Richer de Belleval : un Palais montpelliérain pour le mécénat privé

De somptueuses fresques au plafond réalisées par des artistes contemporains et une galerie d’art : voilà la vitrine de la fondation privée d’art contemporain Helenis, d’un genre inédit à Montpellier. Elle est incluse dans un haut-lieu patrimonial, également siège d’un hôtel 5 étoiles de 20 chambres et du nouveau « Jardin des Sens » des frères Pourcel. L’hôtel Richer de Belleval amplifie l’avènement d’un mécénat culturel privé ambitieux et renforce une certaine conception de l’art à Montpellier.

Photos Céline Courtault-Capelier

Seigneurs montpelliérains de la gastronomie, les frères Pourcel ont enfin recréé leur mythique Jardin des sens, fermé en 2016 après 28 ans d’existence. Leur nouveau restaurant s’enrichit d’un hôtel pour une riche clientèle principalement américaine et asiatique .

Si les bruits de verre et les mets fins ont dominé l’ouverture de la partie bistrot dans la cour intérieure et sur une terrasse donnant sur la place de la Canourgue, avant le lancement officiel du restaurant, c’est un autre événement dans l’événement qui s’est joué le 25 juin autour de la fondation d’art contemporain de Montpellier qui s’est offert le luxe de la présence d’un géant du pop art américain, Jim Dine, 86 ans.

On a du mal à imaginer les immondices, les cadavres de pigeon et de rats qui accueillaient ceux qui se risquaient à entrer dans ce bâtiment maltraité, scandaleusement délaissé qui a d’abord été un palais médiéval des Guilhem, reconstruit au 17è siècle puis la mairie de Montpellier enfin une annexe du Palais de justice. Un chantier mouvementé, tendu, freiné par le Covid qui devait durer 2 ans mais en a nécessité 4. Un grand lieu dingue d’un luxe inouï avec des chambres aux lits de 2 mètres qui se visitent comme un musée.

« Ce n’est pas la fondation Pinault », minimise son directeur artistique Numa Hambursin qui a récemment visité la Bourse de commerce de Paris. Pour cette « fondation d’un nouveau type », il ne s’agira pas de découvrir des œuvres dans un vaste espace neutralisé comme dans le nouveau haut-lieu parisien de l’art, mais bien d’inscrire « dans la chair du bâtiment des œuvres pensées pour des siècles ». L’hôtel Richer de Belleval se découvre d’abord en levant le nez, principalement vers les plafonds. Des consignes ont été données à un commando de 5 artistes surdoués : orner ces plafonds avec les grands thèmes de l’art classique comme l’amour, la mort ou la transcendance.

Ces splendeurs seront visibles seulement dans le cadre de visites guidées mais on peut librement pousser la porte pour découvrir la galerie d’art, gratuite, dont la porte donne dans la cour intérieure du palais. « Avec un dress code » précise-t-on à la direction .

Dès l’entrée, c’est « la plus vaste réalisation publique de l’artiste en France ». Jim Dine, un des derniers monstres sacrés de l’art américain, issu en droite ligne des révolutions esthétiques du New-York des années 60, a réalisé un plafond en céramique avec des cœurs partout, son motif familier, avec la collaboration de la Manufacture de Sèvres. Les carreaux de grès sont collés et à la fois fixés par une pointe blanche en leur centre. C’est ce grand témoin de la grande histoire de l’art des USA qui nous conduit sous la verrière de la vertigineuse cour intérieure. L’option de l’hybridation des époques est là clairement signalée.

A gauche de cette entrée, l’accueil de l’hôtel a été investi par cette nouvelle star du dessin français qu’est Abdelkader Benchama, né à Mazamet, passé par les Beaux-Arts de Montpellier, qui vit entre Paris et Montpellier. Il avait lui aussi un plafond à peindre, mais surtout sans « heurter » selon son cahier des charges. Comment serait-ce possible avec le trait délicat et stratosphérique de Benchama dont la fresque à l’encre voisine avec une émouvante série de trois fresques d’origine, restaurées, dans les trois salles voûtées de la partie médiévale du bâtiment où a été aménagé le restaurant. Une restauration assurée par le renommé atelier de Ricou, qui s’occupe notamment du château de Versailles.

Retour dans la cour intérieure. Au bas de l’escalier d’honneur, on se croirait dans « Le Guépard ». 12 bustes de Césars vous regardent monter les marches vers les chambres d’hôtel. Il faut encore lever le nez pour voir la peinture dorée à la feuille de laiton réalisée par Marlène Mocquet (en photo). Elle a été bonne élève : elle s’est inspirée du botaniste et fondateur du Jardin des Plantes, médecin de Henri IV et Louis 13, qui a été le propriétaire du bâtiment, pour composer un bréviaire post-baroque aux magnifiques hérons qui côtoient des pommes . Cheveux d’or bouclés, perchée sur de très hauts talons : l’artiste a attiré tous les regards lors de la visite de presse, avec son œuvre puissamment onirique dont elle a parlé comme « le cadeau d’une vie ». Des jumelles dorées sont accrochées au mur pour voir de plus le plafond peint de « l’une des meilleures artistes de sa génération ».

Au premier étage, c’est le vestibule à la porte grinçante qui donne accès aux chambres où la franco-argentine Olympe Racana-Weiler, ancien élève de Jim Dine, « chouchou de quelques critiques parisiens », a proposé une « orgie pariétale » transformant l’espace en grotte de couleurs.

En redescendant, on peut s’arrêter à mi-escalier au bar de l’hôtel, en fait l’ancienne salle des mariages, qui sera accessible a priori à tous. Un salon aux dimensions vertigineuses où le flamand Jan Fabre, homme de théâtre, chorégraphe autant que plasticien, a décoré le plafond de milliers d’élytres de scarabée assemblés chez lui à Anvers. Les élytres sont les ailes de l’insecte qui donnent d’ailleurs son nom à ce bar à la folle décoration signée Christian Collot].

L’artiste a sublimé le cahier des charges en imaginant une œuvre symboliste évoquant « la résurrection de la ville assiégée ravagée par la Peste » par deux phoenix géants enserrant un serpent. Aux quatre coins, des blasons montpelliérains, dont l’un  sur la médecine rend hommage à Richer de Belleval, à sa manière. Peut-être l’œuvre la plus commentée, avec celle de Marlène Mocquet.

Le promoteur Helenis, filiale de GGL, principal aménageur privé de la région, a investit 14 millions d’euros pour la rénovation du lieu qui impose la suprématie montpelliéraine de la marque comme mécène privé, à l’instar de l’avancée considérable en France du financement de l’art par les fondations d’entreprise (très avantageux fiscalement). Et d’une offre grandissante d’art-hôtels en France : l’hôtel Burrhus à Vaison la Romaine, l’Abbaye de Fontevraud près de Saumur en Anjou, l’hôtel Le Corbusier dans l’iconique Cité radieuse à Marseille, le Royal Monceau ou le Drawing Hôtel à Paris, ou encore le Château La Coste près d’Aix-en-Provence. La fondation montpelliéraine a déjà à son actif la commande passée à 16 artistes pour ses résidences de luxe.

Partenaire de l’aventure gastronomique et hôtelière, la fondation d’art contemporain y affirme une ligne claire : « privilégier l’émotion ». Un « art contemporain populaire, dont on ne puisse pas dire : mon petit frère fait aussi bien » selon les termes de Numa Hambursin (ci-dessus) qui quitte l’aventure pour prendre la tête du MOCO et de ses 3 établissements . L’incarnation puissante d’une conception désormais influente à Montpellier du beau et de l’art contemporain.

Photo de groupe ci-dessus : les frères Pourcel et leur associé historique Olivier Château avec leur attachée de presse, Christian Collot, le décorateur (à l’arrière), Thierry Aznar, patron d’Helenis (tête penchée), Numa Hambursin, directeur artistique et Alain Guiraudon, président de la fondation d’art contemporain GGL Helenis.

La galerie d’art se visite gratuitement du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 15h à 19h mais les 5 œuvres d’art sont visibles dans le cadre de visites guidées payantes.

Très attendu par le métier, le restaurant propose des menus de 120 à 240 euros. On peut déjà dîner et déjeuner dans la cour intérieure et sur la terrasse qui donne sur la place de la Canourgue dans le Bistrot La Canourgue, ouvert 7 jours sur 7, avec l’offre bistronomique . Pour dormir à l’hôtel, il faudra payer de 280 à 980 euros la nuit.

Hôtel Richer de Belleval – Relais & Châteaux – Montpellier (hotel-richerdebelleval.com)


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Valérie Hernandez
Valérie Hernandez
3 années il y a

Super

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