Montpellier présente une candidature collective, associant plusieurs communautés de communes du département de l’Hérault, et plusieurs villes de Sète à Lunel, pour obtenir le label convoité. Dixième ville française à candidater pour être “Capitale européenne de la culture 2028”, elle n’est pas en avance sur un projet énorme, qui sert autant à réenchanter un territoire.
Même le confrère de “Midi-Libre” a levé ses deux mains quand Michaël Delafosse l’a suggéré pour la photo de groupe qui a clos la présentation à l’Opéra-Comédie de la candidature montpelliéraine, le jeudi 31 mars. Du jamais vu : tout un gotha culturel était venu dans l’enceinte kitsch et enveloppante de ce théâtre à l’italienne.
Ce fut un spectacle assez inédit. A quelques heures d’avion de Kiev, tout un monde culturel et d’affaires débordait d’amour et de désir de coopérer. “Cher François, Sète semble être née d’un rêve d’artiste”, a joliment lancé Michaël Delafosse au maire de Sète. “Lunel est une petite Jérusalem méridionale”, a-t-il dit encore complimenté. La perpétuellement radieuse Carole Delga a rappelé à distance qu’en Occitanie, “on travaille en pack”. Sur la scène à son tour, le maire de Sète, François Commeinhes a trouvé de bons mots : “à Sète, la culture est partout : dans nos assiettes, dans nos galeries, sur nos pavois”.
Une candidature “du grand air”
Le maire de Montpellier a donné quelques indices mais assez peu, attirant l’attention avec cette formule : “une candidature du grand dehors et du grand air” qui laissait entendre que de nombreux événements auraient lieu dans l’espace public. Il a insisté sur des valeurs centrales de Montpellier 2028 : la jeunesse et les industries culturelles et créatives, même si l’esthétique générale de la cérémonie ne nous projetait pas dans le futur.
Une association de préfiguration sera présidée par Adèle Charvet, touchante d’émotion. La mezzo-soprano coche toutes les cases : femme, artiste, métisse, internationale (elle a vécu à New-York) et issue d’une prestigieuse lignée montpelliéraine. Elle est l’arrière-petite-fille de la grande Madeleine Attal, comédienne et femme de radio, la nièce des deux ex-championnes d’athlétisme Maryse et Monique Éwanjé-Épée. Elle est aussi la fille de Pierre Charvet, le compositeur et directeur de la création musicale à Radio-France. Et la petite-fille de Frédéric-Jacques-Temple, l’immense poète fêté quelques jours avant avec génie par l’acteur Denis Lavant au musée Fabre (*).
Il y a eu près de 900 manifestations culturelles sur un an pour Marseille en 2013. Va-t-on vers autant d’événements ? Le directeur artistique de l’association Montpellier 2028, Nicolas Dubourg, a paru déjà bien conscient du poids d’une telle mission en citant Brecht : “face à ce vertige, je contemple mon plan, il est vaste, il est irréalisable”. Pas de surprise pour cette nomination tant le directeur de l’excellent théâtre universitaire de La Vignette et président de l’influent Syndeac, le syndicat des grandes structures subventionnées, est proche de Michaël Delafosse et de Régis Penalva, son conseiller.
Il n’aura pas trop de temps : la ville est la dixième à candidater au convoité label européen. Envisagé déjà, en 2017, sous la précédente municipalité, le dossier s’était enlisé. “Le train est passé et depuis longtemps”, avait cinglé Michaël Delafosse durant la campagne des Municipales, en mars 2020, quand on lui avait demandé s’il comptait reprendre le dossier. Alors que Reims a déjà défini son logo, travaillant sur le dossier depuis 2 ans, que l’écrivaine Cécile Coulon a été nommée présidente de Clermont 2028 début novembre 2021, Montpellier n’est pas en avance sur les grandes villes déjà dans la course : Nice, Bourges, Rouen, Saint-Denis et Amiens sont également dans la compétition. Un premier dossier doit être livré à la fin de l’année, le dossier définitif fin 2023. Verdict en 2024.
En attendant, Montpellier engrange les soutiens : a été projetée, jeudi dernier, une série de vidéos de soutien, du journaliste Nelson Monfort, la chorégraphe Mathilde Monnier, le DJ Gilles Peterson, l’actrice Maëlle Mietton, le peintre Robert Combas notamment.
Un Graal
Depuis les origines du programme, plus de 60 villes ont déjà reçu ce titre, dont 4 villes françaises : Paris en 1989, Avignon en 2000, Lille en 2004 et Marseille en 2013. “Lille Capitale européenne de la culture” a attiré 9 millions de visiteurs. Marseille et ses 11 millions de visiteurs a vu bondir sa fréquentation touristique de 60%. La commission européenne parle d’un ratio de 6 euros de retombées économiques pour un euro investi.
Quel sera le coût justement d’une telle opération ? Aucun chiffre n’a été donné lors de la présentation publique ni dans le dossier de presse. Pour donner une idée : le budget était d’une centaine de millions d’euros pour Marseille 2013 dont une bonne partie venue de fonds publics.
Une préférence pour les villes en déficit de culture ?
Lancé en 1985 par Jack Lang et Mélina Mercouri, alors ministre de la culture grecque, le label a d’abord été un levier de promotion de l’Europe, puis est devenu, avec la nomination de Glasgow, un outil de dynamisation des territoires. “Devenir capitale européenne de la culture apporte davantage aux villes qui ont quelque chose à construire ou à structurer, ce qui était le cas à Marseille, Liverpool et Lille”, a confirmé Sylvia Girel, une chercheuse de l’université de Aix-en-Provence qui a évalué les retombées de cette nomination pour Marseille. “C’est plus difficile de montrer une plus-value pour des villes où la culture est déjà bien structurée. C’est un vrai challenge pour une ville comme Montpellier où l’offre culturelle est forte, de créer l’effet levier recherché à travers ce programme par l’Union européenne.”
La moitié du département concerné
Martine Aubry à Lille avait voulu englober dans son projet des villes belges de la frontière. La zone d’influence de Marseille en 2013 touchait Arles et Toulon. La ville de Sète, la région Occitanie, Le Conseil départemental de l’Hérault, la Communauté de communes du Pays de Lunel, la Communauté de communes du Grand Pic-Saint-Loup et l’Agglo Hérault Méditerranée sont dans le pack avec Sète, Gignac, Agde, Lunel et Pézenas. L’ensemble fait la moitié du département de l’Hérault. Mention spéciale à Alain Barbe, président de la Communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup, qui est apparu dans une vidéo, appuyé sur un cabriolet vintage sur fond de Pic-Saint-Loup.
Que du bonus pour la méthode Delafosse qui s’est illustrée dans ces mots-clé livrés à l’Opéra-Comédie : “un archipel de territoires” – un élément de langage repris partout – mais aussi “outil de co-construction” et “la culture pour inventer le territoire de demain”. “Une aventure qui va nous faire grandir et tirer le territoire vers le haut”, a t-il commenté en imaginant des coopérations sur les déchets, notamment. Une candidature taillée sur mesure pour le maire de Montpellier qui a fait de la fluidité entre les élus du territoire une marque de fabrique, renouant avec le rêve de Georges Frêche d’une grande métropole héraultaise de Lunel à Montpellier. De ce point de vue, le chemin vaut autant que le but !
@montpellier2028 sur les réseaux sociaux et un site montpellier2028.eu
(*) Une lecture organisée par la Maison de la poésie Jean-Joubert en hommage à l’écrivain disparu en 2020, ainsi qu’une exposition à l’espace Bagouet : “Frédéric Jacques Temple rencontre ses peintres”, jusqu’au 17 avril.