Le 13 janvier dernier, la conférence de presse de la Secret Place a surpris tout le monde. Debrief d’un geste aussi désespéré que tactique, qui dit des choses sur l’état du rock et de ses relations compliquées avec les pouvoirs publics. Un mois après, rien n’a bougé…
La situation pour les acteurs de la culture est inégale. L’année 2021 a fini pour les plus grandes maisons avec des excédents budgétaires : des aides conséquentes ont blindé des budgets gonflés avec une colonne de dépenses très amaigrie. Pour d’autres, elle est franchement plus délétère. Depuis mars 2020, le secteur de la musique, en particulier, n’a cessé d’être affaibli par les restrictions imposées par le gouvernement aux salles de concerts : interdiction des concerts, des répétitions pour les amateurs lors du premier confinement, puis interdiction des concerts debout depuis le mois de décembre. Certains menacent de mettre la clé sous la porte. C’est le cas de François-Xavier Pinchon, fondateur et directeur de la Secret Place, bastion punk/rock depuis 25 ans, asséché par deux ans de Covid-19 dont le sentiment est d’être un laissé-pour-compte malgré plusieurs appels au secours.
François Xavier Pinchon, alias Fyfy, était l’initiateur de cette conférence de presse d’urgence qui regroupait pas moins d’une trentaine de représentants de médias venus en masse, de musiciens, de partenaires et de particuliers, à laquelle avait été associée le Freakshow des Beaux-Arts et son directeur Pascal Portugues. Mais aussi et surtout d’élus locaux…
C’est clairement à ceux-ci que ce geste s’adressait. Les journalistes étant placés en médiateurs involontaires d’un gros problème relationnel. Le message n’était pas subliminal. On a vite compris ceci : la Secret Place aimerait bien être aussi bien traitée que les 3 copains du Rockstore, de Victoire 2 ou du JAM. Sauf que la demande de la salle de Saint-Jean-de-Védas reste bloquée on ne sait dans quel tuyau : une demande de subvention exceptionnelle sur la prise en charge d’un loyer mensuel de 4500 euros pour soulager les finances d’une salle exsangue qui supporte un prêt de crise de 30 000€.
Un an de promesse
« Ce devait être dans les tuyaux depuis mars 2021 ! Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, nous a annoncé que la ville allait nous permettre de geler notre loyer, au même titre que le Rockstore et Victoire 2 », soupire Fify (au centre sur la photo). « Nous nous sommes ensuite revus en septembre, puis en octobre, et en novembre. Nous ne leur forçons pas la main, puisque c’est le président de la métropole qui nous l’a initialement proposé. Mais on ne peut plus être patient aujourd’hui, dans 6 mois, ce sera trop tard. À ce jour, nous avons dû licencier la moitié de l’équipe, et la moitié des tournées en mars-avril sont d’ores et déjà annulées ».
Si le tour de force médiatique et politique a mobilisé tout d’un coup, comme un seul homme, des élus représentants de la métropole de Montpellier, du Département, et de la ville de Saint-Jean-de-Védas, rien n’a encore bougé. Onze jours après la conférence de presse, le jeudi 27 janvier, une réunion se tenait avec la métropole en vue de discuter une énième fois d’une aide attendue depuis de longs mois désormais… Il faudra encore attendre pour une aide de la métropole qui ne pourra pas être votée avant le prochain conseil en mars. Elle a laissé un goût amer au directeur de la SP dont la salle est en mode survie par le biais d’actions transversales. « Le public a lancé une cagnotte de soutien. Il y a même eu des dons par chèque ».
Cette affaire met aussi en lumière une situation générale complexe du secteur musical local et régional. À Montpellier, seules quatre salles de concerts se répartissent l’essentiel de la programmation. Trop peu pour une ville qui postule pour être capitale de la culture européenne en 2028 selon Fyfy. « Lors d’une réunion pendant le 1er confinement, le maire s’est étonné de la faiblesse du dispositif actuel : seulement 4 lieux de programmation rock et musiques actuelles. Nous le prenons au mot”.
8000 adhérents
Pourtant, le rock est le genre de musique en France qui attire aujourd’hui le plus de spectateurs. Les Vieilles Charrues, festival de musiques actuelles mais à la programmation majoritairement rock, et Le Hellfest, éminent festival de métal, rock et punk près de Nantes sont les plus importants dans l’hexagone en nombre de spectateurs, mais aussi en terme de chiffre d’affaires : 25 millions d’euros pour le Hellfest.
Même fragilisée, la Secret Place, pilotée par une énergique association Tout à fond, reste une activiste de poids, en accueillant des groupes dans ses locaux de répétition. Elle a réalisé une quinzaine d’albums pendant le Covid via son label Be Fast.
« Il faut que les élus prennent conscience que le rock et leurs salles ne doivent plus être considérés comme marginales à Montpellier, tempête Fify. Au sein de nos 8000 adhérents, et des membres des groupes qui répètent dans nos locaux, nous comptons des médecins, des ostéopathes. Contrairement à ce qu’on croit, pas mal de personnes qui écoutent régulièrement de la musique rock, et vont au concert, ont un pouvoir d’achat. Nous ne pouvons plus être considérés comme minoritaires ».
A la Une : Les Bishops Green en concert à la Secret Place en mai, c’est du Street Punk ! Crédits photos : Secret Place.
Solidaire avec la Secret Place face à des pouvoirs publics en dehors de tout [de belles paroles mais trop souvent sans effets concrets].