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Mare of Easttown : le grand art de Kate Winslet

« Kate Winslet, je l’aime depuis 1994 » : la chronique de Lionel Navarro sur « Mare of Easttown », un polar déprimant visible sur OCS où Kate Winslet interprète une inspectrice de police divorcée, peinant à faire le deuil de son fils aîné, emporté par la drogue et une maladie mentale…

 

Kate Winslet, je l’aime depuis 1994. Elle avait 18 ans à la sortie de Créatures célestes, film de Peter Jackson, celui des trilogies du Hobbit, du Seigneur des Anneaux, de King Kong, de Feebles, des Bad Taste et Braindead, joyeusetés drolatiques et gore de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Kate Winslet, je l’aime depuis son premier film. Elle y interprétait le rôle d’une « teenage murderess », Juliet Hulme qui, des années après sa peine de prison purgée, devint Anne Perry, un auteur, une autrice, une auteure de romans policiers. Heavenly Creatures, c’est un fait divers glauque -le film ne l’est pas, il est même lumineux- : deux adolescentes lesbo-potentielles tuent la mère de l’une d’elles parce que les mères, ce sont des monstres. C’était vraiment pas mal. Le film. Kate Winslet, je l’aime depuis bien avant l’exposition de ses dessinés flotteurs mettant en avant le Cœur de l’océan dans Titanic.

Et, non, dans mon article, je ne causerai pas, comme chez certains de mes confrères et consœurs analystes, du petit ventre de cellulite et des rides de Kate qu’elle a refusés de faire disparaître par la magie du numérique. Et, en effet, Madame Winslet looks like shit dans Mare of Easttown. La vie, quoi.

Cela envoie encore la sauce côté obscurité dans la tête

Si Créatures célestes distribuait une part d’ombre tirée de l’âme humaine, la mini-série HBO Mare Of Easttown envoie encore plus la sauce côté obscurité dans la tête et les actes des gens. Du costaud. Du lourd. De la femme en sérieux souci. De la mère de famille qui ne se remet pas du suicide de son fils aîné, à besoins spécifiques comme on dit, pris dans la drogue. Être rongée par la culpabilité de n’avoir rien pu faire. D’avoir laissé faire. Un fils aîné qui se pendit dans la maison familiale et qui laissa un petit garçon. La mère de ce petit garçon, ex-junkie, qui veut la garde de son fils. Un divorce avec l’ex habitant, sous le même toit que sa fiancée, l’autre côté du terrain. Un mur imprenable qu’a construit Mare entre elle et les hommes. Un prêtre soupçonné de pédophilie. Un père qui veut se venger. Une ville qui ne va pas fort du point de vue socio-économique. Un jeune gars, le petit-copain de l’assassinée, qui n’est pas très clair mais on le plaint quand même pour ses malheurs. Un enquêteur, mignon tout plein et plein de vie qui n’en n’aura bientôt plus. Un papa qui n’est pas papa de son fils. Une enquête sur la mort bien cracra d’une maman mineure dont le gosse a besoin d’une opération urgente, la disparition d’autres jeunes filles… et je n’ai pas tout énuméré. Bref, Easttown, quoi… c’est chez eux comme chez nous…

Kate Winslet est grande

Au bout du second épisode, je me dis, au fond du trou : « Mazette ! Est-ce que je veux vraiment voir ça en ce moment où tellement me déprime et les gens en premier lieu ? » Par WhatsApp, une amie me pousse à poursuivre le visionnage : à partir de l’épisode 3, l’enquête démarre vraiment avec son lot de rebondissements, et de mais c’est qui, bordel, mais c’est qui qu’a tué la pauvre nana ? Mon amie -coucou Anna !- a eu raison. Kate Winslet y est grande. Je me suis dit : « Jouer avec elle, quelle expérience ! On ne peut qu’être bon avec une actrice-partenaire pareille ! » Dans des seconds rôles féminins qui se révèleront plus complexes qu’il n’y paraît sur une majorité d’épisodes : Jean Smart, Helen, la maman de Mare; Julianne Nicholson, Lori, la meilleure amie de Mare. Un jeu invisible et donc spectaculaire. Pour leur rôle : une quasi-fadeur parfaitement maîtrisée qui vous explose à la figure quand vient le moment où il a été écrit, dans le scénar, que ça vous explose à la gueule. Et, ainsi, vous voici aussi désemparés que les personnages à l’écran.

Et les gars dans tout ce bazar ?

Je ne sais pas si c’est de saison : après #MeToo, les scénaristes US ne sauraient-ils/n’oseraient-ils plus écrire des rôles masculins qui ne montrent pas les hommes comme faibles, tyranniques, monstrueux, paniqués, fuyants, à côté de la plaque ? Une chose : c’est aussi eux qui font, d’abord, le sale boulot pour protéger ce/ceux qu’ils pensent devoir protéger. C’est aussi eux qui, dans la vie vécue, travaillent le plus dans les pires métiers dangereux, pénibles et difficiles. C’est pas moi qui le dis, c’est factuel. Et puis, qu’est-ce que c’est que cette histoire d’amour mal pesée, mal pensée, mal écrite entre Mare et un écrivain de presque soixante ans, Richard Ryan/Guy Pearce, qui fait trembler d’amour les femmes et qui, lui aussi, a une vie bien cabossée. Enfin, quantitativement parlant, moins que celle du personnage de Kate. Je reviens à Mare et compagnie et aux enjeux profonds de la série : que vous soyez père ou mère, jusqu’où iriez-vous pour tirer d’affaire votre enfant, votre famille ? Les frères et les sœurs sont pas mal troublés dans la série… Punaise… Comme le disait ma grand-mère paternelle : « Fais du bien à Bertrand, il te le rendra en »…. Vous connaissez, je n’en doute aucunement, la fin de l’adage.

Donc Kate, dans Mare of Easttow, entre dans la peau de Marianne, une flic entêtée -donc un brin paumée- dont la fille lesbo-rockeuse dit que sa seule présence fait tenir la ville. Merci pour elle, car elle en bave. Et nous pouvons nous exclamer face à ses exploits policiers et psychologiques « C’est qu’elle est solide, la bougresse ! » Une sorte de statue en plomb qui bouge et parle pour cacher et mettre à distance son état profondément dépressif, voilà, c’est Marianne Shehann. Bien sûr, comme la série est étasunienne, une psychothérapeute viendra aider l’héroïne qui a fait quelques conneries -divulgâchage : parce qu’elle souffre. Kate joue une héroïne qui en a très lourd sur la patate mais qui s’accroche à son métier, attention, le burnout guette, un métier qui est aussi sa morale mise en mouvement : faire que sa communauté dont elle partage les joies et les troubles ne parte pas -trop- en cacahuètes. A Easttown, on dirait que tout le monde y est cousin et cousine, sauf les Blancs avec les Noirs. Pas de mariages mixtes. De la consanguinité, peut-être ? Oh lala !

Un peu d’humanité, passembleu !

Qu’est-ce qui m’a fait rester devant la télé ? Qu’est-ce qui a fait que je voulus absolument voir l’épisode suivant, et le suivant, et le suivant ? 3 lettres : KKK. Kate Kate Kate. Bon, aussi le choupinou Evan Peters parce que je l’aime, différemment de Kate, depuis que je le découvris, tout vêtu de cuir bdsm, dans la première saison d’American Horror Story. Je m’égare. Mare of Easttown, si l’on y réfléchit bien, et passé l’espèce de soulagement, qui n’en est certainement pas un, de l’assassin(e) démasqué(e)*, qu’est-ce donc ? Une histoire en 7 épisodes montrant la parentalité, réelle et symbolique. Une histoire sur le combat contre et avec les deuils, réels et symboliques. Des chemins, différemment pris, mais tortueux et torturés, face à la perte physique, la chute et la détresse morales. Ce que c’est que prendre soin des autres, -le job de la police et des curés, quoi- et des siens. Et ce que cela peut vous faire faire. L’inhumanité comme l’humanité sont un parcours dans l’humain. Aux spectatrices et spectateurs de se confronter au meilleur comme au pire en eux. Aux spectateurs et spectatrices de donner un nom à ce meilleur et à ce pire. Et puis, c’est quoi et comment, la rédemption ? Finalement, Dostoïevski et son Crime et Châtiment ne sont jamais loin.

Conclusion : Mare of Easttown ? 7 épisodes de 50 et quelques minutes, de l’asphyxie à l’air libre.

*Utiliser une forme d’écriture inclusive a ceci de formidable qu’elle me permet d’éviter de divulgâcher quoi que ce soit !

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