Jeune artisan-pâtissier, décorateur de gâteaux , Nans Washer raconte ce qui se passe dans la tête et la vie d’un jeune entrepreneur, en France, au temps du confinement et de la covid-19 toujours en circulation. « Assassiné par les charges », ce jeune chef d’entreprise qui rêvait d’une franchise nationale de pâtisserie US avait mis son commerce en vente avant la pandémie, qui n’a rien arrangé…
Nans porte un prénom occitan -c’est aussi ça, le multiculturalisme, en France, soit dit en passant. Et c’est au bar Les Garçons que je fis sa connaissance et celle de son mari nord-américain. C’était avant la fermeture des bars et restaurants dans la nuit du 14 au 15 mars 2020.
Le jeune artisan et patron maîtrise l’élégance et la discrétion des chats. Circassien, pour la forme physique, pâtissier et cake designer pour le travail, je lui demandai, pendant le confinement : « Comment vont les affaires ? » Il m’en parle brièvement ; voilà, l’article et le portrait pour LOKKO sont décidés. Quand tu n’as pas encore 35 ans, que tu es chef d’une TPE, très petite entreprise, que la covid-19 frappe et paralyse l’économie ainsi qu’une grande partie du monde du travail, que se passe-t-il pour toi et ta boutique ?
L’histoire d’un projet
Nans Bakery est une pâtisserie ouverte en octobre 2014. Elle se situe à Castelnau-le-Lez, 520 Avenue Konrad Adenauer. Nans Washer en est le fondateur et le gérant. Alors que nous buvions, aux Garçons, qui son verre de vin blanc moelleux, qui son cocktail parfumé au basilic, je lui dis : « Les cheesecakes, carrot cakes, cupcakes, American pies, les cookies ne me laissent jamais indifférents ».
Plus tard, au téléphone, pour l’interview, il racontera son parcours : « Après deux années à l’université Paul-Valéry, je me suis lancé dans un CAP pâtisserie. J’avais 23 ans. Les conditions de travail et d’hygiène que j’y trouvai ne m’ont pas plu. Je suis passé à autre chose et me suis inscrit à l’ESMA, Ecole Supérieure des Métiers de l’Aéronautique. » Il est devenu steward pour Easy Jet. Rapide expérience professionnelle. Retour à ce qu’il aime, cuisiner, mais autrement : faire autre chose que la pâtisserie traditionnelle française. Son choix : la pâtisserie US personnalisée. Un professionnel ambitieux : direction le Canada et l’une des écoles culinaires les plus réputées à cette époque, le Bonnie Gordon College of Confectionary Arts. Formation en cake design, ça c’est pour les anglophones, formation en décoration de gâteau, ça c’est pour les francophones.
Chemin vers la création de sa boutique : « J’ai commencé par louer le laboratoire d’une boulangerie pour y préparer des gâteaux de mariage et d’anniversaire. Les demandes étant nombreuses, je me lance dans l’ouverture de Nans Bakery ». Nans Washer a de l’ambition : « Dès le départ, je voulais créer une franchise qui devienne une grande entreprise française ».
La saison des mariages
Sa clientèle est principalement française, fidèle. Elle passe régulièrement commande pour des événements de la vie : « Durant la saison des mariages, de mai à mi-septembre, je confectionne des gâteaux pour 2 à 5 mariages par week-end. Durant cette période, le plus gros de mon chiffre d’affaire se fait. » Le jeune homme a un tempérament plutôt calme : « Ça m’a beaucoup aidé à gérer les angoisses et les craquages, avec les pleurs, le manque d’activités physiques et d’interactions sociales ». Il évoque sans s’attarder le rythme à soutenir pendant les mois des grosses commandes, la peur de tomber malade et de ne pouvoir travailler…
C’était aussi une façon pour s’occuper l’esprit durant cette période de trouble et d’avenir flou. Nans retourne une fois par semaine au 520 Avenue Konrad Adenauer, Castelnau-le-Lez. Pour faire quelque chose. Pour ne pas tourner en rond. Puis, à nouveau, on peut acheter de la nourriture à emporter dans les restaurants, les pâtisseries. Nans livre aussi à domicile.
Avec la fin du confinement, son agenda de commandes est plein. D’autres entreprises n’ont pas cette chance. Les gens souhaitent rattraper les anniversaires qui n’ont pas pu être fêtés pendant deux mois : « Comme le nombre de personnes, dans un rassemblement privé, augmente, le nombre de parts de gâteaux augmente lui aussi ». On dépense à nouveau. 60 milliards d’euros n’ont pas été dépensés en France durant le confinement. Les mariages reprennent.
Nans Bakery est en vente
Il y a deux semaines, Nans et moi avons parlé du bilan qu’il fait du confinement et de ses projets comme chef d’entreprise. « En fait, Nans Bakery est en vente. » Au début de son projet professionnel, Nans Washer avait de belles envies d’avenir, mais être petit artisan, en France, est difficile. Les années passant, il s’est rendu compte que, à son niveau, le salaire d’un petit patron, ce n’est pas ça. Le niveau de stress, lui, il est haut. « Je veux autre chose pour moi, avoir un vrai salaire, de vraies vacances, un emploi, peut-être enseigner la pâtisserie et la décoration de gâteau. » Avant l’apparition de la Covid-19 en France, Nans cherchait déjà des acquéreurs.
Avant le confinement, les acheteurs étaient déjà frileux. Maintenant encore plus :« La peur d’ouvrir ou de racheter une entreprise, un fonds de commerce, le droit au bail, le matériel, mon four, mon frigo ». Il faut penser à baisser de façon considérable le prix du bien immobilier. La concurrence risque d’être encore plus forte dans la vente des biens commerciaux qui devront mettre la clef sous la porte. « D’après mon vendeur immobilier, dans la métropole montpelliéraine, il y a beaucoup de commerces en vente ces temps-ci. »
Faire de la pâtisserie française… aux USA
Nans se dit qu’il a plutôt réussi dans le monde du mariage : l’entreprise vit, elle est reconnue, la chaîne régionale France 3 est venue faire un reportage ; et, pourtant, il est arrivé à ce jeune trentenaire de ne pouvoir se sortir aucun salaire pour vivre. La situation est compliquée: si son mari n’avait pas un salaire correct, Nans Bakery aurait déjà disparu. « Ce n’est pas encourageant de se lancer. Je ne compte pas mes heures de travail et je vois peu de retours. En France, l’entrepreneuriat est assassiné par les charges. Avec la covid, l’Etat a un peu aidé. Ça change de son habitude consistant à vouloir nous tuer. »
Nans sait qu’il sait tenir une entreprise, qu’il a les épaules et la ténacité pour cela. Dans quelques années, 3 ou 4 ans, il espère vivre aux USA, avec son époux, pour y faire, dès lors, de la pâtisserie française.
Le site: https://www.nansbakery.com/.
Pour commander en ligne : https://nansbakeryonline.com/.