Début novembre 2019, en marge de la visite du Président Emmanuel Macron en Chine, plusieurs accords de coopération ont été signés entre les institutions culturelles des deux pays. En marge de cet accord diplomatique, Jean Varela signait un rapprochement avec le Magnificient Culture -son directeur Wang Keran est à droite sur la photo- qui est « le bras séculier » pour le théâtre du Poly Theater Management : impressionnant consortium d’état public qui exploite 64 théâtres dans 56 villes de Chine, et se proclame comme la plus grande chaîne de théâtre et la plus grande agence d’arts du spectacle au monde. Relire l’article de LOKKO sur le sujet.
Cette coopération est destinée à co-produire et diffuser en Chine et France des mises en scènes enrôlant des comédiens et comédiennes chinoises sous la direction de metteurs en scènes français : Eric Lacascade, Jean Bellorini, Jérôme Deschamps mais aussi le metteur en scène barcelonais Oriol Broggi. Malgré la crise sanitaire, cet accord a abouti au premier spectacle : « L’Orage et après l’orage », ce week-end à Hainan. D’abord montré en Chine, il devrait être présenté ensuite en France, « sauf empêchement lié à la situation sanitaire ».
« L’Orage » est une pièce très populaire en Chine de Cao Yu, le plus grand dramaturge de l’histoire du théâtre chinois moderne. Souvent jouée autant au théâtre qu’au cinéma, elle « pourrait s’apparenter au mélodrame du XIXème siècle. C’est le récit des liens entre une famille riche et une famille pauvre, en huis clos, basculant d’une maison à l’autre, relations teintées de jalousie, de passions latentes ou exprimées, d’incestes méconnus… » Écrite en 1933, elle marquait une véritable avancée esthétique du théâtre national, encore forgé dans la matrice des opéras et des contes traditionnels. Admirateur d’Henrik Ibsen ou d’autres grands auteurs européens, Cao Yu y abordait des problématiques réalistes, dans un langage courant. La suite « Après l’Orage » est écrite des années plus tard, par Wan Fang, sa fille. La mère riche est devenue folle, et les fantômes viennent peupler son univers. Les deux pièces se jouent dans le même espace avec un intervalle de trois heures dans un décor opératique monumental, signé David Bobbée.
Au delà d’un enjeu de stricte production franco-chinoise, s’est engagé un véritable travail de transmission des savoir-faire : « Il faut savoir que le langage du théâtre grec, ou du théâtre russe, n’a pas pénétré la Chine, explique Eric Lacascade. Toutes ces actrices, ces acteurs, ces techniciens n’ont jamais travaillé ce type de théâtre. La tragédie antique est inconnue ici, et nombre de comédiens ou de producteurs chinois, avec leur curiosité, leur volonté d’apprendre, m’ont demandé de les accueillir lors de répétitions, pour regarder, comprendre, apprendre. Cette dimension inattendue de transmission est passionnante dans cette expérience.
De même, les spectateurs chinois n’aurons jamais vu la pièce ainsi, avec un langage engagé, physique, où l’on dit, l’on travaille sur la vérité, le réel des situations, avec des outils qui tentent de décrypter le fonctionnement de certains rouages de l’homme et du monde, tandis qu’ils ne connaissent essentiellement qu’un théâtre de divertissement ».
Ci-dessus, 2 photos des répétitions.