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« Serre moi fort » : le voyage mental d’une femme en cavale

Tourné en Haute-Garonne, adapté d’un texté édité par Espaces 34 , « Serre moi fort » fait le portrait d’une femme qui a quitté sa morne existence avec mari et enfants. Le traitement original et déroutant d’une cavale par Mathieu Almaric.

Depuis « Mange ta soupe » dans les années 90 au biopic de « Barbara » en 2017, Mathieu Amalric s’est fait non seulement une place importante en tant qu’acteur mais aussi en tant que réalisateur singulier. Entre deux Arnaud Desplechin et quelques films à l’étranger, la tête d’affiche du prochain film des frères Larrieu, , prend le temps d’adapter un texte de théâtre, « Je reviens de loin », de Claudine Galéa édité à Montpellier. Présenté à Cannes, ce nouveau long-métrage est-il à la hauteur des derniers projets de notre Amalric national ?

Une femme qui se sauve

Sur le papier, le pich tient en une phrase : Clarisse laisse mari et enfants et part sans but vivre un road trip. L’abandon des siens pour un voyage impératif, intimiste et mental, ou Vicky Krieps, qu’on aura vu tout l’été dans les derniers films de M. Night Shyamalan et Mia Hansen-Løve (« Old » , « Bergman Island ») donne à voir tous les visages d’une femme qui se sauve dans tous les sens du terme.

Un voyage dans sa tête

Le spectateur est tenu en haleine par l’histoire qui se dévoile au fur et à mesure du voyage de ce « personnage qui s’en va« . Amalric a coupé quasiment tous les dialogues du texte d’origine pour inventer la vie intérieure de Clarisse et la splendeur des décors de Haute-Garonne dans les environs de Saint-Gaudens !

Fantômes, dépression et puissance

Vicky Krieps joue une femme dépressive, qui lutte contre les démons moroses d’un quotidien sans saveur, et ce faisant va changer de registre, gagner en force et dignité et trouver le courage de se confronter aux fantômes de son passé. Amalric n’a pas besoin d’en faire trop : tout se passe comme si c’était l’héroïne qui décidait du film, en était le moteur, en traçant un nouveau destin.

Un film, deux points de vue

Pendant que Clarisse traverse les paysages et explore ses pensées, sa famille fait l’expérience du vide. Loin d’eux, elle imagine ses enfants et leur père, leur vie d’avant et leur futur. Le récit se passe dans sa tête à elle, alterne les points de vue, tantôt celui du personnage en quête de soi tantôt celui d’une famille sonnée par sa disparition. Ces deux points de vue ne racontent pas le même film : ils en sont pourtant l’alpha et l’oméga par un savant jeu tressé de télépathie entre les deux mondes. Un choix dramaturgique fort mais qui peut lasser… Les deux versions ne cohabitent pas toujours bien ensemble, cassant parfois le suspens autour de cette femme en cavale. Enfin, il faut le dire : Vicky Krieps est une actrice hypnotisante sur laquelle le cinéma devra compter encore davantage à partir de ce film.

Serre moi fort, Mathieu Amalric, France, 1h37, avec Vicky Krieps, Arieh Worthalter, Anne-Sophie Bowen-Chatet. Le film a été présenté en séance spéciale sous le label Cannes Première au Festival de Cannes 2021.

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