Diva anti-marketing, la sétoise Virginie Nourry aka La Pietà a fait claquer ses punchlines incisives et son punk électrique, début juillet, dans le patio de la SMAC Victoire 2 à Saint-Jean-de-Védas à l’occasion de la fin de tournée de sortie de son premier album « La moyenne ».
Une fin de tournée pourtant semée d’embûches (dates annulées en raison de la pandémie de Covid-19), un peu comme le parcours personnel de Virginie, saccadé, entre rêverie, déception, descente aux enfers. Puis vient la reconstruction et la quête d’identité, pour aujourd’hui s’affirmer dans l’insouciance et ne plus se laisser enfermer dans des cases. Voilà ce personnage de dark passenger à l’âme aussi bien à l’aise dans le rap, le slam, le rock garage ou format piano-voix. On a tenté de saisir cette artiste ambivalente qui tente de comprendre l’amour aujourd’hui.
LOKKO : Quand et comment a émergé le personnage de La Pietà ?
La Pietà : J’ai fait de la musique pendant des années puis j’ai atteint un point de rupture en 2014 : j’étais alors en pleine phase de souffrance liée à mon ancienne maison de disque. J’ai décidé de tout plaquer et de me réfugier dans le sud. À ce moment-là, je pensais ne jamais refaire de musique. Je me suis mise à écrire des textes qui décrivaient cette période sombre. Au fil du temps, mes premiers écrits se sont transformés en un roman : « La Moyenne ». Ce livre porte un questionnement identitaire. Il dit ce que c’est de se perdre dans notre société. Le fait d’écrire m’a permis de m’en sortir. C’est ça, La Pietà, ce personnage sombre qui veut s’en sortir.
Le roman a donc été un moteur pour nourrir cet alter-ego ?
Oui, c’est une fois que je me suis lancé dans l’écriture du roman que j’ai eu envie d’en prendre des extraits pour m’amuser musicalement, mais pas pour développer un véritable projet musical. Cela s’est concrétisé par la suite.
« Un album qui sert de conclusion à un livre, ça sonne un peu bizarre »
Six ans plus tard, comment a-t-il évolué ?
Le personnage de La Pietà date de 2015. Je me sens loin de tout ça désormais. Aujourd’hui, j’ai envie d’autre chose, d’un nouveau personnage, mais sous le même nom parce que je trouve plus intéressant de le faire évoluer. Le Covid-19 m’a aussi permis d’y réfléchir.
Finalement, l’album sorti en 2020 sonne comme un aboutissement ?
Je dirais plutôt comme une conclusion. Les EP sont venus ponctuer le roman « La Moyenne » et faire grandir La Pietà. Sortir un premier album qui sert de conclusion à un livre, c’est sûr que ça sonne un peu bizarre, mais La Pietà évolue et se dirige vers une nouvelle histoire.
Une nouvelle histoire ?
J’ai prévu de sortir un prochain album qui s’appellera « L’innamorata » qui signifie l’amoureuse en italien. L’histoire à venir concernera ce questionnement : c’est quoi l’amour ?
« Punk en robe longue, ce n’est pas ce que l’on attend de moi »
Pourquoi le choix de l’amour ?
Parce je n’y comprends rien (rires). C’est un projet qui s’étalera sur plusieurs années et se matérialisera à la fois dans un disque, une série de chroniques épistolaires, et un spectacle avec le jeune public. À côté, je fais de la recherche personnelle en lisant des bouquins philosophiques et sociologiques pour m’aider à définir l’amour !
On sent un certain ying et yang en toi, révoltée mais à la fois sensible, avec des textes crus, mais poétiques. As-tu une face A et une face B ?
Oui, Je pense que c’est vrai pour tous. Chez moi, peut-être d’une manière extrême. C’est ce qui fait que dans ma carrière, il y a toujours eu des phases avec des sorties d’EP plus vénères et dark, et d’autres plus girly et plus pop. Ces phases se reflètent aussi dans ma façon de m’habiller, comme parfois en une « cagole » comme mon groupe aime m’appeler (rires). On m’a aussi suggéré de faire un album à deux faces, l’une plus punk, et une face B dans un style plutôt guitare-voix. J’aime ce côté mélodique qu’apporte la chanson française. J’adore ces deux versants et je n’ai pas envie de choisir.
« Je me dois aujourd’hui de continuer à être libre »
Ces différents aspects de ta personnalité te permettent-ils de t’affranchir des codes imposés ?
La Pietà reflète ma forme de liberté. J’ai eu cette impression pendant des années d’être enfermée dans des carcans. Je me dois aujourd’hui de continuer à être libre. Et être libre pour moi implique aussi de changer de registre musical. Tout le monde s’attend à ce que la Pietà soit une meuf énervée derrière un masque en noir et blanc, ce qui était le cas au début. Mais lorsque je suis arrivée avec le titre « La salle d’attente » en piano-voix pour la première fois, j’ai choisi de retirer ce masque. Venir sur scène en diva punk habillée d’une robe longue, ce n’est pas ce que l’on attend de moi. C’est de l’anti-marketing et tout ce qu’on m’a dit de ne pas faire pour vendre des disques !
Un concert également traduit en chansigne par l’interprète Carlos Carreras (en photo ci-dessus), chef d’orchestre d’une foule certes silencieuse, mais non moins débordante d’énergie.
Photo, en N&B de Philippe Poulenas, les autres de Brice Bourgois.