Le Salon International de l’Agriculture 2022 vient de se clôturer, ses milliers de visiteurs et politiques, ses vaches qui défilent et ces effluves de fermes aveyronnaises en plein cœur de Paris. Il est aussi l’occasion de débattre des mutations du métier. Lors de cette édition 2022, la Confédération Générale de Roquefort, par la voix de de Sébastien Vignette son secrétaire général, a milité contre le projet de Nutri-Score, « un système inadapté aux produits sous Signes de Qualité ».
Depuis 2017, on a vu fleurir sur les emballages alimentaires de nouvelles étiquettes, très visibles, qui indiquent un « Nutri-Score ». Elles sont colorées tel un arc-en-ciel qui part du rouge, score E, au vert foncé, score A. C’est basé sur un modèle identique à celui qu’on retrouve sur les lave-vaisselles ou les machines à laver. Le Roquefort, et bien d’autres produits, vont-t-ils devoir arborer prochainement cette note mathématique ?
Tout d’abord, connaissez-vous la façon dont est calculé ce fameux Nutri-Score ? C’est à la fois simple et complexe, le calcul se fait selon un algorithme savant qui comptabilise les nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits, légumes, légumineuses, fruits à coques, huile de colza, de noix et d’olive), mais aussi les nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel). Il en découle une note qui permet de classer le produit de A jusqu’à E.
Un grand succès
Aujourd’hui, l’étiquette n’est pas obligatoire mais elle est victime de son succès. Les industriels font le maximum pour modifier leurs recettes afin d’obtenir le graal, le A, ou le B, le vert clair. Il faut dire que le consommateur est de plus en plus regardant sur le Nutri-Score et sur les étiquettes, le succès de l’application Yuka en est le parfait exemple. Moi même, j’avoue regarder tout ça, dont le Nutri-score, et entre deux produits identiques, je prendrai plus facilement celui qui a un score de A au lieu d’un score de C. Je trouve que ça va dans le bon sens, moins pour l’éducation du consommateur que pour la pression exercée sur les industriels afin qu’ils arrêtent de bourrer leurs produits de sel, de sucre, de conservateurs et autres additifs alimentaires. Le consommateur est clairement gagnant.
On parle aujourd’hui d’imposer le Nutri-Score à tous les produits alimentaires au niveau européen. L’échéance semble assez courte puisque des débats auront lieu tout 2022 pour une mise en place à la fin de cette année. Une perspective qui fait grincer pas mal de dents. Il y a bien sûr les industriels qui vont peut être devoir apposer une note défavorable ou investir pour améliorer leur score. Mais pas seulement.
Impossible pour les produits ancestraux
Du côté de certains agriculteurs, la grogne monte. C’est ainsi que la plus ancienne appellation d’origine de l’histoire, le Roquefort, n’a pas hésité à provoquer le débat en plein salon de l’agriculture. Clairement, en l’état des choses, ce fromage mondialement connu se retrouverait affublé de la plus mauvaise note du Nutri-Score. Il n’est pas le seul : les labels de qualité se mobilisent pour être pris en compte en tant que produits de terroir, aux recettes simples avec peu d’ingrédients, à la différence des produits industriels ultra-transformés. Cette étiquette a-t-elle du sens sur des fromages AOP ? Sur du foie gras du Sud Ouest ? Sur du jambon de Bayonne ? Sur des pruneaux d’Agen ?
Pour les professionnels, la réponse est claire : « la plus ancienne Appellation d’Origine de l’histoire a été la première à demander haut et fort l’exemption de l’étiquetage Nutri-Score, fin 2021. Depuis de nombreux fromages AOP ainsi que de nombreux autres produits alimentaires de qualité dénoncent également l’inadaptation du système Nutri-Score.Alors qu’un Français sur deux reconnaît aujourd’hui être influencé par la notation du Nutri-Score dans ses choix alimentaires, l’AOP Roquefort poursuit son combat pour ébranler les consciences et interroger le système d’étiquetage ».
Pour aller dans le même sens, le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie a déclaré récemment qu’il convenait de revoir la méthodologie du Nutri-Score : « fondée sur des quantités, elle se traduit par des classifications qui ne sont pas forcément conformes à l’habitude alimentaire ».
Un lokkal score
De ma vision de consommateur, je pense qu’il faut adapter les choses. On ne peut pas mettre sur le même plan ces produits ancestraux qui ont construit la gastronomie française avec des céréales au chocolat ou des lasagnes surgelées. Faudra-il exempter ou adapter ? Je ne sais pas, mais je me range derrière ces producteurs pour que les lignes bougent de manière plus juste. Je pense aussi que la culture gastronomique à la française permet à la plupart de choisir en connaissance de cause un foie gras ou un roquefort, sans avoir besoin d’une étiquette…
Pour voir la table ronde sur le sujet du salon de l’agriculture, c’est ici.
Merci pour cet article Fabien, oui vive les producteurs et la culture gastronomique française – et les autres !