Après des mois d’absence sur la scène, une partie des musiciens de l’OONM a donné, sous la baguette de Magnus Fryklund, un concert montrant la joie et le plaisir de jouer à nouveau ensemble !
4 juillet 2020, 19 heures. Invitation de Raphaël Lucas, percussionniste et compositeur, à venir à la Salle Molière. L’OONM proposait son premier concert du confinement, son « retour musical » comme écrit sur le billet que je tenais à la main qui indiquait « ravis de vous retrouver » ! En tout, plusieurs dizaines de musiciens sur scène, divisées en trois groupes successifs. Trois compositeurs, trois morceaux appelant, chacun, un groupe d’instruments différents. Aux oreilles des présents dans les fauteuils rouges des rangées : Richard Strauss, Sérénade pour vents, Edward Elgar, Sérénade pour cordes en mi mineur, Henri Tomasi, Fanfares liturgiques pour orchestre d’harmonie.
Des auditeurs masqués
L’ambiance est presque timide, avec une forme de réserve du côté du public qui se passe du gel hydroalcoolique sur les mains. Est-ce que nous nous rendons tous compte de la manière avec laquelle nous nous comportons et n’interagissons pas, après un long temps de séparation ? Soumis à des règles de sécurité sanitaire, chacune et chacun du public entrent, masqués, dans une salle de concert où chacun et chacune avaient, sans doute, des habitudes de mélomanes et de spectateurs.
Des familles avec des enfants sont présentes. Les gamins seront attentifs. Un jeune homme, masqué et avec visière devant le visage, vous guidait jusqu’à votre place : « Là, Monsieur, si la place vous convient ? » Un fauteuil de séparation avec ma voisine : ça me va. « Merci. »
L’optimisme raisonné des capitaines
Salle à moitié pleine : toute la première moitié est presque vide de spectateurs. Seuls s’y installent Valérie Chevalier, directrice générale, et Marc Daniel, secrétaire général chargé de mission auprès de la directrice générale Valérie Chevalier. Cette dernière, tout à l’heure, prendra la parole. Parlant de l’OONM, elle évoquera une « entreprise responsable » qui veille sur la sécurité de son personnel et de son public. Deux mots au temps de la covid19 : « prudence » et « responsabilité ». « Environ 230 personnes travaillent tous les jours sur les deux sites montpelliérains de l’Orchestre et Opéra. » Retrouver les spectateurs : Valérie Chevalier ajoutera que les plus de 70 ans, 25% des abonnés, hésiteront, peut-être à revenir entre les murs des bâtiments du Corum et de la Comédie. « Les baby-boomers investissent les réseaux sociaux comme Instagram et ont pu assister à nos concerts en vidéo. Entre 120 et 150 000 personnes par mois ont vu et écouté ces derniers. » La directrice générale, pleine de l’allant et de l’optimisme raisonné des capitaines au long cours, développera les différentes propositions commerciales et artistiques que LOKKO mit en avant.
Dans le hall, Valérie Chevalier et Marc Daniel ont accueilli, avec chaleur et sourire, les happy few assistant au concert. Je n’ai pas pu m’en empêcher de leur dire ceci : « Le bonheur d’être à nouveau prêt pour écouter de la musique ! » Bref, je suis content. Comment rester indifférent au caractère impromptu, presque, et informel du concert ? C’est du bonbon.
Un chef qui chantonne
Sur scène : Magnus Fryklund, chef assistant de l’Opéra Orchestre depuis 2018. Lui et les instrumentistes portent leurs habits de la ville ; dehors il fait puissamment chaud. Le dos de la chemise, en coton ou lin, du maestro s’imbibera peu à peu de sueur : diriger un ensemble est une activité cérébrale et physique. Ne jamais en douter. Il a 30 ans, il est né en Suède, il a l’air vraiment amical, facile d’accès, pas comme un austère Ievgueni Mravinski, et présente, en français, le programme entre chaque morceau. « La Sérénade pour vents de Strauss révèle une forme de naïveté qui n’est pas banale. Vous y entendrez des réminiscences de musique folklorique avec des passages de danse ». Il en chantonne une des mélodies. Les atmosphères, dans ces pages musicales, rafraîchissent l’air. Les musiciens se plongent dans la jeunesse du Strauss de l’Opus n°7, moelleux et dépaysant quand l’été tape derrière les vitres et contre les lourds rideaux rouges de la Salle Molière.
Le chef est généreux dans sa volonté de faire partager son goût pour les trois compositions. Sérénade pour cordes en mi mineur ? « C’est l’œuvre dont Edward Elgar fut le plus fier. Il l’écrivit tôt dans sa carrière et l’offrit en cadeau à sa femme pour fêter leur quatrième anniversaire de mariage. » Un homme amoureux mit en notes, rythmes et tempi son amour : « Il n’y a pas de mots, mais l’on comprend ce qu’il dit à son épouse ». Les cordes, souples comme des cheveux d’ange, se promenèrent dans ce joli Eden des sentiments.
Du bien à tout le monde
Quant aux Fanfares liturgiques pour orchestre d’harmonie de Tomasi, qu’apprenons-nous ? Qu’elles sont des extraits arrangés, en 1947, de son opéra « Don Juan de Mañara », 1944. Jouées par le « groupe des testostérones » de l’OONM, les cuivres, les percussions, je rêvassais aux parties ayant pour titre, par exemple : « Annonciation », « Évangile », « Apocalypse », « Procession du vendredi saint »… De beaux mots évocateurs, surtout pour un semi-athée comme moi. De son côté, Tomasi avait complètement perdu la foi durant la Seconde Guerre mondiale. Ça se comprend. Magnus Fryklund, qui découvrit l’œuvre 3 semaines auparavant, avait prévenu : « Voici de la musique religieuse peu euphorique ». Peu euphorique ; mais quel son qui emplit ! Et puis, avec les ff… « Ah, bien, voilà pourquoi on n’a pas fait s’asseoir le public dans la première moitié de la salle ! », dit un musicien, dehors, dans la rue des Étuves. Il discutait avec Raphaël. « Ce n’était pas trop fort ? »Les deux étaient heureux de la tournure du concert. Les musiciens et le chef portaient sur leur visage le visage des travailleurs contents du beau travail commun à nouveau accompli.
L’OONM est revenu aux affaires, les instrumentistes se retrouvèrent pour jouer presque comme avant. Le public retrouva les musiciens et cela fait du bien à tout le monde.