Chroniqueuse LOKKO et écrivaine, Marie Urdiales a été invitée à dédicacer son livre « Par la main » à la librairie L’Opuscule, le 4 juin dans le cadre d’une Comédie du Livre, heureusement pas « 100% numérique ». L’occasion de vérifier, encore une fois, la méconnaissance totale de la réalité économique de 95% des auteurs.
En mai 2020, j’ai publié mon roman « Par la main » (*) chez Calmann Levy. C’est un bel éditeur, j’avoue que j’étais assez fière de mon boulot, et il était prévu que je signe sur le stand d’une grande librairie lors de la Comédie du Livre. On connaît la suite : la Comédie fut annulée, tout comme les salons et autres rencontres. Saleté de Covid.
Cette année, je n’osais à peine espérer être invitée par qui que ce soit. Faut dire que ça se bouscule comme qui dirait au portillon, dans le monde merveilleux du livre. A la louche, environ 68.000 livres sont publiés en moyenne chaque année, autant vous dire que nous sommes plusieurs auteurs (environ 68.000, donc) à piaffer pour être présents quelque part, parfois même n’importe où, tant qu’on peut être remarqué parmi toutes les nouveautés. Notre petite vanité perso n’est pas la seule raison à cette soif de visibilité. Il y a -bien sûr- l’aspect purement financier. En moyenne, un auteur perçoit entre 8 et 10 % du chiffre de vente de son bouquin, autant dire que pour payer son loyer et le reste, il a intérêt à vendre beaucoup, beaucoup de livres. Et pour cela, rencontrer le chaland-lecteur et lui faire du charme reste un moyen efficace. Mais à vrai dire, je crois que pour beaucoup d’entre nous, la raison qui nous fait tant aimer les salons, c’est le contact humain. Quand on exerce comme nous un métier de solitaire, ça fait un bien fou de constater que nous sommes lus ! Appréciés ! Achetés, aussi. Ça place dans le réel nos excursions dans l’imaginaire. Autant dire que quand on nous a annoncé que cette année la Comédie serait 100 % virtuelle, on n’a pas trouvé ça très drôle.
« Vous avez bien vendu hein ! »
On comprend, bien sûr qu’on comprend. C’est juste que le virtuel, comme tout le monde, je sature un peu. Du coup, j’ai sauté sur l’occasion quand la librairie l’Opuscule m’a invitée pour une séance de signature « 100 % présentielle ». J’ai mis mon plus beau masque, et me voici partie rue St Firmin. Nous étions cinq auteurs en tout, chacun installé à bonne distanciation sanitaire, avec nos ouvrages et un verre d’eau. J’avais trois heures pour rencontrer mes lecteurs, et je me demandais quel type je rencontrerais aujourd’hui. Le bavard ? Celui qui voit dans mes livres bien plus de choses que je ne pensais y avoir mis ? L’impressionné ? Qui ne se doute pas que je suis bien plus timide que n’importe qui, derrière mon numéro de clown ? Le capitaliste, qui croit vraiment que ça rapporte un max de passer trois plombes le cul sur une chaise ? Ou le plus représenté de tous : celui ou celle qui écrit aussi, prouvant ainsi que l’école publique fait bien son boulot. Parce qu’il y en a beaucoup, des gens qui écrivent. Et qui demandent comment être publiés (réponse : en envoyant son manuscrit à une maison d’édition. Contrairement aux rumeurs, elles lisent même les inconnus!)
Le plus étonnant, pour moi du moins, est de constater régulièrement la méconnaissance de la réalité des auteurs. Ainsi, nombreux sont les lecteurs qui s’imaginent que, si nous vendons mettons 100 livres par heure, nous repartirons les poches pleines de droits. Sauf qu’à moins de faire partie de 5 % d’auteurs célèbres, nous vendons, les bons jours, allez : entre 1 et 10 livres. Si on met un prix de vente à dix euros, et qu’on est très optimiste, avec un contrat à 10 % sur le prix de vente, on peut se faire 10 euros. En trois heures. Moins les charges. Le résultat est presque aussi cocasse qu’une Comédie du livre 100 % virtuelle, on doit être à moins trois SMIC horaire environ. Ce jour-là, le 4 juin, j’ai vendu et signé UN livre. Au papa du jeune Adam, un de mes amis. En trois heures, j’ai donc « gagné » 1 euro. Que je toucherai en 2022. Mais vous savez quoi ? C’est ça, aussi, qui fait partie de notre charme : notre manque total de réalisme économique !
J’ai claqué 100 fois mon gain du jour en bouquins pour l’été, pris le verre de l’amitié avec tout le monde, et puis je suis rentrée chez moi en me disant que même comme ça, ça faisait trop de bien de repasser dans le monde réel. Alors encore un grand merci en tout cas à Waldeck et Pascal de l’Opuscule pour leur invitation, et à Dominique pour les toasts ! Et vive le présentiel, bordel !
(Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué : j’ai beau être féministe, je ne suis pas une grande fan(e?) d’écriture inclusive, et le mot « autrice », tout académique qu’il soit, me fait grincer des dents. Je pars du principe que tout le monde sait que l’univers est constitué de gens des deux sexes, voire plus!)
(*) Dans une station balnéaire du sud de la France, Ben retrouve son petit frère, Max, pour les vacances d’été. Quand il l’aperçoit sur le quai de la gare, Ben sent son cœur déborder
d’amour pour ce petit bonhomme, de colère contre lui-même et de douleur. Il n’a pas vu sa famille depuis huit mois. Ces huit mois, il les a passés au fond du trou, ballotté entre le chagrin et la culpabilité. Il se sent responsable de l’accident dont a été victime sa meilleure amie : Hélène, la fantasque, l’artiste, l’initiatrice des mondes imaginaires.
Ben, qui sort à peine de l’enfance, va devoir accepter l’aide de ce frêle garçon de six ans, plein d’admiration à l’égard de son grand frère, d’imagination et de questions, pour surmonter la première épreuve de sa vie d’homme.
Tres Beau livre emouvant personnages atachants
Bien d’accord !
J’admire ton courage, ton talent et ton humour!
Tiens bon!
Ta vieille fan(e) pas encore tout à fait fanée😉