Retour à l’Opéra

Hélène Bertrand-Féline était trop heureuse d’assister à la représentation de « Werther » à l’Opéra-Comédie, organisée, la veille du 19 mai, pour les journalistes et les professionnels. Un opéra en costumes d’époque et un orchestre à 360° installé à la place des fauteuils du parterre.

 

 

Privilège des circonstances, c’est un jour avant le public que je renoue avec le spectacle vivant , je traverse la place de la Comédie où les bars préparent le retour en terrasse pour assister avec quelques journalistes et professionnels à la générale de « Werther » présentée au public le jeudi 20 mai. C’est l’effervescence : protocole sanitaire oblige, le parterre a été modifié pour laisser place à la soixantaine de musiciens qui entourent le chef Jean-Marie Zeitouni : une direction à 360° dont on peut mesurer la difficulté et saluer la prouesse.

Un archétype romantique

La bonne humeur ambiante, le plaisir évident de se retrouver sont aux antipodes du thème de cet opéra composé entre 1880 et 1887 par Jules Massenet d’après le roman de Goethe : « Les souffrances du jeune Werther ». Intrigue résolument romantique autour d’un amour partagé mais impossible qui conduira bien sûr le héros à la mort et sa bien-aimée à une longue vie remplie de regrets et de désespoir, car en ce temps-là, on était rarement heureux et de toutes façon, le bonheur c’est ennuyeux alors que le désespoir, ça fait vibrer les cœurs et les cordes vocales.

Un choix élégant

Comment évoquer la nature présente au premier acte et l’intérieur bourgeois du bailli sans changement de décor ? Le metteur en scène Bruno Ravella prend le parti d’un intérieur aux papiers peints panoramiques et naturalistes très en vogue au 19ème siècle et nous invite dans une bonbonnière qui sied parfaitement à la musique sucrée de cette œuvre. Des escaliers, des corridors suggérés vont servir les ressorts dramatiques de l’histoire; les grands pans de murs ont l’avantage de bien projeter les voix vers la salle au delà de l’étendue peu habituelle de l’orchestre. Des costumes d’époque (incroyable mais vrai) et un magnifique éclairage contribuent à un esthétisme inhabituel de nos jours mais fort réussi.

Un vrai défi de direction

Le chef canadien Jean-Marie Zeitouni fait fi de cette répartition étalée de l’orchestre et en tire même parti : l’ouverture est toute en douceur et relief. On y perçoit des accents de la méditation de Thaïs et un véritable souffle romantique et sensuel. Il y a de l’énergie et du répondant dans l’orchestre où chaque pupitre se distingue tout en trouvant une belle cohésion. De très beaux moments où se juxtaposent plusieurs thèmes dans une écriture très construite et de belles mélodies qui se promènent entre musique de chambre et influences wagnériennes.

Une distribution magistrale

Dans le rôle titre, le ténor guatémaltèque Mario Chang entame ce marathon incroyable de façon prudente en ménageant ses aigus mais, très vite, il récupère un timbre magnifique et une amplitude vocale doublée d’une jolie musicalité.
En prise de rôle dans Charlotte, la mezzo soprano Marie-Nicole Lemieux calme ses habituelles ardeurs vocales pour offrir des nuances très musicales et de très jolis phrasés ciselés. Le rôle du bailli est bien servi par un Julien Veronèse qui domine sa partition. La jeune soprano Pauline Texier est une Sophie charmante, sa voix claire dans les aigus est moins convaincante dans le bas médium. Deux compères enfin, Yoann Le Lan et Mathias Jacquot, éclairent leurs interventions sans faille et les voix d’enfants du Chœur Opéra Junior sont bien en place.

Si vous ne faites pas partie des chanceux (200 places seulement) qui ont assisté à l’unique représentation du 19 mai, une captation permettra la diffusion sur le petit écran.

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