Inclassable, touche à tout, le drôle d’oiseau qu’est Christophe Chassol est aussi à l’aise à la baguette de chef d’orchestre que devant un micro à la radio. Rencontre avec un amoureux inconditionnel du rapport son/image, à l’occasion de son concert, aux allures de rétrospective, ce vendredi 17 décembre 2021, à la Halle Tropisme de Montpellier.
LOKKO : Depuis ton plus jeune âge, tu as toujours eu pour ambition de composer pour le cinéma, pour l’image, à quoi cela tient-il ?
CHASSOL : Je suis fasciné par le pouvoir invisible que procure la musique sur l’image, qui participe à influencer nos émotions. C’est très psychédélique. Un film comme “West Side Story” m’a beaucoup marqué par sa force de synchronisation entre ces deux médiums. Il y a d’ailleurs un remake qui est sorti au cinéma, et que je vais aller voir.
Tu as mis en son et en image La Nouvelle-Orléans, Calcutta ou la Martinique. Pourquoi avoir choisi ses destinations pour ce que tu appelles l’ultrascore ?
La Nouvelle-Orléans était une commande. J’ai choisi d’aller en Inde parce que j’écoute de la musique indienne depuis très longtemps. C’est une musique linéaire qui fonctionne avec un tanpura, qui fait office de grande ligne de basse, mêlée aux aigus (un instrument à cordes de type “luth”, qui comporte une caisse de résonance et un manche, comme une guitare occidentale, ndlr). Cette musique n’a besoin que de ces deux choses, du haut et du bas pour raconter le cosmos. La façon dont elle est structurée accorde beaucoup de place à mes accords au piano occidentaux. Je voulais donc y faire un tour et raconter quelque chose de sympa autour.
L’ultrascore, c’est donc une harmonisation du son et de l’image ?
C’est une musique de film. Je filme mon environnement qui produit du son, et je me sers de ses sons pour faire la musique de ce que j’ai filmé. Par exemple, j’ai filmé le chaos de la circulation à Calcutta, et j’ai capté ce qu’il s’en dégageait comme essence sonore, comme les bruits de moteur, des portières de voiture. Par exemple, j’ai samplé un son de klaxon, et j’en ai fait un son au clavier. Ensuite, j’ai remonté la vidéo. Mais je me sers aussi de la prose, de la parole dans mes films.
Ton dernier projet d’ultrascore, “Ludi”, traite non pas d’une destination unique, mais d’un voyage, d’un jeu, où on va d’une cour de récréation à un terrain de basket en passant par une salle d’arcade japonaise. Le Covid t’a-t-il influencé dans le choix de cette thématique ?
Non pas vraiment, “Ludi” a été créé avant le Covid. Mais, je pense que n’importe quel film d’aujourd’hui a une résonance avec le Covid. Prenons “Le Parrain”, par exemple, avec le thème de la famille. Pour “Ludi”, nous avons repris les concerts mi-juin 2021 avec un concert au Trianon à Paris. Et je me souviens qu’à chaque note, les gens exultaient (rires) ! Je me suis rendu compte à travers cela à quel point les gens avaient vraiment besoin de chanter, de danser, de Kiffer.
Tu co-animes l’émission “La quatre saisons n’est pas qu’une pizza” sur France Musique. Pourquoi la radio ?
Je fais de la radio en tant qu’invité depuis plus de 10 ans. En 2017, j’ai fait une émission avec Saskia de Ville dans la matinale, et on s’est tout de suite entendus. Elle a aimé ma façon de parler de la musique classique, et m’a ensuite proposé de rejoindre son équipe pour la rentrée, en septembre 2017. J’aime ce rapport micro et auditeurs, l’idée d’une transmission…
Tu es donc chef d’orchestre, animateur, instrumentiste, compositeur, cinéaste. Tu n’as jamais pensé à composer pour les jeux vidéo ?
Ça ne s’est jamais vraiment présenté. J’ai fait beaucoup de musique à l’image, au théâtre, pour la danse, les séries, le cinéma, ou même les dessins animés, mais jamais pour le jeu vidéo. Par expérience, j’ai l’impression que c’est beaucoup de travail, même si tu réutilises la même banque de sons. C’est tout un monde que je n’ai pas pénétré.
Tu joues à Montpellier ce vendredi à la Halle Tropisme. C’est une première ?
Non, je connais bien la ville, j’ai déjà joué au JAM que j’adore, ou au Rockstore. Vendredi, je vais jouer à la Halle Tropisme qui est un super lieu géré par Vincent Cavaroc. Il a été l’une des premières personnes à m’avoir fait jouer avec mon batteur Mathieu Edward à Paris à l’occasion de mes performances scéniques interactives projetées sur écran. C’était à la Gaîté lyrique à Paris, il y a une dizaine d’années.
Photos : Flavien Prioreau