À l’heure où Montpellier Danse s’achève en mettant en lumière des chorégraphes venant d’Europe, d’Amérique, du Moyen-Orient ou d’Afrique, un nouvel évènement célébrant la danse contemporaine a pour ambition de faire connaître la Russie et son engagement dans cette discipline. Une ambition forte dans un moment où les délégations russes ont été refusées au Festival de Cannes et d’Avignon. Quoi de mieux qu’un festival pour célébrer une création presque inconnue à l’international et mise de côté par son pays d’origine, au profit des ballets et de la danse classique, considérée comme plus noble. Et c’est la nouvelle scène, éloignée du pouvoir politique et de la culture dominante, que l’on découvrira lors de cet évènement.
À l’origine, DansePlatForma, plateforme de la danse contemporaine russe, est un programme d’échanges artistiques entre les artistes de France et de Russie lancé en 2019 au Centre d’innovation culturelle de Kalouga dans le cadre du jumelage entre les villes de Montpellier et d’Obninsk, par la compagnie montpelliéraine Autre MiNa, qui a porté sur près de trois ans le festival Les Promenades amenant la danse contemporaine aux publics en pleine nature à Montpellier.
Dépassant les conflits politiques et les obstacles de la coopération avec la Russie, le programme de dansePlatForma #20 en Octobre 2020 a permis de découvrir de nouveaux artistes venant de toute la Russie. Nous retrouverons les chorégraphes lauréats sélectionnés alors par un jury franco-russe, Anna Deltsova & Alexandr Tronov, (à la Une), Pavel Glukhov et Viktoria Archaya (photos ci-dessus) au Domaine d’O du 11 au 13 juillet. Entre une création inspirée des poèmes de Joseph Brodsky, une réflexion sur le genre masculin et sa déconstruction ou encore un autoportrait dissimulé derrière un triptyque artistique, la programmation s’annonce riche en introspection et en questionnement sociétal. L’occasion aussi de découvrir la pièce AkhmatModi de la Cie Autre MiNa qui symbolise les liens unissant les artistes des deux pays.
Cette création de 2016 avait été montrée le 26 mars dernier aux professionnels, alors que la compagnie n’avait pas dansé depuis un an et demi. Évoquant la rencontre du peintre franco-italien Amedeo Modigliani et de la poétesse russe Anna Akhmatova, cette pièce raconte leur naissance en tant qu’artistes. De la première exposition de Modigliani intitulée « La forêt d’Akhmatova », matérialisée sur scène par des bustes élancés en pierre, aux poèmes récités dans leur langue natale par l’artiste russe : une histoire d’amour et une proposition frénétique à couper le souffle. La singularité et la puissance de cette pièce est marquante, semblant représenter la nouvelle scène russe, teintée d’une grande théâtralité, tant par la scénographie malévitchienne que l’épure de la chorégraphie ancrée entre ciel et terre, entre le rêve et la vie, l’inspiration divine et l’artisanat du sculpteur bâtisseur. Entre force et fragilité de l’humain, la lutte de l’artiste avec ses propres démons et avec la nature, pour la sculpter, la modeler à son image. Après la folie provoquée par une création ravageuse, les protagonistes trouvent leur équilibre grâce à l’amour qui révèle leur être. Et si la poétesse semble être ici une muse plus qu’une artiste à part entière et que la violence des corps rend parfois leur relation confuse, c’est finalement elle qui sculptera la pierre pour signifier sa délivrance, son courage et son existence et lui qui sera appelé à l’humilité, symbolisée par sa nudité et sa posture recroquevillée.
Au Théâtre Jean-Claude Carrière du Domaine d’O du 11 au 13 juillet (www.autremina.net)