Gaétan Vaguelsy, 29 ans, est une des révélations de l’exposition consacrée aux artistes du territoire, « Sol », à la Panacée. Ancien serveur, diplômé des Beaux-Arts de Montpellier, le plus jeune artiste de l’exposition du MOCO y propose une relecture magistrale de « L’Adoration des rois mages » de Botticelli.
Photos Céline Courtault Capelier
Une « ambition inimaginable »
Le soir du vernissage, tous ses potes étaient là dans le patio de la Panacée. Et sa maman aussi. Sacré kif pour ce jeune artiste « parisien » (« mère dans le 92, père dans le 94« ) au « parcours particulier » : il a arrêté ses études après la 3ème, puis passé un CAP en hôtellerie-restauration et commencé à travailler à 17 ans comme serveur. « J’en pouvais plus » confie-t-il à LOKKO. Quelque chose l’anime depuis longtemps, ce qu’il appelle « une ambition inimaginable » : faire les Beaux-Arts. Une dérogation puis une « prépa » lui permet d’intégrer les Beaux-Arts de Montpellier. « J’ai de la famille dans les Cévennes, qui évoquent pas mal de souvenirs d’enfance et donc Montpellier, ça avait du sens« .
Un OVNI aux Beaux-Arts
Plus âgé que les autres élèves, il s’y sent « comme un OVNI » dans un établissement qui apprend plutôt l’art « conceptuel ». Son « seul bagage : le graff« . « J’ai vécu les années où le graffiti commençait à être à la mode dans les galeries. Je me suis demandé si on ne pourrait pas aller plus loin, sans rester forcément dans la sphère du street-art« . Il laisse les murs et les bombes, il veut les grands maîtres, les grandes traditions avec une obstination qui relève du défi de classe. Un professeur va soutenir cet élève autodidacte aux grands rêves qui deviendra son « mentor sentimental » : l’artiste Carmelo Zagari. « J’étais le seul à peindre de ma promo, grâce à lui j’ai eu un accompagnement mental et théorique« .
Un bébé Bourriaud
Cinq ans après, il termine avec un master et des félicitations. Il a fait partie des promotions qui ont bénéficié de l’ère Nicolas Bourriaud, l’ancien directeur : il participe à l’opération « 100 artistes dans la ville » en exposant à l’espace Saint-Ravy, et fait partie des heureux sélectionnés pour aller à la Biennale d’art contemporain d’Istanbul (reportée à cause du Covid).
Apprenant qu’une grande exposition se prépare à la Panacée, il devance les équipes qui ont visité les ateliers d’artistes pour faire leur sélection. Le voilà en bonne compagnie avec la fine fleur des artistes recrutés entre Sète (où il a son atelier) Nîmes et Montpellier.
Entre Renaissance et rap
Ambitieuse, la toile impose efficacement son télescopage d’époques entre Renaissance et rap. Ses bad boys florentins ont une présence puissante. Comme souvent chez Gaétan Vaguelsy, il y a du savant et du travail (« je me suis tapé la tête contre les murs pour faire ce tableau« ) derrière le réalisme brut de toiles néofiguratives, aux fonds vides, expurgées de tout contexte.
« Le point de départ c’est une réflexion sur le regard, commente-t-il. Jusqu’ici j’ai fait des portraits de face. Avec cette œuvre, j’ai eu envie de questionner ce rapport au regard, trouver autre chose pour faire entrer le spectateur dans le tableau ». Des amis, qui sont ses modèles depuis des années, et figuraient déjà dans sa première série de portraits, ont eu une fille : « tout est parti de là« .
Le classique revisité est « L’Adoration des mages » une peinture sur bois réalisée autour de 1482 par Sandro Botticelli. Et conservée à la National Gallery of Art de Washington.
Dans « Les Rois Mages », une grande huile sur lin, l’homme qui nous regarde, c’est lui. Il a pris la place de l’artiste italien en imitant le procédé du mythique tableau de la Renaissance. Il est le seul à regarder le spectateur, lui fait face. Masqué, seulement défini par ses vêtements, ses signes d’appartenance culturelle. « C’est ce regard rhétorique qui m’intéressait« .
« J’aimerais que mes toiles parlent à mes amis »
Sans doute une étape pour cet artiste tout juste affirmé qui a beaucoup regardé Guillaume Bresson avec lequel on sent une affinité générationnelle. « C’est un peintre qui m’a beaucoup aidé avec ses scènes de bagarre dans les parkings ou ses émeutes dans la rue. Il peint des mecs cagoulés en Adidas, avec une incroyable technique classique. Un vrai déclic pour moi. On pouvait peindre des gens comme ça ! C’est possible ! Je veux mettre ma génération dans l’histoire de l’art. J’aimerais que mes toiles parlent à mes amis, qu’ils se sentent représentés mais qu’elle soit aussi comprise par un historien de la peinture« .
« À force d’essayer et de travailler« , Gaétan dépasse step by step la sensation tenace de ne jamais « se sentir à sa place » : « je veux être peintre, c’est une idée fixe. Cette proposition du MOCO me donne de la force ! »
MO.CO. Panacée, 14 rue de l’École de Pharmacie, Montpellier, jusqu’au 9 janvier 2022. Entrée libre. Gaétan Vaguelsy est également exposé à la galerie chantiersBoîteNoire avec Sam Krack et Samuel Spone, deux artistes avec lesquels il partage son atelier de Sète.
Egalement à la galerie chantiersBoîteNoire – Hôtel Baudon de Mauny -.
1 rue carbonnerie F-34000 Montpellier -.
tél +33(0) 6 8658 2562 / +33(0) 4 6766 2587
leschantiersboitenoire@gmail.com
Egalement à la galerie chantiersBoîteNoire – Hôtel Baudon de Mauny -.
1 rue carbonnerie F-34000 Montpellier -.
tél +33(0) 6 8658 2562 / +33(0) 4 6766 2587
leschantiersboitenoire@gmail.com