, sa culture et ses habitants sitôt qu’il en a foulé le sol. Le nom de son album, Inou Wali (« merci » en langue soussou) semble être le meilleur moyen pour l’artiste d’exprimer sa gratitude. Comme une ode à l’Afrique, il liste dans la dernière chanson éponyme toutes les raisons de sa reconnaissance. Témoin de ce mariage d’amour, son album expérimente le brassage des cultures française et africaine sous tous les angles : par son écriture, sa composition et même son enregistrement.
À l’instar de textes rédigés au fil de ses allers et venues franco-africaines, Filentre a construit son album comme une histoire, un voyage, au prix d’une laborieuse aventure d’un an. Plusieurs étapes dans ce pèlerinage musical : d’abord « la quête d’une vie meilleure », puis « la rencontre de l’Afrique » et enfin « les Africains franchissant les frontières européennes ». À la croisée de ces voyages, il compose De Là-Haut dans l’avion et y décrit sa vision du monde à des milliers de mètres du sol, là où les hommes sont tous similaires.
Pour un album qui mêle sonorités africaines et textes français, Filentre s’est entouré d’artistes locaux et engagés comme Ticken Jah Facoli ou Takana Zion. Ensemble, ils donnent vie aux textes grâce à des musiques traditionnelles et de root reggae (sous-genre qui traite de la vie quotidienne), rythmé notamment par la kora, instrument malien maitrisé par le musicien Sidiki Diabate.
Dernière étape du voyage, le Mali, là où l’album sera enregistré. Filentre explique ce choix : « D’abord, ce pays a une atmosphère particulière très culturelle et très musicale. Ensuite, Ticken Jah Facoli m’avait déjà invité à jouer dans sa salle de spectacle à Bamako avec des musiciens qui pratiquent très bien le reggae. J’ai leur ai donc proposé d’enregistrer l’album. En dernier lieu, j’ai pris contact avec Manjul, un Franco-malien ingénieur-son bien établi dans le monde du reggae dont le studio était basé dans la même ville. Tout s’est concrétisé au Mali ! ».
« Je n’ai jamais aussi bien raconté mes voyages qu’avec ma web-série »
Si Filentre nous chante l’Afrique, il la filme aussi. Avec sa web-série « Itinéraire africain » en quatre épisodes, l’interprète a d’abord voulu démentir les idées préconçues sur le continent africain, qui sont trop souvent répandues par les médias européens : « L’Afrique est un grand mystère pour nous. J’ai voulu changer ça. ». Au gré du rythme entraînant de l’album, Filentre nous fait sillonner les rues d’Abidjan et de Bamako accompagné d’artistes comme King Faya et Royal Sanké. Avant de terminer en beauté sur des images des concerts à Jacqueville et au Festica, on perçoit le quotidien serein et poétique de Filentre, en témoigne la balade matinale en pirogue, comme un instant suspendu sur les berges du fleuve.
Ce sont dans les moments volés et simples, un repas entre musiciens, les cahotements d’une voiture sur la route caillouteuse, que l’interprète parvient à nous restituer le plus justement toute la complexité sociale, musicale, humaine de l’Afrique.
Retrouvez la web-série de Filentre ci-dessous :