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Jean-Christophe Rufin, l’écrivain-aventurier qui surpasse ses héros

C’est un grand écrivain populaire qui ouvre la Comédie du Livre 2022. L’écrivain, médecin et diplomate est ce vendredi 13 mai à 20h à la salle Molière (Opéra-Comédie). Son dernier roman « Notre otage à Acapulco » est dans le Top 20 des ventes de livres cette semaine avec un héros, Aurel, qui peine à égaler l’existence romanesque et sidérante de l’auteur.

« Personne n’avait moins l’air de James Bond que le petit homme dégarni transpirant dans son costume de tweed. Covid oblige, il portait un masque chirurgical d’un rose pâle. Il l’avait posé de travers, si bien qu’on aurait cru qu’il était bâillonné avec du papier hygiénique » : ainsi débutent les nouvelles aventures d’Aurel Timescu, anti-héros pathétique imaginé par l’académicien Jean-Christophe Rufin. « Notre otage à Acapulco », cinquième épisode de la saga d’Aurel le Consul, paru début avril chez Flammarion, comble de plaisir des lecteurs fidèles à l’inclassable diplomate.

« Comme souvent, ce livre est lié à un voyage, en l’occurrence Acapulco. J’ai tellement aimé cette ville que je me suis dit qu’il me fallait y envoyer mon petit consul, Aurel. Et surtout l’y confiner à Los Flamingos, un hôtel assez modeste où planent encore les fantômes de Frank Sinatra, Ava Gardner, John Wayne et surtout Johnny Weissmuller, qui avait acquis l’établissement et y faisait la ­fiesta avec le gang de Hollywood » a t-il raconté à VSD. 

Avec son accent roumain, ses tenues improbables, sa légendaire paresse et son amour pour le Tokay bien frais, Aurel voyage au gré de postes minables dans lesquels sa hiérarchie le relègue. Rien ne lui convient mieux que de se faire oublier dans des lieux improbables pourvu qu’il y déguste du vin blanc en jouant du piano. Une seule chose au monde peut le tirer de sa léthargie : un crime à élucider !

Envoyé au Mexique pour faire de la figuration dans un poste placardisé, notre consul va subir une série de transformations inattendues : une rencontre inopinée avec Johnny Weissmuller l’amène à troquer son costume vieillot contre un bermuda et la dégustation de Téquila aura raison de sa fidélité pour le fameux cépage hongrois. La disparition à Acapulco de la fille d’un ministre en poste va mener ce dandy lugubre à croiser mille dangers : rien moins que des cartels de la drogue et une réincarnation de Lauren Bacall qu’il divertira en jouant du Sinatra.

Pionnier de Médecins sans frontières

Aussi romanesque soit-elle, la vie d’Aurel le Consul paraît bien fade comparée à celle de son créateur le romancier Jean-Christophe Rufin : en 70 ans, il a vécu plusieurs vies et plusieurs trajectoires. Des études de médecine réussies brillamment lui offrent une belle carrière de neurologue qu’il quitte assez vite pour s’engager dans l’humanitaire : il est un des pionniers de Médecins sans frontières. ONG pour laquelle il effectue des missions en Afrique, en Amérique latine. Président d’ACF (Action contre la faim) et diplômé de l’institut d’études politiques de Paris, il a tous les atouts pour une carrière de diplomate et devient ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie après un séjour au Brésil comme attaché culturel. Cabinets ministériels et ambassades n’ont aucun secret pour lui et une fois libre de tout engagement, il se plaira à portraiturer en une cocasse galerie, des expatriés nostalgiques et des fonctionnaires d’ambassade aussi carriéristes qu’imbéciles. Sa vie est une aventure telle qu’on la croise dans les fictions. L’homme, qui vit aujourd’hui dans un chalet au pied des Alpes, a participé avec les agents de la DGSE à la traque de membres d’Al-Qaïda après l’assassinat de touristes français en Mauritanie. Sa vie sentimentale elle aussi semble issue de la littérature : lors d’une mission humanitaire, il rencontre en Erythrée son épouse Azeb qu’il épousera trois fois (après deux divorces) et qui est aujourd’hui son agent littéraire. Laquelle l’a dissuadé en 2020 de se présenter aux élections municipales de Bourges, sa ville natale…

Aussi foisonnante et fructueuse sera sa vie d’écrivain. Il additionne les succès. « L’Abyssin«  (Gallimard) lui vaut le Goncourt du premier roman en 1997. « Rouge Brésil« , sur la vie d’ambassadeur, paru aussi chez Gallimard, reçoit le Goncourt en 2001. Il est tout aussi à l’aise dans de multiples genres littéraires : roman, nouvelle, polar, carnet de voyage, essai, récit historique… Tout ce qu’il écrit se transforme en or. Son « Immortelle randonnée », sur son pélérinage à Compostelle, a été le best-seller de l’été 2013. Avec une double marque de fabrique : l’humour sur la médiocrité de ses héros et ce qu’il appelle « l’expérience de la vie » : « je suis aux antipodes de l’intro­spection, de l’autofiction ; je fais une littérature basée sur l’expérience de la vie, c’est peut-être pour ça que j’ai des lecteurs« .

Bien que regardé de haut par la critique littéraire parisienne, aujourd’hui Jean-Christophe Ruffin est à la tête d’une œuvre importante nourrie de ses expériences, explorant la politique, l’histoire et ses aventures de voyageur, tout comme son ami Sylvain Tesson (lors de sa chute en 2014, l’écrivain vivait chez lui), sur les pas d’illustres prédécesseurs tels Joseph Kessel ou Stevenson.

 

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