Tchalik, le seul quatuor constitué d’une fratrie
Je débute l’après midi avec l’incroyable famille Tchalik. Issus d’une lignée franco-russe, un père mélomane et ingénieur du son, ils jouent ensemble depuis l’enfance et ça se voit : un simple regard leur suffit. Leur jeu est exceptionnel : leur interprétation du Quatuor à cordes en mi mineur op 112 de Saint-Saens un petit bijou. Seul quatuor de cordes constitué d’une fratrie, il est rejoint ici par Dania, leur frère pianiste pour un très original « Poème de Ysaÿe », ami du compositeur avec lequel il a composé l’œuvre suivante, un caprice en forme de valse.
David Bismuth, un enchantement
Je poursuis mon périple avec l’un des 10 pianistes les plus talentueux de sa génération : David Bismuth qui éclaire la scène d’une présence exceptionnelle. Son jeu est profond, lumineux et sensuel. Son programme ne l’est pas moins : le marathon se mue ici en promenade hors du temps ou plutôt dans un temps suspendu entre baroque et musique française du 19ème. C’est toujours un bonheur d’entendre Rameau, il est ici décuplé par un jeu aussi véloce qu’expressif : « La Gavotte » et ses six variations sont un pur moment d’écoute. Alexandre Boëly sert de charnière entre la période baroque et le romantisme : la suite des anciens maîtres est délicieusement dédiée à Bach ou Scarlatti, découverte d’un musicien très rarement joué. Un morceau de bravoure clôture somptueusement ce récital : Trois Etudes de Saint- Saëns dont la redoutable Etude pour la main gauche. David Bismuth y excelle. Très longuement applaudi, il revient pour un Clair de lune de Debussy sensuel et poétique à souhait.
La direction brillante de Cristian Macelaru
A la tête de l’Orchestre National de France, un tout nouveau chef : le roumain Cristian Macelaru. Un physique à la Maradona mais la ressemblance s’arrête là : il ignore tous les excès ! Sa direction est brillante, efficace et sans esbrouffe. La machine est de taille (80 musiciens) et tourne à plein régime avec une perfection assez notable : l’intensité dramatique des cordes graves, la dynamique des cuivres ou la douceur des violons : tout est en place pour servir les œuvres de Connesson, César Franck et Camille Saint -Saëns dans une Symphonie en fa majeur Urbs Roma dont la maturité d’écriture surprend chez un compositeur de 19 ans.
L’énergie séductrice de Bertrand Chamayou
Le pianiste Bertrand Chamayou aborde Les Djinns comme une bataille; il prend l’œuvre à bras le corps (un morceau de bravoure) et négocie le dialogue avec l’orchestre avec âpreté puis, très vite vainqueur, il y installe la douceur infinie du musicien qui domine son instrument et la partition. Un jeu puissant d’une énergie séductrice et sensible. Une interprétation longuement applaudie et suivie d’un cadeau au public : une jolie mélodie de Camille Saint -Saëns Les cloches de Las Palmas.
Photos de haut en bas : Bertrand Chamayou à la UNE/Marc Ginot, le quatuor Tchalik/Steve Munez, David Bismuth/DR, Cristian Macelaru/Marc Ginot.