Une caricature faisant du maire de Montpellier un terroriste, des rumeurs, des pétitions, les fuites des projets des candidats, des étudiants en colère, une élection rocambolesque : il était temps que la succession de Nicolas Bourriaud s’achève. Nouveau directeur général du MOCO, Numa Hambursin devra apaiser et réenchanter.
Vers des recours ?
« Un de vos confrères m’a parlé de jury aux ordres mais pas du tout ! » Eric Penso, le président du conseil d’administration du MOCO a passé pas mal de coups de fil ce mardi en fin de journée. Avec une impeccable affabilité, le maire de Clapiers a tenté de convaincre de la sincérité d’un processus qui permet aujourd’hui à Numa Hambursin d’être nommé directeur général du Moco. « Pompilius fut le deuxième roi de Rome, Numa Hambursin sera lui le deuxième directeur du MOCO » a ironisé le site mouvement.fr
Quelques heures avant, Numa Hambursin avait échoué de peu à obtenir la majorité des 2/3 des voix du conseil d’administration du MOCO (13 sur 19). Le vote du CA de ce 23 mars -qui examinait les propositions d’un jury (*) a priori irréprochable- lui avait donné 12 voix, 6 voix pour son principal concurrent Ashok Adicéam et 1 voix pour l’intéressante Céline Kopp, étrangement invisibilisée dans cette affaire. Le conseil d’administration s’était quitté sur cette incertitude. La consultation express d’un avocat de la métropole a permis de se rassurer grâce à un calcul millimétré : arithmétiquement, on n’était pas loin du compte. C’est bien 12,6 et non 13 suffrages qui étaient requis. Il a donc manqué seulement 0,4 voix à Numa Hambursin… Un communiqué partait en fin de journée pour officialiser la nomination de Numa Hambursin mais certains opposants, notamment les étudiants des Beaux-Arts, laissent planer la possibilité d’un recours.
Selon certains calculs , l’Etat aurait été favorable à la nomination de Numa Hambursin et aurait apporté ses 3 voix en renfort des 4 voix acquises pour la ville et des 7 pour la métropole . Un accord fragile alors, car des voix ont manqué !
Avant cela, le processus de désignation avait soulevé un intense débat d’éthique mais singulièrement confiné au mundillo politico-culturel. La liste d’opposition citoyenne #NousSommes Montpellier a parlé de « non-concertation » et « d’opacité ». Les étudiants des Beaux-Arts, habituellement si discrets, se sont transformés en rebelles énervés jusqu’à manifester devant le siège de la métropole le jour de la réunion du CA.
Numa Hambursin arrive aux commandes de ce nouveau vaisseau amiral de la culture montpelliéraine avec l’image d’un ami du maire, imposé à la faveur d’un appel à candidatures miraculeusement favorable face à des personnalités internationales comme Ashok Adicéam. On se souvient du concours d’artistes pour le parvis du musée Fabre qui a permis à Buren de l’emporter comme l’espérait Georges Frêche…
Même génération, même passion pour la ville
Il est un proche parmi les proches. Un intime. Même génération, même passion pour la ville que Michaël Delafosse. Tous deux ont été la cible de la fureur baroque de Philippe Saurel que Numa Hambursin avait caricaturé dans son savoureux « Journal d’un curateur de campagne » en raillant les lâchetés de sa cour.
On se souvient de son coup d’éclat, sa démission, les larmes aux yeux, au Carré Sainte-Anne, lors d’une visite de presse en 2017. Le grand artiste Jonathan Meese avait installé une ambiance de vide-grenier dans l’église désacralisée. Devant son invité allemand , il avait peiné à parler, submergé par l’émotion : « La liberté… Elle est au cœur de mon métier de directeur artistique, elle est sa compagne la plus précieuse, celle qu’il doit chérir plus que sa carrière. Liberté de programmer les expositions que l’ont croit justes pour son lieu et pour le public, liberté aussi d’écrire ce que l’on pense ».
Cette nomination éclaire d’une lumière rasante l’aversion de Michaël Delafosse pour Nicolas Bourriaud qui s’est montré impitoyable face à un projet torpillé quasiment à sa naissance par le Covid et les manifestations des Gilets Jaunes. Dès la campagne des municipales, les éléments de langage étaient en place portant sur le dépassement budgétaire et le peu de fréquentation du centre d’art de la gare. Le communiqué de presse de la métropole a fini par formuler une pensée qui s’était peu dévoilée jusqu’ici sur ce qui s’imposait, selon la nouvelle équipe, au MOCO : être un lieu « dédié aux artistes et au public, un lieu joueur et familier, capable d’aller à la conquête de celles et ceux qui n’auraient jamais pensé pousser les portes d’un centre d’art contemporain. Un lieu d’exigence intellectuelle et pas d’intimidation. Un lieu où s’inventeront enfin de nouvelles formes d’accès à la culture et à l’art, participatives et accueillantes ». A mettre en rapport avec le procès fait à l’art contemporain dont Nicolas Bourriaud est une égérie -une caricature ?- mondiale.
Tout se passe comme si le terrain avait été balisé, le cas Bourriaud réglé depuis le début. Dans une interview accordée à LOKKO en septembre 2020, le maire de Montpellier avait officiellement douché les espoirs de l’ancien directeur : Nicolas Bourriaud n’a pas bien compris ce qui s’est passé le 28 juin. Le lendemain, jour de vernissage à la Panacée, les mines étaient défaites.
Dans ce même entretien, il avait relevé cette expression qui aura coûté cher au directeur du MOCO, toujours dans LOKKO : « Entre moi et Philippe Saurel, c’est comme entre Jack Lang et Mitterrand ». Ce n’est pas la moindre des maladresses d’ailleurs commises par le directeur du MOCO dont la communication a été globalement désastreuse. Fin 2020, il tentait un ultime sauvetage en expliquant dans Midi-Libre qu’il n’était pas un mercenaire !
Nicolas Bourriaud, star déchue
La star internationale qu’on a souvent vu raser les murs de Montpellier avec ses éternels pantalons-cigarette savait son sort réglé, malgré le soutien de ses équipes, des étudiants et des enseignants des Beaux-Arts. Mais il s’est accroché jusqu’à subir l’humiliation d’arriver 4ème dans une short-list de 5 candidats finalistes pour la nouvelle direction du MOCO.
« 4 ans fabuleux de travail d’équipe, Montpellier désormais sur la carte de l’art contemporain. Merci aux personnels, aux profs, aux étudiant/es. On a fait du bon travail, on a fait vibrer la ville, personne ne nous l’enlèvera », tweetait-il, le jour de la réunion du CA qui allait mettre un terme à son mandat.
4 ans : c’est court pour faire de Montpellier « une Los Angeles à la française » comme il le clamait .
Sur son bilan, comme sur toute chose à son sujet, personne n’est d’accord. Du côté des confrères spécialisés à Paris comme à Montpellier, il avait plutôt la cote. Même crédit chez de nombreux artistes. Une pétition avait circulé en début d’année pour le soutenir. Intelligemment, Nicolas Bourriaud avait endossé le très à la mode discours sur le territoire avec l’ardeur des nouveaux convertis, ravalant tout snobisme, tout complexe de supériorité, même si son regard le trahissait parfois. Pour donner la preuve de sa bonne volonté, il préparait une grande exposition intitulée « 100km » consacrée aux créateurs autour de Montpellier. Peine perdue.
Mais quelles expositions ! Les artistes anti-conformistes russes, l’art amazonien avec 70% de femmes-artistes, la fabuleuse collection des Salem, mécènes anglo-libanais, les sorcières à la Panacée ou l’art anthropocène dans le même lieu : sous Nicolas Bourriaud, l’art à Montpellier aura connu de très grandes heures.
Cette structure tripartite englobant le nouveau centre d’art , la Panacée dans l’écusson et l’école des beaux-Arts a été son apport majeur et l’un des aspects les plus singuliers de cette aventure. Aujourd’hui conservée dans son principe.
Une ambiance délétère
Les dernières semaines, l’ambiance était devenue délétère. Un montage photo avait circulé sur Instagram, repris par un des membres de l’équipe de Nicolas Bourriaud, reproduisant l’attaque du 11 septembre : le maire de Montpellier y était désigné comme étant aux commandes de l’avion terroriste fonçant sur le World Trade Center mentionné comme étant le Moco.
Longtemps resté discret, jusqu’à témoigner -paraît-il- de ses doutes sur sa candidature, Numa Hambursin est devenu la bête noire des étudiants des Beaux-Arts qui sont montés au créneau dès qu’ils ont appris que le jury l’avait désigné comme finaliste, début mars. Mauvaise limonade pour l’enfant prodige du pays qui a peut-être commis une faute stratégique : assassiner dans son projet le travail de Nicolas Bourriaud. Moins précis que son concurrent franco-indien, son propre programme mêle les grandes expositions monographiques, qui étaient déjà sa marque lors de son brillant passage au carré-Sainte-Anne, un festival de street-art et un travail sur les quartiers. Des évidences et un projet raccord avec les grandes orientations du nouveau maire. Sur les réseaux sociaux, un même chœur d’élus de la ville, de la métropole, jusqu’à Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, a salué cette nouvelle direction.
Un prestigieux club de vaincus
Il n’est pas certain que Nicolas Bourriaud fasse de la bonne publicité à Montpellier. Il l’avait dit en off à LOKKO : il ne se laisserait pas faire. Il a ses réseaux. Il a pu compter sur le soutien des grandes institutions médiatiques comme « Le Monde » qui l’a défendu. Extrait d’un article du 20 mars : « C’est tuer dans l’œuf l’un des rares projets publics intéressants en France », déplore Melik Ohanian. Célébré à travers le monde, le plasticien a rejoint l’équipe de l’école d’art, où il a étudié, car il était « convaincu par l’élan impulsé par Bourriaud. Au début, les habitants étaient réfractaires, ils craignaient de voir débarquer un parisianiste. Mais, peu à peu, il s’est fait accepter. Il laissait la place aux gens pour agir localement, la sauce prenait. Et tout restait à inventer ».
Encore un grand nom de la culture nationale à maugréer contre la métropole irrédentiste qui ne se laisse pas séduire facilement. On sait que l’ancien directeur du Centre dramatique national, Jean-Marie Besset, chahuté, rejeté, s’est beaucoup répandu. On se souvient du départ amer de Rodrigo Garcia à sa suite. Des blessures à l’âme de Jean-Paul Scarpitta, figure de la jet-set parisienne, intime de Depardieu, accusé de harcèlement comme directeur de l’orchestre.
Cette affaire a aussi mis en lumière la tentation souverainiste de Michaël Delafosse préférant à cette caste mondialisée de curateurs très chics du MOCO qu’il n’aimait pas, les talents locaux. Peut-être là des accents frêchiens sur la « province » contre Paris.
Le street-art : grand gagnant
L’affaire Bourriaud est complexe, riche de sens. Son issue fait place nette pour autre chose qu’on pressent encore mal mais qui n’exclut ni les belles fulgurances, ni l’ambition.
Au sensible et talentueux Numa Hambursin la charge désormais de pacifier et réenchanter l’art à Montpellier. Dès sa nomination, on a senti un frémissement satisfait dans le monde du street-art : grand gagnant de ce renouveau.
Scandaleux.
Bourriaud débarqué – un bon nouvelle pour le weekend et pour l’avenir, on espère, avec Hambursin. On annonce le retour de la figuration narrative un peu partout dans le monde d’art. Alors Numa, plus de ça et moins d’art contempoRIEN, que faire de tel dégâts toujours, surtout à l’art contemporain, le vrai. Longue vive au MOCO 2 !
Je reconnais bien là la finesse d’analyse et d’investigation, le talent et le regard aiguisé de la plus belle plume de Montpellier! Enfin y voir plus clair dans cette affaire.
À espérer une plus large ouverture que le street art , que les artistes trop connus comme les Setois et autres
Ouverture à d’autres pays …plus que souhaitable
À éviter le côté chapelle
Ah ,le Street Art mis en valeur dans les centres d’Art il y a 40 ans …..!!!
Le Street Art est à sa place dans la rue avec la Vie De la Cité
Espoir en un Magnifique programme d’ouverture aux artistes du monde