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The Limiñanas/Garnier : l’union géniale du mythique couple garage des PO et du pape de la techno

La rencontre peut paraître improbable, celle entre le rock garage-psyché et la techno française. Entre la star Laurent Garnier et The Limiñanas, composé de Lionel et Marie Limiñana, le duo/couple des Pyrénées-Orientales très bankable nationalement. De cette union est née « De Pelicula », un road-movie musical où les boucles garages psychédéliques épousent les sursauts synthétiques du “pape” de la musique électronique française. Construit à distance, l’album ne souffre pourtant d’aucune incompréhension entre les trois artistes, au contraire, tout semble avoir été si naturel entre eux. LOKKO a rencontré Lionel (guitare et chant) à l’occasion de la venue du groupe ce soir au Rockstore, où ils raconteront leur cavale hallucinante.

LOKKO : Comment s’est orchestrée votre rencontre avec Laurent Garnier ?
Lionel Limiñana : Avec Laurent, on s’est rencontré lors de notre tournée de Shadow People (album de The Limiñanas sorti en 2018), il nous a invité à jouer au Festival yeah ! où il gère la programmation. On s’y est rendu en pensant que la programmation était uniquement orientée musique électronique, alors qu’il y avait en réalité toutes sortes de sonorités. On a été super bien accueillis, et on a tout de suite cassé la croûte avec eux. La rencontre s’est faite un peu comme ça. On a vraiment adoré notre venue, du coup, on s’est méchamment incrustés pour jouer l’année suivante et faire n’importe quoi : on s’occupait des inter-plateaux en DJ et on passait des 45 Tours. Entre les deux éditions, on a proposé à Laurent de remixer un titre qui s’appelle « Dimanche », fait avec Bertrand Belin. Puis lorsqu’on a reçu le remix de Laurent, on a adoré. Durant l’année, de notre côté avec Marie, on s’est mis à écouter des sons bien roots, comme les premiers disques de Can, et de toute cette période-là. On s’est progressivement fait influencer par nos écoutes, ce qui nous a redirigé vers de la musique plus transe et répétitive que la musique garage qu’on a plus l’habitude de jouer.

C’est à ce moment-là que vous avez eu le déclic de lui proposer un projet ?
L’idée a germé lorsqu’on est revenu la seconde fois au Yeah! On a proposé à Laurent de faire un disque de 3 ou 4 titres très longs. Des disques de transe quoi. Cette idée nous a tout de suite excités. Mais Laurent a dû repartir en tournée, tout comme nous. Ensuite, on n’était jamais disponibles en même temps pour faire ce projet, mais quand le Covid est arrivé….

“L’album s’est construit au fur et à mesure que l’enregistrement avançait. On écrivait, raturait, rayait, on a bossé comme ça tous les trois.”

Quand le confinement a été décrété, vous avez pu accorder du temps à De Pelicula ?
Oui. Nous avons nos studios respectifs. Dans notre “malheur” à tous, ça nous a permis d’avoir du temps pour travailler sur ce projet, et c’est comme ça qu’est né le disque. Bon, on l’aurait fait d’une manière ou d’une autre, mais pas sûr qu’on aurait pu le sortir maintenant.

Alors ce disque est né d’un synopsis que tu as imaginé et parle d’un gamin un peu en marge qui rencontre une fille, Juliette, avec laquelle il part en cavale, c’est bien ça ?
Alors, avec Marie, nos disques racontent toujours une histoire, c’est quelque chose qu’on intègre depuis notre deuxième album. Il y a toujours un synopsis avec un début, un milieu et une fin. Sur celui-là, j’avais créé le personnage de Saul, et j’avais celui de Juliette en tête, mais elle ne s’appelait pas encore Juliette. J’avais seulement écrit des bouts d’idées, ainsi que le texte de Saul sur mon carnet. Avec Laurent, on s’est lancé en produisant un premier titre instrumental qui s’appelle Steeple chase. Quand Laurent nous a renvoyé les pistes de Steeple Chase, on a tout de suite aimé le rendu. Puis je lui ai envoyé le texte de Saul accompagné d’une petite démo, et Laurent a compris vers où nous voulions aller. C’est à partir de là qu’on a commencé à construire le disque tous les trois. Le point départ partait vraiment de cette histoire d’amour, cette fuite, cette cavale, mais sans plus de précisions. Puis la suite s’est construite au fur et à mesure que l’enregistrement avançait. On écrivait, raturait, rayait, on a bossé comme ça tous les trois.

Je suis beaucoup influencé par le Gainsbourg de l’époque de « Melody Nelson » ou « L’Homme à tête de chou »

Ce road movie fantasmé renvoie t-il à ton amour pour le cinéma ? Quelles en sont les influences ?
J’adore les disques avec de la narration, et le talk-over en français (« parlé-chanté »). Je suis beaucoup influencé par le Gainsbourg de l’époque de « Melody Nelson » ou « L’Homme à tête de chou », mais aussi les disques qu’on écoutait enfant avec les histoires lues, du style Pierre et le Loup. Tu sais, ces histoires qu’on te raconte à l’oreille. Gainsbourg faisait ça mieux que tout le monde. « De Pelicula » est foutu de cette manière, où peu de segments sont chantés, mis à part le titre avec Bertrand Belin (Au D‚but, C’‚tait Le D‚but ndlr.). Le cinéma a aussi son influence sur l’album. Le cinéma de John Carpenter à la Nouvelle Vague, en passant par le cinéma populaire de Gabin. J’adore aussi la mélancolie dans le cinéma, que ce soit dans le cinéma italien, français ou américain. Je trouvais ça cohérent d’avoir des titres instrumentaux, comme dans des bandes-sons de films.

A l’écoute de « De Pelicula », on sent une osmose entre vous trois, malgré la distance qui vous sépare. C’est assez fou.
J’imagine que Laurent a l’habitude de travailler de cette façon parce qu’il bosse avec des producteurs du monde entier, et je sais qu’il déteste enregistrer avec des gens dans son studio. Nous, c’est pareil, c’est un truc de timide (rires). Et puis, il y a cette idée de pouvoir prendre le temps de se tromper et de recommencer. C’est quelque chose de facile à faire quand tu es tout seul dans ton studio. Par contre, quand tu es avec du monde, c’est autre chose. J’ai enregistré avec une copine hier pour son projet et aujourd’hui, quand je suis revenu dessus, je me suis rendu compte que j’allais vachement plus vite tout seul. C’est à chaque fois la même chose. On a développé cette idée de travailler par correspondance parce que ça nous désinhibe davantage. On peut par exemple fouiller dans les instruments. Avec Peter Hook (qui collabore régulièrement avec le duo ndlr.), on a bossé de cette façon. Pour « De Pelicula » ça m’aurait impressionné d’avoir quelqu’un comme Laurent à côté de moi, c’est hyper déstabilisant.

Et comment se passaient vos sessions à distance précisément ?
Ça s’est passé de la manière la plus naturelle possible, sans aucune organisation. Puisque nous étions coincés à la maison (Les Limiñanas dans leur Pyrénées-Orientales d’origine; Laurent Garnier dans les Bouches-du-Rhône), on n’avait plus d’excuses pour ne pas s’y mettre, alors on a bossé tous les jours. Ce qui nous liait, à distance, c’était le logiciel Ableton Live, notre matrice commune pour s’envoyer des fichiers musicaux. Ensuite, on s’envoyait mutuellement des maquettes avec un petit texto du type : « Ah génial je m’y colle”. Pendant ce temps, il me renvoyait par exemple une maquette sur laquelle on ajoutait des trucs avec Marie, et au bout de trois échanges, on avait le track, c’est allé super vite. La communication était aussi fluide car il n’y avait pas de problème d’ego, ni pour se dire les choses. Alors qu’on partait initialement sur une base de 5 titres, on s’est finalement retrouvé avec 12, on a vraiment amassé énormément de matière au fil de nos sessions. Puis à la fin, quand on estimait avoir suffisamment de matériel, on arrêtait. On s’est posé pour écouter le rendu , Laurent dans sa bagnole, moi et Marie pendant que je cuisinais par exemple…

« Le Rockstore, c’est là qu’on s’est rencontrés avec Marie »

Ensuite, il y a eu le mixage. 
Oui, Laurent s’est mis à mixer avec son pote Scan X (de son vrai nom Stéphane Dri, est un compositeur français de musique techno, et grand collaborateur de Laurent Garnier). Ils mixaient à Lourmarin, puis ils nous ont filé des bandes qu’on recevait dans l’après-midi. On les écoutait et on les validait ou non. Finalement, le mixage a pris plus de temps que les enregistrements, car Laurent est quelqu’un de très méticuleux.

En combien de temps avez-vous sorti le disque ?
Le disque s’est fait avec une facilité déconcertante, on s’y est mis en début d’été 2020. Alors qu’on déconfinait fin septembre, on avait un stand à la foire aux disques de Perpignan où on va toujours avec Marie, et Laurent a déboulé. Il venait pour discuter de la pochette, puis nous a dit que le disque était fait. Ça a été plié en un été.

Vous allez jouer au Rockstore ce soir qui fête ses 35 ans cette année. Quel rapport entretiens-tu avec le “temple du rock montpelliérain”.
On y a joué une fois lors de la tournée de Shadow People. Autrement, avec Marie, le Rockstore a une saveur bien particulière puisque c’est là-bas qu’on s’est rencontrés à 17 ans. C’est assez drôle quand on sait qu’on vient pourtant du même village des Pyrénées-Orientales. Avant cela, j’avais fait une année à Montpellier lorsque j’avais 15 ou 16 ans, et je faisais chier les mecs du Rockstore. J’allais voir tous les groupes que je pouvais sur un rythme de deux à trois fois par semaine. Donc oui, le Rockstore est un endroit très important pour moi.

La dernière fois, ça m’avait fait un sacré truc, c’est toujours un honneur de monter sur cette scène. J’y ai vécu des moments très marquants dans les années 80, et aujourd’hui, on est hyper contents de revenir.

Ce jeudi 21 octobre à 19h au Rockstore.

De Pelicula, Because, treize titres.

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