« Laissez-nous mener à bien ce projet qui nous est si cher ! » On savait les étudiants des Beaux-Arts assez favorables à Nicolas Bourriaud. Ils en donnent une preuve éclatante : ce vendredi 12 février, les 170 élèves ont envoyé une lettre de soutien à la presse, signée de leur représentante officielle Marie Féménias. Un sacré pavé dans la mare alors que le recrutement de la future direction est annoncé en mars.
« Nous avions envie de réagir car nous sommes très perturbés par cette affaire que nous trouvons politique. Pour nous, il s’agit d’un bras de fer entre l’ancien et le nouveau maire ». Validé par les représentants des 5 promotions à l’unanimité, « nourri d’échanges de mails » entre eux, le long texte supplie littéralement de maintenir à son poste le directeur du MOCO, en très mauvaise posture actuellement au moment de voir reconduire -ou pas- son mandat, à la tête de la structure qui englobe leur école au sein d’un dispositif tripartite réunissant la Panacée et l’Hôtel des collections, le nouveau centre d’art près de la gare. A l’origine de cette lettre, Marie Féménias confie avoir « été surprise par une telle adhésion des 170 étudiants des Beaux-Arts ».
Le conseil d’administration du MOCO a été informé il y a plusieurs jours de ce courrier. « Certains membres du CA ont pensé que nous avons été manipulés. Nous agissons ainsi non pas parce que nous trouvons Nicolas Bourriaud gentil mais parce que ce qu’il apporte à notre école est considérable ! »
LA LETTRE DES ÉTUDIANTS DES BEAUX-ARTS
Nous sommes étudiantes en 4e année à l’École supérieure des beaux-arts de Montpellier (MO.CO.Esba) et nous diffusons cette lettre en tant que représentantes de l’ensemble des étudiant·e·s de notre école. Nous portons à travers ces mots les voix que nous avons recueillies afin que la rédaction de ce texte soit la plus collective possible. Nous nous considérons comme des membres du MO.CO. (Montpellier Contemporain) et tenons à témoigner ici, d’une volonté de soutenir cette structure sous la direction de M. Nicolas Bourriaud. Aujourd’hui nous estimons que le MO.CO. tel que nous le connaissons est en danger.
Cet écosystème artistique unique en France composé de notre école associée à deux centres d’art – la Panacée et l’Hôtel des Collections – a pour vocation la sensibilisation à l’art contemporain et à la pluralité des démarches artistiques ainsi que le soutien à la jeune création. Le MO.CO. nous donne à réfléchir sur le monde avec un regard artistique. Cet espace d’échanges et de culture est très récent ce qui ne l’empêche pas d’avoir déjà une résonance sur tout le territoire national et international. Pour ces raisons des étudiant·e·s de toute la France et de 14 autres pays ont fait le choix de venir étudier dans notre école, tout comme nous qui venons respectivement de Paris et de Suède. Ils et elles sont venu·e·s à Montpellier attiré·e·s par les possibilités offertes par le MO.CO. et par le point de vue que propose Nicolas Bourriaud.
Ses compétences de critique, d’historien de l’art spécialiste de l’art contemporain et de commissaire d’exposition, sont en effet reconnues dans le monde entier : ses écrits théoriques ont formulé des thèses artistiques qui sont validées par les professionnel·le·s du milieu et enseignées partout dans le monde, elles fondent les positions de l’art depuis plus de vingt ans. Nicolas Bourriaud assure le commissariat artistique des plus grands événements de la discipline. Il possède également une connaissance fine des enjeux de l’enseignement supérieur en art pour avoir été, juste avant sa venue à Montpellier, le directeur de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, un établissement reconnu au niveau international. Nicolas Bourriaud a fait le choix de s’installer dans notre ville, croyant en cette volonté de redynamiser l’art contemporain à Montpellier tout en voyant plus large et en considérant cette position comme un acte fort de détachement vis-à-vis de l’hégémonie parisienne. Il a fait le choix de diriger une structure comprenant une école, notre école. Et ce choix il l’assure pleinement en s’impliquant dans la vie de notre établissement, en venant régulièrement échanger avec nous et en nous incluant dans les directions prises par le MO.CO. Son regard intellectuel, fondateur et pédagogique permet à notre école et plus largement à notre ville, de prendre part aux enjeux contemporains de l’art et de construire des expositions novatrices alors même que Montpellier aurait pu garder son statut provincial dans le monde de l’art contemporain.
L’écosystème MO.CO. est la tentative la plus importante de ces dernières années de décentraliser la vie artistique de la capitale. Laisser s’épanouir le MO.CO., et laisser la gestion à Nicolas Bourriaud, c’est laisser ce dispositif, et avec lui la ville de Montpellier, prendre une envergure plus ouverte sur le monde de l’art. A travers ce projet, Montpellier pourrait se définir comme un lieu incontournable et majeur de l’art contemporain en France au moment où le sud de notre pays se voit redynamisé par de nombreux projets artistiques tels que la Fondation Luma à Arles ou le Mucem à Marseille. La volonté de ce système est de mettre la scène artistique de Montpellier sur le plan international. Les collections russe, japonaise, d’Amérique Latine et américaine présentées à l’Hôtel des Collections, et les expositions de la Panacée qui nous ont permis de voir le travail d’artistes internationaux, émergeants ou reconnus comme Bertrand Lavier, Lili Reynaud Dewar, Fabrice Hyber, Haegue Yang, Saâdane Afif, Jean-Luc Verna, Carolline Achaintre, Raphaël Zarka, Tala Madani, Pierre Huyghe, Wim Delvoye et bien d’autres, tout cela représente des pas de géants vers la mondialisation de l’art montpelliérain. Le MO.CO. a permis de faire venir dans notre région des œuvres de protagonistes majeur·e·s de l’art d’aujourd’hui.
Pour nous, étudiant·e·s, tout est également beaucoup plus aisé : trouver des stages en France ou à l’international, côtoyer des artistes et des professionnel·le·s reconnu·e·s, pouvoir discuter avec eux·elles de nos projets et parfois participer aux leurs. Depuis l’ouverture du MO.CO., nous sommes en lien direct avec des commissaires, régisseurs, médiateurs via des conférences, stages, rencontres, qui nous permettent de prendre connaissance de toutes les facettes du monde de l’art contemporain et d’imaginer notre futur après l’école. Grâce à tout cela, nous nous sentons acteurs et actrices dans le monde de l’art.
Les post-diplômé·e·s sont également inclus·e·s dans ce système où beaucoup de projets ont fleuri depuis l’entrée en jeu du MO.CO. Le programme Saison 6 notamment, a permis à certain·e·s d’entre eux·elles de travailler avec des artistes internationaux, de participer à de grandes expositions et à des biennales du monde entier. Le projet Transatlantique, un programme d’échange entre Montréal et Montpellier, offre à un·e jeune diplômé·e du MO.CO.Esba la possibilité de participer à une résidence de trois mois à la Fonderie Darling au Canada. Les diplômé·e·s ont aussi des opportunités dans la région. De nombreuses résidences en Occitanie sont souvent des occasions pour eux·elles d’exposer leurs travail plastique. La liste est longue et bien d’autres projets sont en cours de réflexion comme par exemple une exposition à la Vitrine d’art contemporain de Millau dont la première occurrence se déroulera le 12 février 2021.
À travers ces partenariats, ces échanges, ces rencontres, dont les étudiant·e·s et les postdiplômé·e·s peuvent bénéficier, le MO.CO. permet à notre école de s’ouvrir sur la ville et sur le monde. Il nous offre des perspectives d’avenir réjouissantes et professionnalisantes. Tout cela est d’autant plus d’important pour nous aujourd’hui dans le contexte actuel de la crise sanitaire gravissime qui touche particulièrement le monde de la culture.
Les décisions que souhaite faire opérer la nouvelle Mairie de Montpellier sur le MO.CO. auront un impact direct sur la vie et les perspectives des centaines d’individus qui y travaillent, élèves comme enseignants, commissaires comme artistes. Plusieurs d’entre nous qui ont choisi de venir à Montpellier pour profiter du rayonnement croissant du MO.CO., sont en train de revenir sur leurs décisions. Nous avons noté une réelle détresse de la part des étudiant·e·s et une sensation de mise à l’écart face à cette situation que l’on peut sans hésiter qualifier de politique. Nous savons bien que le but de la mairie n’est pas la destruction de ce système, les nouveaux·elles élus·e·s semblent partager notre envie de voir le MO.CO. prospérer. Mais entre l’appel à projet qui a été lancé publiquement pour le MO.CO. et le contrat de son directeur Nicolas Bourriaud que la nouvelle équipe de la Métropole et de la ville a décidé de ne pas reconduire, nous avons peur de changements qu’en tant que membres du MO.CO. nous n’avons pas demandé. Ce projet est en pleine croissance néanmoins nous entendons beaucoup parler d’un « nouveau souffle » qu’il faudrait donner au MO.CO. Pourtant cette structure n’a pas encore 2 ans et en tant que premier EPCC français à regrouper deux centres d’art et une école supérieure, le MO.CO. est tout ce qu’il y a de plus nouveau. Toutes ces contradictions participent à notre désarroi, notre incompréhension.
Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne souhaitons pas voir le MO.CO. évoluer, que nous ne souhaitons pas voir de nouvelles formes artistiques émerger en son sein. Nous sommes pleinement disposé·e·s à nous montrer attentifs aux propositions de la ville et à envisager des projets communs comme cela a pu être le cas auparavant à travers nos partenariats avec la ZAT par exemple.
Mais laissez-nous mener à bien ce projet qui nous est si cher. Laisser à notre école, la Panacée et l’Hôtel des collections la possibilité de continuer à grandir ensemble. Laissez à cette toute nouvelle institution montpelliéraine l’opportunité de rayonner dans le monde de l’art en France, en Europe et ailleurs. Laissez à notre directeur, qui a su créer un écosystème artistique novateur et unique, le temps de le déployer. Laissez-nous, laissons-nous, avancer ensemble vers la scène artistique internationale en créant de nouveaux projets, de nouvelles associations tout en laissant librement les structures qui fonctionnent déjà s’épanouir. Après tout, le MO.CO. a été conçu pour créer une synergie avec l’ensemble des forces culturelles montpelliéraines et pour rentrer en relation avec le monde de l’art au-delà des frontières françaises.
Nous espérons que malgré la situation actuelle, nous pourrons bientôt enfin pleinement bénéficier des dispositifs mis en place par le projet MO.CO. Jusqu’à présent nous n’avons pu en percevoir la validité que durant quelques mois cumulés, eu égard à la crise sanitaire sans précédent que nous traversons.
Nous écrivons cette lettre avec l’espoir qu’elle soit lue et partagée par le plus grand nombre et que vous compreniez en la lisant, l’importance fondamentale du MO.CO. à nos yeux.
Les étudiant·e·s du MO.CO.Esba
Oui oui oui
Nicolas doit rester c’est important pour les étudiants le monde de l’art et Montpellier !
Vraiment pas le moment de se séparer d’une personnalité aussi forte et respectée nationalement et internationalement
Marie Claude Beaud
Nouveau Musée National
Monaco
Je suis seulement une amateur (ou « trice ») d’art. Une visiteuse régulière de nos musées de Montpellier, dont la fermeture m’affecte beaucoup. Les étudiants ont raison: la synergie entre les 3 institutions que regroupe le MO.CO m’est apparue essentielle à l’évolution culturelle contemporaine de la ville. C’est le projet de Nicolas Bourriaud qui l’ayant impulsé le fait vivre.
Pourquoi donc les successeurs politiques ne peuvent-ils pas s’empêcher de détruire une innovation, une institution , souvent culturelle et prestigieuse , qui les précède et dont les responsables ne sont pas « à leur main »?
Je me souviens des décisions de début de mandat du maire précédent qui visaient l’Agora de la Danse et le Festival …
Par Nicole esterolle Le Vadrouilleur urbain 18 septembre et novembre 2020
Compte tenu du fait avéré et reconnu par tous les gens « normaux », que l’art dit « contemporain » est une injure à la nature des choses vivantes… une transgression systématique des lois éthiques autant qu’esthétiques… une nuisance à la biodiversité de l’art et à son écosystème… une pollution autant mentale qu’environnementale… une internationalisation de la vacuité aux dépens d’un contenu à retrouver dans le réancrage local, régional, national…un effondrement du sens commun,…un produit de l’alliance entre spéculation intellectuelle et financière…un détournement du bien public au profit intérêts privés …un gaspillage des ressources artistiques…une transformation de l’art en signe d’appartenance de classe et de puissance sociale…un instrument de terreur intellectuelle au service de la finance spéculative mondialisée…un alibi pour la grande prédation économique néolibérale, etc….