Pierrette Bloch, la femme à côté

« De tous les peintres qui m’ont été contemporains, elle est la seule véritablement proche« , a écrit d’elle Pierre Soulages. Le Musée Fabre dédie l’une de ses 3 expositions post-confinement à cette artiste atypique, disparue en 2017, icône discrète de l’art abstrait, qui a vécu à Pézenas et à Bages dans l’Aude.

 

 

C’est d’abord Stéphane Bordarier, le plus jeune, dont les grands aplats qui surjouent la couleur défient l’imposante verrière du musée. Ensuite Pierre Arnal, l’un des géants de Supports Surfaces, mouvement mythique né dans la région, et ses solaires papiers froissés, dans une enfilade de pièces. Succédant à ces 2 apôtres de la couleur, celle qui n’est plus là alors que les deux autres artistes répondent aux questions des journalistes, un peu à l’étroit dans une pièce dédiée et un couloir -tout à côté de son ami Soulages- : Pierrette Bloch.

La commissaire Maud Marron-Wojewodzki a créé les conditions d’une résonnance entre la matérialité des œuvres de ces 3 invités : Bordarier peint sur de la colle encore humide, Arnal sur du papier peint arraché; elle, fait goutter la peinture point après point. Mais parmi ces artistes qui mettent la main à la pâte, elle paraît à part. L’élégance de son geste saute aux yeux.

Une artiste du « presque rien »

Points, lignes, tracés au pinceau, au fusain, à la mine de plomb sur des papiers ou des calques : c’est une écriture « sans énoncé » dont le mutisme invite le visiteur à une approche plus intérieure. Minimaliste, subtile au point que « Télérama » a vu en elle une « artiste du presque rien ». C’est un grand calme qui vient après les insolences colorées de ses co-exposants, un bain spirituel de beiges, blancs qui sont le cadre d’une répétition acharnée des mêmes motifs ne donnant jamais tout à fait le même résultat. Encore plus surprenant : autour d’un fil de nylon tendu à l’horizontale, une sculpture de crin d’une divine fragilité. Une pratique qui est un peu sa marque de fabrique, entrant dans la recherche d’une vie, selon sa propre expression, pour « dessiner le temps ».

La Reine de la nuit

Elle était surnommée la « reine de la nuit » par ses amis peintres tant elle aimait le noir : « Ça a un effet bénéfique sur moi, peut-être comme une sorte de grotte dans laquelle j’aime être », confiait-elle lors d’une interview sur France Culture. C’est cette fascination commune pour le noir qui cimentera une longue amitié avec Pierre Soulages, sa grande influence avec l’abstraction américaine.,

« De tous les peintres qui m’ont été contemporains, au-delà de l’amitié, elle est la seule dont les choix majeurs, ces choix éthiques inséparables d’une esthétique, ont été véritablement proches des miens », a écrit Soulages en 2018. « Sa conception de l’œuvre d’art est parente de la mienne : ni image, ni langage, sans message indirect adressé par le biais d’un titre. Avec une détermination entière et sans relâche, Pierrette Bloch a toute sa vie ouvert un chemin unique dont l’originalité et la force s’imposent maintenant à tous ».

Le centre Pompidou lui a rendu hommage, elle a été achetée par de grandes institutions mondiales comme le MoMA à New York, la fondation Louis Vuitton à Paris, ainsi que le Centre Pompidou et le musée d’Art moderne mais elle a cheminé pudiquement, sans être jamais vraiment à la mode.

« Je suis vraiment absorbée par ce que je fais. C’est un voyage. Il n’y a pas de finalité. Je laisse les choses advenir. Tout cela dépend de l’état où l’on est et dont on veut qu’il reste quelque chose. L’atelier c’est l’endroit le plus paisible. Le calme de l’atelier m’intéresse. L’atelier est un endroit où je me replie. Je ne peux pas travailler ailleurs que dans un atelier. La maison s’organise autour. L’été, je vais, jusqu’à présent, près de Narbonne. Ce qui est très curieux est que la maison que j’ai à Narbonne ressemble maintenant à mon appartement à Paris (…). L’atelier est le lieu dédié à une activité, … c’est un lieu de rencontres aussi, rencontres que j’apprécie beaucoup. C’est vrai que l’on est seul quand on travaille » expliquait-elle à Elisabeth Amblard de la Sorbonne lors de l’exposition qui lui avait été consacrée par le musée montpelliérain en 2009.

Elle a vécu à Bages dans l’Aude où les murs ont été exonérés de porter la moindre œuvre d’elle, par choix. C’était « une femme singulière » a résumé David Quéré, son ami, le jour de la visite de presse montpelliéraine, qui a témoigné de son aversion pour tout esprit de carrière. Une artiste « à côté ».

 

Plus d’infos sur « Bloch/Arnal/Bordarier » au musée Fabre jusqu’au 29 août, ici

Photo à la UNE : Courtesy of galerie Karsten Greve. qui représente Pierrette Bloch @ Photo : Adam Rzepka 

 

De haut en bas : Sans titre, 1988, Encre noire sur papier, 50 × 65 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 2019.11.1 / Sans titre, 2015, encre blanche sur film polyester, 36 x 36 cm, collection particulière. Crédits : Adam Rzepka / Sans titre, 1992, Crins noués sur carton plume, 100 × 70 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 2019.11.3

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PHILIPPE MARECHAL
3 années il y a

A toutes fins utiles :

* FENETRE SUR COUR.34 * à Bloch – Arnal – Bordarier.
_______
Saison contemporaine.
Musée Fabre Montpellier.
Du mercredi 19 mai au dimanche 29 août 2021

https://flic.kr/s/aHsmW3bXhh
_______________________

Amitiés.
Philippe.
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UCE – FSC/P.34 – .
Médias/Actualités/Editions.
Philippe Maréchal.
_______________

* Fenêtre sur Cour.34 *
https://www.facebook.com/fenetresurcour.34
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