Attention, un Goncourt peut en cacher un autre !

« L’anomalie » de Hervé Letellier sera le Goncourt à offrir à Noël. Médiatiquement vendu comme « l’entrée de la Science-fiction dans la littérature » par ceux qui n’ont lu ni Bordage, ni Azimov. On lui préfère de loin le 33ème prix Goncourt des lycéens qui a couronné l’auteure Djaïli Amadou Amal et son superbe roman « Les Impatientes », le récit de trois femmes, trois jeunes filles qui subissent la loi du mariage forcé au Sahel.

 

 

Chercher les fruits confis dans le clafoutis

Le prix de l’Académie Goncourt  2020 est un roman indéfinissable, mélange de genres où se côtoient les codes du polar et du conte philosophique. Médiatiquement vendu comme « l’entrée de la Science Fiction dans la littérature » par ceux qui n’ont lu ni Bordage, ni Azimov, le roman de l’Oulipien Hervé Letellier emprunte plutôt les codes d’une écriture à la Stephen King et le page-turner de la première partie  fonctionne parfaitement.

Juin 2021, un avion en approche de JFK Airport  est pris dans un orage terrifiant et dans la foulée se trouve contraint par l’U.S Air Force d’atterrir sur une base militaire … La raison ? Cet avion s’est déjà posé en mars de la même année d’où une situation inédite où se déploie une galerie de personnages et leur « double  » confrontés à un destin extraordinaire.

C’est léger comme un nuage de crème et ça se dévore avec gourmandise. On y découvre de petites pépites semées ça et là :  » il faut chercher les fruits confits dans le clafoutis  » déclarait récemment l’auteur en interview. La métaphore est juste : sous la chantilly se trouve le pudding un tantinet indigeste malgré un brin de fantaisie et un jeu de piste pour retrouver Queneau ou Italo Calvino entre les lignes.

Le scénario hésite entre le choc frontal des personnages face à leur destin (leur double a vécu 3 mois de plus) et une critique de la société médiatique et superficielle. La confrontation des représentants de religions diverses et variées sous l’œil de Donald Trump est très longue et totalement ratée. L’explication choisie à tout ce cirque est dès lors forcément pessimiste, transhumaniste mais jamais palpitante.

Si  les théories sur la contraction du temps et les mondes parallèles vous passionnent, vous serez forcément un peu déçus par ce roman un peu poussif dans sa deuxième partie mais dont le style reste choisi, avec une jolie surprise finale.

« Sois patiente ma fille »

11 femmes primées en 117 ans d’existence. Avec 3 femmes présentes dans le jury et très peu de femmes dans le palmarès, le prix Goncourt reste une institution d’une autre époque. Son parallèle, le Goncourt des lycéens échappe à toutes les vieilles habitudes, son jury de jeunes élèves (9 filles et 3 garçons) excluant de facto, les vieux mâles blancs et l’entre-soi .

 Le 33ème prix Goncourt des lycéens a été bien inspiré de couronner l’auteure Djaïli Amadou Amal et son superbe roman « Les Impatientes ». « Sois patiente ma fille » : telle est l’injonction faite à toutes ces jeunes filles mariées de force, situation vécue par l’écrivaine camerounaise Peule et musulmane, qui a fui l’homme épousé de force à 17 ans.

Voici le récit incarné de trois femmes, trois jeunes filles qui subissent la loi du mariage forcé au Sahel. Un récit d’une réalité crue qui sonne la fin des projets et des espoirs de vie étudiante ou d’amours consenties. Hindou, Ramla et Safira partagent un refus du sort qu’on leur impose. Leurs destins vont se croiser et dans ce roman palpitant et au style savoureux et incisif, nous savourons la lumière de ces jeunes filles dans la noirceur de l’obscurantisme. On en sort bouleversé et conquis, plus intelligent, plus humain et plus solidaire avec l’envie impérieuse de partager cette découverte.

 

 

 

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