Un film de zombies en ouverture du festival de Cannes ? Le pari semblait risqué depuis le timide accueil médiatique de The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch, trois ans plus tôt. Pourtant, Michel Hazanavicius réussit à nous surprendre avec Coupez !, remake d’un bijou japonais du genre Ne coupez pas !, présenté en avant-première au Diagonal. Au casting d’un film encensé par la critique : Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield et Matilda Lutz.
Le film s’ouvre avec un interminable plan-séquence bourré d’incohérences, d’erreurs de cadrage et de regards caméra sur une histoire de zombie classique. Un réalisateur cinglé s’en prends violemment à ses comédiens sur leur mauvaise performance durant le tournage d’un film de mort vivant. Alors que l’équipe prend une pause, tout dégénère. Le lieu de tournage s’avère maudit et certains membres de l’équipe technique se transforment eux-mêmes en macchabées sur pattes. S’en suit des morsures, des vomis, des bras en moins et du sang qui coule jusqu’au dernier survivant. L’horreur est si mal maitrisée et caricaturale que le spectateur se sentira coincé dans la première scène de “La cité de la peur”.
Fort heureusement, la scène n’occupe qu’un tiers de l’œuvre, structurée en trois parties : le film raté, l’histoire de sa réalisation puis les coulisses du tournage de ce malhabile plan-séquence. Les rires du public, plutôt discrets au départ, deviennent plus nombreux et plus expressifs en deuxième et troisième partie durant laquelle on découvre les raisons de l’échec du film.
Le tournage d’un tournage
Chapeau aux acteurs, qui ont incarné jusqu’à trois personnages. Matilda Lutz et Finnegan Oldfield ont eu à se mettre dans la peau des comédiens dans leur quotidien, puis de ces mêmes acteurs face caméra pendant la première scène ; mais aussi pendant le faux tournage intégré au plan séquence lui-même (double mise en abyme).
Niveau maquillage et décoration, Hazanavicius en fait des caisses (le sang gicle d’un rouge écarlate, le costume de Bérénice Bejo sort d’ “un mélange entre Kill Bill et Pulp Fiction”). L’absurdité de la mise en scène se moque ouvertement de la série Z. “Je ne voudrais pas froisser la communauté zombie et recevoir des plaintes. Mais je ne suis pas un dévoreur de films de zombies, a commenté Hazanavicius. Dans cette comédie de tournage, c’était bien parce que c’est spectaculaire, drôle. Dès que vous faites un pas de côté, c’est rapidement ridicule. Vous avez quand même des gars peints en bleu ou en vert, avec du faux sang et des fausses dents, qui font des grognements. Ça peut être terrifiant, magnifique, sublime et donner Dernier train pour Busan. Ça peut aussi donner des grosses bouses. J’ai plutôt choisi ce parti.”
Surmontez le dégoût du début !
Après vouloir susciter le rire, l’auteur – qui a déjà déclaré sa flamme au septième art dans The Artist et Le Redoutable qui étaient aussi des films sur le cinéma – entend démontrer par ce récit de film raté, que le cinéma est aussi synonyme d’entraide, de coopération. À la fin du film, toute l’équipe conçoit avec évidence le désastre du tournage. Soudés et déterminés, ils s’efforcent à aller jusqu’au bout, jusqu’à la scène finale riche en émotion.
Si vous avez besoin de légèreté, de rire et de décompression, choisissez “Coupez !”, mais suivez le conseil de Bérénice Bejo : “Laissez vous porter, n’ayez pas peur, a-t-elle suggéré dans “Minute Buzz”. Je pense qu’il y a des gens qui vont être dégoutés au début. Tout ce qui vous déroute au départ va extrêmement vous amuser sur la longueur.”