Le 9 juillet, LOKKO a vogué jusqu’à Sète pour le Worldwide Festival 2021 au théâtre de la Mer. Le plus anglais des festivals français, habituellement fréquenté par les Britanniques, absents cette année, s’est focalisé sur les artistes français, Covid oblige. Une belle opportunité pour la brillante scène hexagonale, ce soir-là, Chassol et Emile Londonien.
La grande messe annuelle sétoise a quelque peu revu ses dispositions pour ce cru 2021 avec 999 spectateurs admis contre les 1 400 de sa capacité habituelle. Face à la pandémie de Covid-19, les traditionnels days sur la plage sétoise ont été annulés. Ceci au profit de seulement deux soirées live (au lieu d’une semaine) au cœur du chaudron acid jazz, où l’habituelle programmation anglo-saxonne a été remplacée par un line up 100 % français.
Les deux convives du soir, à savoir le pianiste-producteur-réalisateur de films Chassol ainsi que le jeune groupe strasbourgeois Emile Londonien ont su rappeler à tous que Gilles Peterson, l’organisateur du Worldwide, ne fait jamais de hors-piste. Le cap a été maintenu en croisant gros poissons et newcommers issus des scènes broken beat, UK & acid jazz.
Chassol, projet quadriforme en quatre actes
Issu du conservatoire de Paris, Christophe Chassol ouvrait les festivités avec son dernier album « Ludi » (2020). Plus qu’un album, Ludi est un mille-feuille musico-filmique à quatre couches. Sur la toile géante, installée sur scène, étaient projetés des extraits d’un documentaire filmé par ses soins. En post-production, l’artiste touche-à-tout y a ajouté via un fond vert, des amis musiciens chantant les mélodies issues de ces tournages, puis par-dessus, leurs voix. Le tout admirablement synchronisé par le live de Chassol au piano et de son acolyte Ismaël Nobour à la batterie. Un sens du timing qui force le respect devant une foule à première vue timide, mais qui s’est finalement prise au jeu, avant d’envahir les barrières de sécurité séparant la scène du public.
Le projet Ludi est inspiré du conte philosophique de Hermann Hesse, « Le Jeu des perles de verre », dans lequel quatre chapitres basés sur la thématique du jeu sont mis en musique. Celui de la compétition dans une cours de récréation, du hasard dans une salle d’arcade japonaise, du simulacre lors d’une partie de basket (on apprécie le bruit des balles se confondant avec les percussions d’Ismaël Nobour). Et enfin celui du vertige, pendant un rush en montagne russe. Quatre scènes de la vie quotidienne et garantes de la communion avec l’autre, plus précieuse que jamais. Mention spéciale à Ismaël Nobour qui remplaçait le batteur habituel, Mathieu Edward, en élève assidu avec l’apprentissage des répertoires en trois jours.
Emile Londonien, un UK Jazz à la sauce française
Après un interlude en DJ set servi par Coco Maria (qui tient une émission sur la station de radio Worldwide FM), place au UK jazz et au broken beat. Le festival de Gilles Peterson est toujours à la pointe lorsqu’il s’agit de programmer les ardents défenseurs de cette scène. On y a notamment vu défiler Kamaal Williams en 2019.
Programmation française oblige, le trio clavier-guitare basse-batterie strasbourgeois Emile Londonien portait sur ses jeunes épaules la tâche de défendre une scène si chère au maître de cérémonie. Pari plutôt réussi. La fougue dégagée par les trois amis du conservatoire de Strasbourg a poussé la sécurité à sortir le grand jeu en alertant les spectateurs qui malmenaient les barrières de sécurité. Les nappes atmosphériques et les sonorités 8-bit du claviériste accompagnaient parfaitement le travail chirurgical du bassiste et les envolées épileptiques du batteur. On se souvient aussi du saxophoniste, invité en guest pour quelques titres et de son duo avec le batteur. Biberonné à l’artiste d’outre-manche Kamaal Williams, le groupe prouve que la France a du reste face à l’effervescente scène anglaise.