Montpellier-Toulouse en moto : plus jamais ça !

Qu’ont en commun une nuit de camping sauvage au Québec, un hammam à Istanbul, le trajet Montpellier-Toulouse en moto ou une visite chez l’esthéticienne? Ce sont des expériences vécues. Ou plutôt : subies. Avec beaucoup de mauvaise foi et -c’est du moins l’idée- une bonne dose d’humour noir. Neuf expériences du quotidien réunies sous le titre « Plus jamais ça ! ». Des textes inédits de Marie Urdiales pour démarrer l’année avec humour ! 

 

 

C’est comme ça, vous n’y pouvez rien et d’ailleurs, c’est même pas votre faute, mais des fois, dans la vie, on tombe sur de ces trucs ! Là par exemple, vous êtes tombée sur un motard.

Si vous avez un peu d’expérience des choses de la vie, vous savez que ce n’est pas parce qu’on PENSE qu’une chose est comme ci ou comme ça que la Chose en question est VRAIMENT comme ci ou comme ça. Par exemple, vous, vous avez toujours pensé que la moto, c’était sexy. Vous voyez le genre ? Un univers où la bravoure se mesure en centimètre cubes, et où l’image de deux corps collés l’un contre l’autre évoque quelque chose de terriblement sensuel bien que gentiment archaïque : la vision d’une Femelle plaquée contre son Mâle, partageant avec lui l’ivresse de la vitesse et le frisson du danger. Un monde où vous, féministe, goûteriez au péché de la soumission à celui qui dompte le bolide comme feu nos aïeux les mammouths.

D’ailleurs, récemment, une copine vous a confortée dans cette vision idyllique. Évoquant un site de sorties bien connu, elle vous racontait, je cite, que lors de virées en moto, « les lionnes défendent leur selle comme d’autres leur progéniture ». A savoir que, contrairement au monde réel, où approximativement sept mecs se disputent une nana, dans le monde des motards, les proportions sont inversées. Vous, petite veinarde, vous faites désormais partie des Lionnes qui ont une selle à défendre. Yeap. Sauf qu’à l’heure qu’il est, vous préféreriez nettement que ce soit votre progéniture qui soit en danger.

Petit cours de « biking » en accéléré

-Leçon n° 1 : s’accrocher

C’est la première chose que vous explique votre motard : en moto, la femelle, elle s’accroche. Oui, bon, bien sûr, si c’est la femelle qui conduit, c’est l’inverse. Sauf que jusqu’à preuve du contraire, dans le monde des motards, on voit rarement des mâles cramponnés aux femelles. Bref, vous, pas chiante et aussi passablement pétocharde, quand on vous dit « accroche-toi », ben, vous vous accrochez. Après, pour les autres « lionnes » , vous ne savez pas, mais pour vous, les choses se présentent de façon presque mathématique : vous, vous mesurez 177 cm. Votre motard, environ 20 de moins. Et la selle de sa moto, pardon, la selle de sa bécane côté Lionne est plus haute que côté Mâle d’environ, allez, 15 cm. Ce qui, a visto de nas, vous fait en tout un dénivelé d’à peu près 35 cm. Dans l’absolu, les dénivelés entre vous et votre concentré de testostérones, vous vous en foutez à peu près autant que de la consommation au 100 litres de sa 750. Sauf que, assise derrière lui, la perspective change. Là, si vous vous accrochez en vous tenant assise bien droite comme votre mère vous l’a seriné pendant des lustres, c’est plus juste une nana derrière un mec sur une moto qu’on voit. C’est une hystérique en train d’essayer d’étrangler un motard. Qu’a cela ne tienne, vous optez finalement pour l’option « une devant une derrière » : une main plaquée sur l’estomac de votre motard, l’autre cramponnée derrière à cette chose qui sert à… à se cramponner, dans le doute.

Ah oui, parce qu’il faut aussi savoir que, contrairement à d’autres Lionnes qui font leur maligne bien calées entre leur mec et son top case rembourré, vous, petite veinarde, vous êtes tombée sur un vrai de vrai. Un motard pur jus pour qui un top case est à peu près l’équivalent moto du canapé d’angle avec trou dans l’accoudoir pour mettre la canette de bière. Autant dire le top du top de la beaufitude. D’ailleurs, c’est bien simple : depuis que P vit en couple avec H et qu’elle lui a offert un top case (pas folle, la Lionne !) on ne les voit plus. Un top case qu’on offre à un motard, c’est un peu comme une bague au doigt. Une corde au cou. Autant dire un truc qu’un motard vrai de vrai ne vous laissera jamais lui offrir… sauf à être à deux doigts du canapé d’angle.

Une devant une derrière, donc, et ça marche, vous arrivez à peu près à tenir en équilibre sur la Chose. Vous pouvez par conséquent préserver cette fière allure qui est la vôtre, bien droite derrière votre mec jusqu’au moment où…

… jusqu’au moment où vous expérimentez en pratique ce que vous avez déjà souvent vécu en théorie, à savoir : le faufilage. Autrement dit, cet espace-temps qui n’appartient qu’aux deux roues motorisées, pendant lequel lesdites deux roues motorisées se faufilent entre les quatre roues motorisées pour arriver en début de file. Ça fait carrément partie des avantages de la moto, ce faufilage. Ça permet entre autre de griller tout le monde aux feux rouges. Vous, qui croyez avoir déjà tout compris alors que vous avez fait à peine trois kilomètres en moto, vous trouvez ça génial, ce faufilage. Jusqu’au moment où votre motard et ses 35 cm de dénivelé se faufilent sous le rétroviseur transgénique d’un poids lourd. Lui passe de justesse. Et vous… Vous voulez un dessin ? Rappelez-vous : votre tête est 35 cm plus haute que la sienne. Ben oui : oups. Heureusement, vous avez vu plusieurs fois l’intégrale de « Rocky », l’esquive est votre deuxième nature. Sinon, à l’heure qu’il est, vous ressembleriez à Sleepy Hollow, pour rester dans le cinéphile.

-Leçon n° 2 : s’accrocher (bis)

Vous passez donc les 10 premiers kilomètres accrochée avec environ autant d’élégance qu’une moule à sa frite à cet individu qui, pour l’instant, respecte à peu de chose près les limitations de vitesse en agglomération. C’est à dire que vous roulez approximativement à 75 km/h, autant dire au ralenti, pour un motard, n’importe quel radar vous le confirmera. Du coup, vous vous enhardissez, et décidez de tester différents « accrochements ». Bon, faut dire aussi qu’à force, vous commencez à avoir mal à l’épaule. La gauche. Celle du bras avec lequel vous vous cramponnez, plus ou moins détendue, à une sorte de barre qui court derrière la selle. Derrière, pas devant, ce serait trop simple. Bref, vous avez beau être souple, au bout d’une demi-heure, vous commencez à avoir des crampes dans l’omoplate. Alors vous testez une autre version de « l’Accrochage de la Lionne à son Mâââââle » et vous enroulez vos deux bras autour de son torse. C’est rigolo (quoique passablement stupide) mais soudain, vous avez l’impression d’être beaucoup plus crédible, en passagère. Vous vous « ventousez » gentiment contre le dos de votre motard, et vous vous sentiriez presque aussi confortablement installée que sur votre canapé si… , si…

… si à cet instant très précis, vous ne sortiez pas de l’agglomération sus-dite. Ce qui implique une accélération aussi soudaine que puissante de la part de celui qui, à l’heure qu’il est (et vous allez bientôt le regretter) détient tout pouvoir sur votre vie. Surprise par le mouvement, vous lui filez un grand coup de boule, à votre mec. Mais quand je dis un grand coup de boule, c’est vraiment un grand coup de boule. Casque contre casque à 120 km/h, ça résonne dans les neurones. Vous vous promettez de ne plus jamais jamais recommencer. Résolution qui dure deux secondes, le temps pour votre motard de faire un truc qui transmet une grosse secousse à toute la moto (2ème coup de boule) avant d’accélérer de nouveau (3ème coup de boule). Au début, ça fait bizarre, mais au 25ème coup de boule, et dans la mesure où votre motard n’a toujours pas réagi, votre naturel optimiste reprend le dessus. Vous êtes du genre à toujours voir le bon côté des choses, alors vous vous dites que a) les casques, c’est là pour protéger la tête en cas de chute, donc ce n’est pas un petit coup de boule qui va faire mal au Mâle ; b) il n’a qu’à conduire sa moto comme il vous serine de conduire votre voiture, c’est à dire en souplesse ; c) au pire, si vous vous emmerdez au bout de 200 bornes, vous pourrez toujours compter les coups de boules comme d’autres comptent les moutons, pour vous endormir sur la moto. Vous, vous pensez à ça un peu comme à une blagounette un peu cucul, histoire de meubler, sauf que d’un coup, ça vous rappelle l’histoire de votre bonne copine : Lolli.

Interlude : Lolli

Femme de motarde, Lolli aime à raconter comment un jour, alors qu’elle et son motard de mari traversaient la France en moto, elle s’est endormie. Sur la moto. « Il a failli me perdre ! » raconte-t-elle toujours en rigolant parce que Lolli, elle trouve drôle d’être de celles qui s’endorment sur les motos. Vous, moins. Du coup, pour ne pas perdre celle qu’il venait d’épouser, son mari a eu la charmante idée de – et je jure que c’est vrai – de ficeler celle qui allait devenir la mère de ses enfants sur sa 750. De sorte que ma Lolli a fait St Jean de Luz – Strasbourg saucissonnée pire qu’un jambon de Bayonne sur le bolide d’Alain. A peine sortie de Montpellier, vous vous dites que vous auriez peut-être dû vérifier si votre motard à vous n’a pas embarqué la ficelle à rôti avant de partir…

-Leçon n° 3 : les doigts pour le dire

Plusieurs fois dans votre vie d’automobiliste, vous avez pu voir des motards tendres nonchalamment une jambe sur le côté, à peine dépassé votre véhicule. Naïve créature, vous avez échafaudé moult théories pour expliquer ce besoin soudain de tendre nonchalamment une jambe sur le côté : crampe du mollet, fourmis dans les pieds, chaussures trop petites, moustique dans la botte, bref : dans votre imaginaire poétique, cette jambe nonchalante était support et inspiration pour tout plein de jolies histoires. Oui mais maintenant que vous êtes une Lionne, vous savez ce qu’en vrai ça veut dire, ce pied*. Et même, vous apprenez plein d’autres gestes typiquement motards qui ont la particularité qu’on peut les effectuer même à 200 à l’heure avec une hystérique ventousée dans le dos.

Lorsque le motard croise un autre motard, p.e., l’univers communicatif du motard s’exprime dans un geste de la main à la fois ample et souple, qui consiste à lâcher le guidon, à faire un arrondi élégant du bras, puis à insinuer le « V » de la victoire avec index et majeur, sans toutefois ce côté dynamique et résolument vainqueur du vrai V. Comment dire ? C’est un mélange du « Victory » des alliés américains et du « tu veux une taffe ? » qu’on a tous entendu un jour. Scotchée à votre motard, la première fois que vous le voyez faire ce geste, vous rigolez. Parce que ça a l’air tout mou, surtout comparé à son énergie habituelle. Du coup, au 12ème motard que vous croisez, vous décidez de faire le même geste, mais en mieux. En plus dynamique. Fière de vous, vous lâchez du bras gauche le torse de votre motard… et vous comprenez instantanément pourquoi ce petit geste des deux doigts se fait systématiquement au ralenti. C’est parce que, en moto et à 120 km/h, bouger le moindre orteil, ça fait pas pareil que vous gratter le nez dans votre salon. Yeah man…

Une constatation valable à peu près pour tout mouvement, du moins quand c’est vous qui bougez. Le motard, lui, se distingue par un sens de l’équilibre impressionnant. Tenez, quand il lâche son engin pour venir poser la main sur la jambe de l’autre engin, à savoir : vous. Qu’il vous flatte le genou, vous aimez bien, mais passé une certaine vitesse, ça vous inquiète quand même un peu. Encore plus quand il lâche les deux mains (ben oui, il fait ça, le motard) pour se détendre les bras tous les 50 km/h environ. Y’a rien à faire, votre prof de conduite vous a tellement répété de toujours, toujours garder les deux mains sur le volant que, quand vous voyez votre motard gesticuler comme ça, ça vous fait bizarre.

Et nous n’évoquerons même pas ces moments de grâce où il se met debout sur les, heu, ça doit pas s’appeler des pédales ces trucs-là, bref, où il se met debout pour se délier les jambes. Sans parler du fait que, quand il fait ça, vous ne savez plus trop à quoi vous accrocher. Si vous ne comprenez pas où est le problème, fermez les yeux et essayez de visualiser la scène : vous, assise sur la selle, et devant vous, un motard jambes tendues. Ça y est ? Vous y êtes ? Encore heureux qu’il vous tourne le dos, sinon vous pourriez vous faire arrêter pour atteinte à la pudeur.

A part ça, vous constaterez rapidement que, quand vous croisez un scooter, aucun motard digne de ce nom ne le saluera des deux doigts.
* Pour ceux et celles d’entre vous qui font toujours résolument partie de la famille des Bipèdes non Motorisés : le pied tendu est la version motarde et gestuelle du : « Merci de t’être rangé sur le côté pour me laisser passer, automobiliste ! »

Interlude : les clés

« Va p’têt pleuvoir, demain! » vous a annoncé votre motard au moment de partir de chez vous. Du coup, il a été décidé de passer par chez lui récupérer l’équipement spécial pluie que tout motard digne de ce nom se doit de posséder. Avant de partir, vous vous habillez comme il vous l’indique. Arrivés chez lui, vous descendez de moto, vous retirez tout l’équipement de base (gants, casque, écharpe, blouson, tour de cou) parce qu’il fait 30°C à l’ombre et que vous crevez de chaud dès que vous retrouvez une vitesse de déplacement humaine. Arrivé devant sa porte, il constate qu’il n’a pas ses clés. Parce qu’il les a oubliées au boulot. Ça, c’est pas un truc de motard. Ça, c’est juste votre mec qui est parfois un peu tête en l’air. Vous remettez tout l’équipement de base (gants, casque, écharpe, blouson, tour de cou) et vous repartez sans équipement de pluie. Souvenez-vous de ce détail, il va avoir son importance.

Leçon n° 4 : appréhender ses sensations

Avant que vous ne posiez la question : oui, en moto, le tour de cou est essentiel. Pour les fans d’accessoires « mode » un peu chics, c’est une mauvaise nouvelle. Pour toutes celles qui ont un petit problème de cervicales, ça vaut plutôt mieux. Parce qu’il faut savoir qu’en moto, toutes les sensations sont décuplées. Plus intenses. Plus fortes. Plus… directement vécues, quelque part. Dos d’âne, nid de poule, fond de l’air qui, comme le dit la chanson, est frais, lariho, lariho, d’où, d’ailleurs, l’intérêt du tour de cou, parce que les courant d’air, à 150 km/h, sont particulièrement insidieux. Tout comme cette chaleur qui vous assaille dès que vous vous arrêtez, p.e. aux… ben en fait, tout bien considéré, vous ne vous arrêtez vraiment qu’aux feux rouges, mais là, il fait vraiment chaud. Les vibrations traversent tout votre corps, certaines sont particulièrement agréables, d’autres moins, mais d’une manière générale, chaque changement de température, chaque odeur, chaque imperfection un peu conséquente du bitume, vous le ressentez bien plus intensément qu’en voiture. Au point que sur un tronçon de route, vous vous demandez s’il est physiquement possible que vos ovaires vous sortent par les narines.

Toutes les sensations sont décuplées, donc, et la nausée, aussi. Oui, parfaitement, la nausée. Sensation aussi étrange qu’inattendue, vous qui jamais de votre vie n’avez connu le mal de mer, vous qui, le cul sanglé dans un harnais de catamaran volant au-dessus des eaux déchaînées de la Grande Bleue étiez le Roi du Monde, là, alors que vous roulez sur une jolie route de campagne, vous n’êtes qu’une petite chose d’un mètre 77 à deux doigts de vomir sa race. Ce qui, affublée d’un casque comme vous l’êtes, n’est vraiment, mais alors vraiment pas la chose à faire.

A un moment, il y a une longue suite de virages. Une très, très, très longue suite de virages. Or jusqu’à ce jour, que dis-je, jusqu’à cet instant, vous n’y aviez jamais vraiment prêté attention, vous contentant de jeter un vague œil à ces couples qui se penchaient en unisson dans les virages. Il y avait un truc logique, dans leur façon de faire. A deux sur une moto, à deux dans un virage, et puis après tout, vous aussi vous êtes sortie avec un garçon qui conduisait une Enduro 50 cc quand vous étiez ado, et il vous avait bassiné une bonne paire de fois de « surtout, tu te penches du même côté que moi, hein ! Et pas de geste brusque, sinon, ma bécane, elle est morte ! » (L’adolescence a ses propres priorités, c’est comme ça).

Sauf que là, vous êtes une Lionne assise derrière un motard, un vrai, un pour qui le virage ne se conçoit qu’à l’horizontale. Du moins c’est l’impression que vous avez alors que le bitume se rapproche de vous à une vitesse proportionnelle aux battements de votre cœur. Heureusement, vous n’êtes pas cardiaque. La terre est basse, oui, mais vous n’êtes pas poète pour autant. C’est, certainement, la sensation la plus flippante, pour la Lionne débutante que vous êtes : les virages. Cet ensemble incongru composé d’un motard, d’une moto, et de vous, qui passe à 160 km/h d’une position verticale relativement cohérente à une inclinaison telle que vous avez l’impression que, si vous éternuez, vous allez rompre ce fragile équilibre et vous fracasser contre les platanes. Vous vous sentez à la fois incroyablement vulnérable et connement immortelle, et vous chopez des crampes dans les cuisses. Pour une raison que nous n’approfondirons pas ici et maintenant, vous pensez soudain aux cours de physique sur la force centrifuge, et quoi qu’il arrive, vous ne regarderez plus jamais votre panier à salade du même œil.

-Leçon n° 5 : Aphorismes pour grosse cylindrée

Les kilomètres se déroulent sous les roues, au bout d’une centaine, vous vous détendez un peu, vous commencez presque à profiter du voyage. Encore un peu, et vous retrouveriez presque votre sens de l’humour.

Au fil du voyage, des dizaines de mouches s’écrasent sans un bruit sur votre visière. Vous vous demandez s’il n’y aurait pas moyen d’approfondir le concept pour vous débarrasser des moustiques qui vous envahissent, l’été. Bon, bien sûr, rouler à 180 km/h dans votre F1 n’est pas envisageable. Mais si vous gardez le principe du casque et de la visière, et que vous mettez vos rollers, ça donnerait quoi ?

Heureusement que vous vous détendez, soit dit en passant, sinon votre mec, il aurait bientôt un trou à la place de l’estomac, tellement vous vous accrochez…

NB : Pour un motard, les lignes blanches ont une fonction purement décorative. Un peu comme les limitations de vitesse.

Dans l’arrière pays montpelliérain, village rime avec virage. Et il y a beaucoup de jolis virages bucoliques, dans l’arrière pays montpelliérain. Et si vous, quand vous êtes sur une ligne droite derrière un tracteur qui roule à environ 18 à l’heure, vous avez déjà des scrupules à le doubler, un motard, lui, n’hésite pas à doubler un véhicule roulant à 93 km/h juste avant un virage. Pardon. Un village.

A un moment, par pure curiosité, vous essayez de regarder à combien vous roulez. Vous décalez votre tête casquée au ralenti (voir la leçon 3 et le rapport « vitesse/geste ») et jetez un œil sur le compteur, sauf que vous ne voyez rien parce que ça vibre trop. Ou alors, le liquide cérébral censé protéger votre bien le plus précieux est définitivement en train de bouillir et c’est pour ça que votre vision est trouble.

Dans le doute, vous refaites une tentative un peu plus tard. Et une autre encore un peu plus tard. Après 236 km, vous avez l’équivalent d’une étude empirique quoi que hasardeuse, d’un point de vue scientifique. Mais bon, ceci n’est pas le « Science », ce qui vous permet de déclarer que c’est à partir de 165 km/h que vous perdez le contrôle de vos cervicales. Là, pour le cou(p), vous avez un chiffre parce que, apparemment, à partir de 158 km/h, la moto décolle, ce qui visiblement stabilise le compteur. Vu de derrière, dix contre un que vous ressemblez à ces teckels qu’on voyait sur la plage arrière des voitures, quand vous étiez petite et que vous aviez le droit à une heure devant dans la Citroën paternelle parce que sinon, vous vomissiez direct sur la nuque maternelle. De là, vous aviez une vue imprenable sur le petit chien au cou amovible dans la voiture devant vous, celui juste à gauche du rouleau de PQ sous sa jolie robe en crochet. Sauf que là, le foutu teckel, c’est vous.

NB : Un motard n’est jamais pressé, mais roule quand même toujours trop vite.

Une vérité qui se vérifie à un feu rouge, quelque part dans un village entre deux virages. Oh ! bonheur ou du moins petit plaisir du motard : vous vous retrouvez en début de file à côté d’un autre motard, lui aussi chargé d’une Lionne sans top case. « On le grille ? » vous demande votre motard à vous, visière relevée. A cette question, vous répondez ce que tout être adulte et doté d’une cervelle à peu près normalement constituée se doit de répondre, à savoir : « Ça va pas imbécile ?!! Bien sûr que non !!! » Vous vous faites donc griller. Logique. Sauf que soudain, et sans vraiment comprendre comment vous en êtes arrivée là, vous vous retrouvez sur la roue arrière de la moto. Genre « cheval japonais qui cabre ». Genre ce que vous n’avez jamais ni voulu ni imaginé ni même… voulu ! A peine la roue avant de nouveau sur le bitume et votre rythme cardiaque crédible, vous entreprenez de donner de grands coups sur l’épaule de ce c… de motard qui vous sert de copain. Sauf que les blousons de c…. de motard sont rembourrés en dur, et qu’en définitive, tout ce que ça vous amène, c’est que vous vous cassez un ongle. Les coups de boule sans conséquences auraient dû vous faire réfléchir.

⦁ Ha ! C’est normal ! rigolera votre frangine quelque jours plus tard, quand vous lui raconterez l’Histoire du Wheeling*. Il veut griller l’autre au feu, tu dis non, du coup, il fait un Wheeling pour que l’autre voit dans son rétro que s’il avait voulu, et si t’avais pas été là, ben, il l’aurait grillé. Méchamment.
⦁ C’est clair, là, tu l’as frustré, ton mec, renchérit le beau-frère (motard, est-il utile de le préciser)

En gros, sans vous derrière lui, votre motard à vous démarrait à environ 200 km/h à ce petit feu rouge perdu dans un minuscule village, juste parce qu’à côté de lui, un autre motard en avait – peut-être – une plus grosse.

NB : Le motard est à la fois délicieusement viril et incroyablement puéril.

Vous arrivez finalement à Toulouse. En vie, et sans autre séquelle que la certitude que ce début d’arthrose récemment diagnostiqué entre la 4ème et la 5ème vertèbre s’est propagé à l’ensemble de votre colonne vertébrale et est désormais irréversible. Vous pourriez vous détendre, sauf que vous savez que le lendemain matin, une autre épreuve vous attend : le retour.

Le lendemain matin, il pleut. Ce qui prouve au moins que la météo ne dit pas que des conneries. Si vous avez bien retenu l’épisode des clés, vous savez que vous n’avez pas d’équipement pour vous protéger de l’humidité sur le trajet de 300 et quelques kilomètres qui vous attend. En Lionne indépendante et dégourdie que vous êtes, vous avez pris votre carte bleue en même temps que votre brosse à dents. Et donc, vous pourriez, théoriquement, prendre ce train bien sec et bien chaud qui fait Toulouse-Montpellier en deux heures et quelques seulement. Sauf que quelque chose vous dit que pour devenir une vraie Lionne, vous ne couperez pas à l’épreuve de l’eau. Alors puisqu’un jour ou l’autre, vous devrez de toute façon en passer par là, autant que ce soit fait aujourd’hui.

Pour le haut, vous avez : gants, casque, écharpe, blouson, et tour de cou. Le tout à peu près étanche. Pour le bas, va falloir improviser. Tentez le sac poubelle. Pour un pantalon en 40, comptez deux sacs de 50 litres.

* Wheeling, ou comment se retrouver sur une roue alors qu’à la base, on était censée avancer sur deux pieds, merde !

 

À venir : « L’escalade en milieu naturel », « La méditation de pleine conscience », « Les sites de rencontres », « Le shopping, un jour de soldes », « L’Espiguette, la nuit », « Le soin beauté », « Le camping alternatif », « Un hammam à Istanbul ».

 

Image par Martin Javorek de Pixabay 

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Juan
Juan
3 années il y a

Trop Genial!!!
Bravo

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