Perruques roses ou bleues suffisent-elles à éviter l’ennui ? La Cendrillon de Rossini est toutefois un spectacle coloré et tout public qui sied à la période. Il est encore à l’affiche les 21, 22 et 23 décembre à 19 h à l’Opéra Comédie.
Perchée dans une loge, une vieille reine accueille les spectateurs en les saluant mécaniquement : elle a l’air de mourir d’ennui. Un présage sans doute. Nous devinons Cendrillon sous ses traits, qui dépouillée de ses oripeaux de reine mère, descend sur scène et accompagne toute l’ouverture d’allées et venues assez bruyantes autour d’un pouf et d’un flamand rose. En dépit de cette agitation inutile, Magnus Fryklund offre une ouverture toute en finesse et sensualité. Quand la jeunesse est synonyme de qualité, on retrouve dans les différents pupitres cet élan et une grande adaptabilité aux nuances qu’exige la partition de Rossini.
La Cenerentola composée en 1817 par Gioachino Rossini fût un énorme succès à sa sortie puis tomba quelque peu dans l’oubli avant de remonter à la surface, surfant sur la vague de la grande mode rossinienne et interprétée par les plus grandes : Térésa Berganza, Joyce di Donato ou Cecilia Bartoli. Le livret diffère du conte de Perrault : la vilaine marâtre est remplacée par un père affreux et cruel qui n’aime que ces deux filles cadettes Clorinda et Tisbe. Angelina née d’une première union et dont la mère est morte, est reléguée au rang de domestique au service de la maisonnée.
Une inspiration Tim Burton
Un lustre énorme, un lit, un pouf et des canapés habilement déplacés au grès des scènes constituent sur fond noir un décor sobre dans lequel vont évoluer une galerie de personnages colorés à l’extrême. Partant du principe que la symbolique risque d’échapper au public, Cendrillon est toute de blanc vêtue alors que ses sœurs sont affublées de costumes et de perruques ridicules : nous oscillons entre « Alice aux pays des merveilles » et « Charlie et la chocolaterie » mais l’univers est clairement référencé chez Tim Burton. C’est vif, coloré, les garçons ont des perruques roses ou vertes ou bleues : cela suffit-il à créer la surprise ? Le trait est souvent forcé sans véritable humour et on finit par retenir poliment un bâillement.
On retiendra de ce spectacle une interprétation impeccable de l’orchestre. On y trouve toutes les nuances qui manquent à la mise en scène de Alicia Geugelin : tantôt opera buffa tantôt opera seria, Magnus Fryklund sait suggérer avec finesse les différents niveaux de la partition. Ainsi les accents mozartiens du duo des deux vilaines sœurs au premier acte, rôles tenus avec brio par la mezzo Polly Leech et la formidable jeune soprano Serena Sàenz dont la voix se rit des embûches (patins à roulettes et autres) et domine dans tous les chœurs : elle est la jolie surprise de la soirée.
La distribution masculine est intéressante : le prince Ramiro a un joli timbre de ténor qui se marie bien avec la couleur vocale de son complice Dandini, le baryton Ilya Silchukou. Carlo Lepore campe un père à la fois cruel et ridicule avec talent. Mention spéciale au chœur d’hommes de Montpellier qui surmonte le handicap du masque (sanitaire) en donnant beaucoup de musicalité au spectacle.
Jolie comédienne, la mezzo soprano Wallis Giunta incarne une Cendrillon à facettes, visiblement plus à l’aise dans le haut médium et les aigus, ses graves sont plats et peu timbrés. Elle reste vocalement peu audible dans les combinaisons multiples avec cinq ou six solistes.