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La passion amoureuse sous la plume ironique de François-Henri Désérable 

L’ancien hockeyeur des Vipers de Montpellier signe un quatrième roman qui fait la part belle au trio amoureux. Grand Prix du roman de l’Académie Française, “Mon maître et mon vainqueur” est un bijou de poésie et d’ironie. 

Vasco, conservateur de bibliothèque, rencontre Tina, actrice de théâtre, fiancée à un conseiller de cabinet ministériel et maman de jumeaux. Un ami commun, qui n’est autre que le narrateur, les présente l’un à l’autre : un ami sarcastique dont on ne connaît pas grand-chose sinon des amours malheureuses.

C’est le coup de foudre, la passion consume les deux amants. Dans une scène hilarante dans une salle de consultation de la BnF, on les voit se débarrasser de la Bible de Gutenberg, des épreuves corrigées des “Fleurs du mal” et des exemplaires originaux d’“Une saison en enfer” et des “Poèmes saturniens” avant de faire l’amour sauvagement.

Rapidement, le fiancé trompé a vent de la liaison et tente l’impossible pour y mettre fin. Spoiler  : ça tourne mal, les gendarmes embarquent avec eux Vasco et son carnets de poèmes, et notre ami plein d’ironie se retrouve à faire une explication de textes de cette pièce à conviction au juge d’instruction. Un juge inspiré de celui de l’admirable “Article 353 du Code pénal” de Tanguy Viel, dans lequel il interrogeait un témoin et revenait sur les zones d’ombres d’un drame. François-Henri Désérable reprend la même structure, pour une histoire plus légère.

“Mon maître et mon vainqueur” est son quatrième roman. Après un superbe hommage à Romain Gary, dans “Un certain M. Piekielny”, Henri Désérable poursuit l’évocation de son panthéon littéraire. Il a bâti la toile de fond de son roman sur l’Amour, dans la ville de l’Amour, sur ceux qui nous ont chanté l’Amour  : Verlaine évidemment, Baudelaire, Rimbaud mais aussi Cyrano. Ce qui a sans doute plu au jury de l’Académie française (photo ci-dessous).

Le livre s’ouvre sur deux pages liminaires, une dédicace et deux citations en exergue. La première nous dit “Bien à toi”. L’auteur s’adresse ainsi à son lecteur et le prend à parti tout en connivence sophistiquée. La seconde présente le quatrain de Verlaine d’où est tiré le titre du roman, puis une citation d’Henri Michaux sur l’écoulement du temps qu’on aimerait bien retenir. Nous savons alors où nous nous trouvons : en poésie.

Est-il sensible ou moqueur,
Ton cœur  ?
Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature
D’avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur.”
Paul Verlaine
“Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps.
Henri Michaux

De quoi ça parle alors ? De passion amoureuse et d’adultère. Une histoire façon vaudeville où le mari, la femme et l’amant se succèdent sans se voir, c’est-à-dire “une comédie sans intentions psychologiques ni morales, fondée sur un comique de situations”. En somme, une lecture parfaite pour un lundi soir, a dit quelqu’un sur Goodreads (un site web de critiques et de notation de livres affilié à Amazon). On est vite embarqué dans ce rocambolesque littéraire à travers les poèmes écrits par Vasco et grâce au bon vouloir de cet ami commun, qui la raconte au juge chargé d’évaluer avec nous, lecteurs, la gravité du drame final. « Le bon romancier doit avoir à l’égard de ses personnages le cœur tendre et l’œil dur” écrit-il.

Entre interrogatoires et explications de textes, flashbacks et digressions façons post-scriptum, l’originale beauté d’une histoire qu’on sait d’emblée tragique mène efficacement le lecteur : “La nuit, dans l’espoir de les semer, il marchait dans les rues de Montmartre. Pire que son absence, il éprouvait sa présence en négatif  : elle était là, à chaque coin de rue.”

Faisant des bonds d’avant en arrière sur un chemin bien balisé, l’auteur joue, ne se dévoile qu’à la dernière page dans cette sorte de polar amoureux tenu de bout en bout d’une main de maître, au panache démesuré.

Un bouquet de jonquilles qu’elle avait dans les mains dissimulait son visage, mais je pouvais voir, de part et d’autre du bouquet, ses cheveux et ses boucles d’oreilles, boucles immenses ornées de pétales d’hortensia, et la faisaient ressembler à une princesse andalouse – à l’idée que Vasco se faisait d’une princesse andalouse, et d’ailleurs c’est comme ça que plus tard il l’appellerait, ma princesse andalouse, il dirait.

 

Mon maître et mon vainqueur, François-Henri Désérable, Gallimard, 192 pages, 18 €

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