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Alexis Wanneroy : « Fortiche à Montpellier, c’est le début de quelque chose »

Fortiche Montpellier est une antenne de la fameuse entreprise française spécialisée dans le cinéma d’animation qui a raflé récemment la plupart des « Annie Awards », prestigieuses récompenses américaines avec Arcane. Diffusée sur Netflix, la série s’inspire du mythique jeu League of Legends du géant californien Riot Games qui vient d’entrer dans le capital de Fortiche Production. Rencontre avec le très sympathique directeur du studio montpelliérain, ancien de Dreamworks, Alexis Wanneroy.

Je rencontre Alexis Wanneroy dans les magnifiques locaux montpelliérains de Fortiche Animation au pôle technique Bastide Nord, près de Dell au Millénaire. Je comprends l’actuel responsable de l’animation d’Arcane lorsqu’il me confie avoir eu envie, en rentrant de Los Angeles où il travaillait pour les studios Dreamworks, de poursuivre sa carrière dans le sud de la France : les bureaux sont spacieux, lumineux et respirent le neuf et la performance technique. Dans la salle principale, les ordinateurs s’alignent, et face à eux, une dizaine d’animateurs travaillent déjà d’arrache-pied sur la saison 2 de la série.

Dans le bureau d’Alexis Wanneroy, les murs sont recouverts de références graphiques, personnages et esquisses qui inspirent au quotidien l’animateur, allant de Dragon, film d’animation Dreamworks sur lequel Alexis Wanneroy a travaillé, à des esquisses montrant le Robin des bois de Disney en mouvement. C’est au milieu de cette effervescence créatrice qu’Alexis Wanneroy répond à mes questions.

« Je savais qu’on allait repartir avec quelques prix ! »

LOKKO : Pour commencer, je crois que des félicitations s’imposent pour les Annie Awards : Arcane a écrasé la concurrence en remportant toutes les catégories dans lesquelles elle a été nominée ! Qu’est-ce que vous en pensez, et qu’est-ce que ça va changer ?

ALEXIS WANNEROY : Merci ! Nous sommes ravis d’avoir remporté ces prix. Je vais sembler un peu prétentieux, mais pour être honnête, je savais qu’on allait repartir avec quelques prix car je trouve la série magnifique. Dans tous les départements, que ce soit la modélisation, l’animation, le rigging, le CFX (effets spéciaux), le groom (le département qui anime les cheveux, poils, etc.), la barre a été placée haut, et le résultat est là. Tant mieux si les prix permettent de reconnaître le travail qui a été fait. Mais je suis particulièrement content qu’en animation, ce soit Léa chevet qui ait gagné. Elle était là depuis le tout début du projet, aux prémices de sa carrière, et elle a grandi avec le studio.

Pour sélectionner les projets gagnants aux Annie Awards, ce sont des animateurs reconnus dans le milieu, de différentes sociétés (Dreamworks, Disney…) qui vont étudier les vingt démos envoyées et choisir la meilleure. C’est une bonne chose pour les artistes d’avoir une telle reconnaissance de leurs pairs.

Quelle est la part de Fortiche Montpellier dans la production d’Arcane ?

Fortiche Montpellier est arrivé en plein de la production de la saison 1 d’Arcane. Après quinze ans passés à travailler aux États-Unis, je suis revenu en France. J’avais le désir de m’installer dans un endroit où il faisait bon vivre, et Montpellier, avec son pôle 3D en extension et ses écoles créatives, était une ville attractive. J’ai enseigné un an à l’ESMA avant d’être contacté par Fortiche. J’ai vu les débuts de la série Arcane et j’ai été charmé. Alors, un peu du jour au lendemain, j’ai tout lâché, je suis allé vivre chez ma mère, à Paris, pour pouvoir rejoindre le projet Arcane.

À un moment, il a fallu accélérer la production. Fortiche s’est intéressé à l’Inde ou à la Chine pour déléguer une partie de la production mais il s’est avéré que ça ne nous aurait pas permis de garder une qualité d’animation propre à Fortiche. J’ai alors proposé de monter une antenne à Montpellier pour pouvoir profiter de son écosystème 3D mais aussi parce que la vie y est moins chère qu’à Paris et que la Métropole met en place des aides pour aider les entreprises à s’implanter. De son côté, Rémi Terreaux, issu de l’ESMA a proposé la même chose mais à Las Palmas aux Canaries. Deux antennes ont donc été ouvertes en cours de production. À Montpellier, nous sommes une vingtaine d’animateurs; à Las Palmas, ils sont 15, et à Paris, ils doivent être une cinquantaine. À Montpellier, on a bossé sur les trois derniers épisodes de la première saison, et là on continue avec la seconde. Comme il y a trois antennes, le travail est divisé en séquences. Sur un épisode de 35 minutes, il va y avoir 10 séquences. L’animation d’une première va être faite à Montpellier, la seconde à Paris…

« Avancer avec Riot Games permet à Fortiche de se projeter sur le long terme »

Vous avez une autre actualité importante : Riot Games, le studio américain qui produit les jeux League of Legends, a investi dans Fortiche. Qu’est-ce que ça implique exactement ?

Je ne suis pas le plus au point concernant cette question, mais Riot Games détient une partie du capital de Fortiche, un peu moins de la moitié, je crois. Le but est surtout d’aider Fortiche, de seconder le studio, de permettre à Fortiche de bénéficier d’une certaine sécurité financière. Le studio grandit et emploie de nombreux animateurs et artistes, ce qui fait de nombreuses responsabilités reposant entièrement sur Arcane et son succès. Avancer avec Riot Games permet à Fortiche de se projeter sur le long terme. Au début, j’appréhendais que cela implique une certaine limitation artistiquement parlant mais pour l’instant, on bénéficie des mêmes libertés. Cette indépendance artistique est un aspect important pour les dirigeants de Fortiche et ceux de Riot semblent l’avoir compris. Le travail de Fortiche et la liberté que leur donne Riot, c’est exceptionnel, ça devrait créer une jolie symbiose entre les deux.

Quand il y a autant de sous qui sont investis, il y a toujours des débats comme “on ne peut pas faire un projet trop adulte car ça réduit le public”, “on ne peut pas faire quelque chose de trop sanglant”, “on ne peut pas faire fumer les personnages”… Alors que là, on avait toute liberté pour les projets. Riot Games veut que l’on fasse “ce qui va plaire aux spectateurs”. C’est fou, surtout quand il y a un gros budget et des attentes derrière le projet. Enfin, Arcane est un petit projet comparé à d’autres. Les neuf épisodes de la première saison doivent représenter un tiers, je pense, du prix d’un film Disney. La saison 1 d’Arcane équivaut à trois longs métrages, mais pour le prix d’un… Pour la plupart des studios en France, il faut un an et demi par film. Pour Arcane, même si la production a été coupée pendant un moment, de l’épisode 2 à 9, ça a pris 2 ans. Ça revient quand même à faire trois films en 2 ans !

On revient au tout début de l’aventure. Est-ce que vous pouvez nous raconter comment s’est faite la rencontre entre Fortiche et Riot Games ?

En 2012, Fortiche a réalisé le clip La Gaviota. Un musicien, Christian Linke, l’a vu. Il avait des projets avec Riot Games, notamment de mettre en scène des personnages du jeu League of Legends. Il a aimé le cachet artistique et original de La Gaviota et a décidé de faire une collaboration avec Fortiche sur le clip “Get Jinxed” (Jinx est l’héroïne d’Arcane et un personnage principal du jeu vidéo). Ils ont travaillé sur cet aspect graphique un peu entre la 3D et la 2D qui donne ce côté peinture, et au vu du succès, plusieurs autres clips ont suivi ainsi que le premier épisode de la série, commencé avant le clip “Rise” ou ”K/DA” et qui ont aidé à définir le style Arcane. La suite, vous la connaissez.

« Avec Fortiche qui s’installe, d’autres gros bonnets devraient arriver aussi »

Selon vous, quelle est la place aujourd’hui de Montpellier dans le cinéma d’animation ?

C’est le début mais c’est un très bon début. Plus que le cinéma d’animation, Montpellier évolue surtout avec les boîtes de production 3D, entre les boîtes de jeux vidéo, de FX, d’animation… L’écosystème montpelliérain a énormément évolué ces quatre dernières années et ça devrait continuer dans ce sens. J’espère en tout cas. C’est une volonté des gens -on le voit de plus en plus- de ne pas être nécessairement sur Paris pour pouvoir travailler sur des projets de qualité.

Pour Fortiche, il a fallu que je recrute des animateurs et j’ai pu me tourner vers les écoles locales.  J’ai recruté cinq étudiants de l’ESMA dont j’avais vu les projets de fin d’année et dont j’appréciais le travail. Une animatrice vient de l’école ARTFX (sur la photo, lors d’une Masterclass récente dans l’école montpelliéraine). Sur l’ensemble de la production, Fortiche a dû employer une quinzaine d’étudiants de l’ESMA, je crois. C’est important de dynamiser le territoire et je pense que le secteur 3D de Montpellier est en pleine expansion. Avec Fortiche qui s’y installe, d’autres gros bonnets devraient arriver aussi.

Comment se passe la production de la saison 2 d’Arcane ?

Aujourd’hui, les plateformes de streaming ont besoin de plus en plus de contenu et de plus en plus vite, parfois aux dépends de la qualité. J’ai connu ça à Dreamworks. Au début, on faisait un film par an. Il a fallu ensuite augmenter la cadence pour faire cinq films tous les deux ans, et la qualité s’en ressent. Riot voulait donner vie à ses personnages, mais si le studio a choisi Fortiche c’est parce que ce dernier voulait un projet plus mature, différent, artistiquement poussé… Le but n’était pas de faire de l’argent. D’ailleurs la question ne s’est pas posée de suite. Netflix n’est arrivé dans la course que lorsque la saison 1 était finie. Pour l’instant, avec la nouvelle saison, on ne ressent pas plus de pression. Dans le travail et l’animation, on peut essayer d’aller plus loin dans les détails que la première saison, mais sans pression de date de sortie, d’ailleurs cette dernière n’a pas encore été annoncée…

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