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« Teddy », le film pyrénéen des frères Boukherma, entre gore et comédie

Les nouveaux prodiges du cinéma français, Ludovic et Zoran Boukherma montrent dans « Teddy » une France rurale, faite de pavillons pré-construits, d’adolescents boutonneux, de fromage de tête et de loup-garou…. Un film explosif, parfois perché mais toujours maîtrisé qui a été présenté au Cinemed 2020, et entièrement tourné dans les Pyrénées-Orientales.

 

 

Après Willy 1er, une réalisation à 4 personnes, les deux frères décident de faire bande à part, embarquant seulement Noémie Lvovsky, actrice, dans leur nouveau trip. L’histoire se déroule dans les Pyrénées, aux abords d’un village ou un loup attaque les habitants. A 19 ans, le jeune Teddy (Anthony Bajon) partage son quotidien entre le salon de massage qui l’emploie, la vie à la maison avec son oncle et sa petite amie. Au début de l’été, Teddy est griffé par la bête et se retrouve, les jours qui suivent, pris d’agissements bien étranges.

C’est avec un film de genre assumé que les deux cinéastes font leur retour sur le grand écran. « Teddy » marque la naissance d’un nouveau cinéma d’auteur qui se situe entre le cinéma d’art et d’essai et le blockbuster. On sent bien que ces deux jeunes réalisateurs sont imbibés d’une culture des années 90/ 2000, faite de jeux vidéo, de cinéma d’horreur et populaire. Enfants de Steven Spielberg et de Stephen King, ils se sont emparés de l’arrivée du loup dans les Pyrénées pour raconter à leur manière une histoire mélangeant horreur et comédie.

Pour l’horreur, le loup laissera la place au loup-garou, fameuse créature fantastique que le cinéma de genre a déjà bien usée dans les années 80 (Le Loup-Garou de Paris, Le Loup-Garou de Londres, Wolf etc.). Teddy est une ode à ce cinéma où la figure du monstre (porté par Wes Craven et John Carpenter) remplissait les salles en vendant du popcorn par kilos. Ces influences très américaines sont déplacées dans une bourgade française donnant à l’œuvre une touche bien singulière voir marginale à l’instar de ce village, où les personnages sont tout aussi perchés que méchants.

Des Pyrénées inquiétantes

D’apparence, le décor des Pyrénées laisserait voir une verdure idyllique, paisible et calme. Pourtant, il sera le lieu d’une histoire fantastique qui en donne une toute autre vision. Le film ne montre pas seulement des personnages dévorés les nuits de pleine lune, il dresse également le portrait de villageois borderline, interprétés par des comédiens non-professionnels. Les deux réalisateurs racontent l’histoire d’un village isolé, d’une France profonde à l’indécrottable schéma patriarcal.

En Teddy, devenu loup-garou, s’exprime une peinture anthropologique autour de la figure de la jeunesse en souffrance, sacrificielle, dans ce monde rural impitoyable sur ses valeurs. Le jeune homme a trop longtemps souffert des moqueries de son entourage, le film lui donnera l’occasion de se venger. C’est dans une esthétique gore où le sang rougit l’image que les Boukherma finissent par réunir le cinéma d’horreur et de comédie. On rit autant qu’on est effrayé à l’idée de voir ces images sans merci d’une bête qui a faim de chair. Il n’y a pas de métaphore intellectuelle à comprendre, seulement la bêtise qu’engendre le lynchage et les railleries à répétition sur un jeune homme qui se cherche et voudrait faire rêver sa copine.

Si Teddy est une œuvre à part c’est que ce film a un ton, un univers bien ficelé, celui de deux jeunes réalisateurs qui nous donnent leur vision du cinéma en 2021. Ils assument des références que, longtemps les institutions cinéphiles ont rejeté. Ils parlent autant de leur jeunesse sur GTA que leur découverte de Truffaut. Ils ne viennent pas de la Fémis, n’ont pas la prétention d’un cinéma d’art et d’essai. Ils ont juste envie de raconter des histoires de loup-garou, de personnages barrés, autrement dit de faire rire et de faire peur aussi, simplement, comme le fait le cinéma populaire… et ça paye. Teddy est rafraîchissant et efficace. Le film n’était pas encore en salles que ces deux bonhommes ont signé pour réaliser une sorte de remake français du légendaire « Les dents de la mer » avec Marina Foïs et Kad Merad (« L’année du requin ») …

 

« Teddy » de Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, France, 1h29, avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Ludovic Torrent, au cinéma.

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