Abdelaziz Baraka Sakin, un héros de la littérature arabe réfugié à Montpellier

Ses livres ont été brûlés au Soudan. Abdelaziz Baraka Sakin vit à Montpellier sous le statut de réfugié politique. Il a reçu une bourse d’écriture du Centre National du livre pour la rédaction d’un roman dont l’intrigue se situe au Pic Saint-Loup. Il est à la librairie La Cavale, ce samedi 17 septembre pour un livre à paraître, « La Princesse de Zanzibar » (Zulma).

« Nous sommes les Jangos »

Abdelaziz Baraka Sakin est l’écrivain soudanais le plus lu dans son pays et dans le monde. Écrivant en arabe, il est considéré partout dans la sphère linguistique arabophone, du Maghreb au Machrek. La diaspora soudanaise reconnait dans cet écrivain à la plume libre et joyeuse un véritable maître à penser. À Khartoum en juin dernier, de jeunes manifestants en marche vers le parlement pour réclamer le départ des militaires qui font encore partie du gouvernement soudanais brandissent une banderole sur laquelle on peut lire : « Nous sommes les Jangos », du nom de ces ouvriers agricoles, héros de son célèbre roman « Les Jangos », qui lui a valu de recevoir le Prix de la littérature arabe, décerné par l’Institut du Monde arabe à Paris.

Traduit dans de nombreuses langues africaines – en tigrinyan, amharique, swahili – européennes – en anglais, allemand, espagnol, français et bientôt italien – et aussi en turc et en hébreu, ses romans ont été interdits au Soudan jusqu’en 2019, l’année de la révolution soudanaise qui a permis le départ du dictateur Omar el Bachir. Mais les romans d’Abdelaziz, circulant sous le manteau, photocopiés ou mal imprimés, ont toujours été lus, souvent même par ceux qui souhaitaient les voir censurés.

Un autodafé avec l’accord du Ministère de la culture

En 2009, lors d’un interrogatoire dans les sous-sols du salon du livre de Khartoum, le régime dictatorial soudanais a ordonné à Abdelaziz Baraka Sakin d’arrêter d’écrire. Il venait de recevoir pour son roman les Jango, le prix Tayeb Saleh, pourtant le plus prestigieux du pays. Mais les livres tout juste arrivés d’Égypte où ils avaient été publiés, ont été brulés avec l’accord du ministère de la culture, dénoncés par le groupe de censeurs officiels comme « contraire à l’esprit soudanais ».

Après cet autodafé, les menaces n’ont cessé de se multiplier et Abdelaziz Baraka Sakin, à l’occasion d’une invitation en Autriche, a pu s’installer en Europe et obtenir le statut de réfugié politique. Depuis, les invitations et les rencontres littéraires n’ont cessé de venir de tous les côtés, d’Europe comme d’Afrique et d’Amérique.

Réalisme magique et invention stylistique

Le lecteur d’Abdelaziz Baraka Sakin est touché par la manière aimante de mettre en scène les personnages, par son regard sur les différentes cultures de la corne de l’Afrique et même sur les cultures européennes (on découvrira ce dernier aspect au fur et à mesure des traductions). Son art de raconter élève le particularisme à l’universel. Son écriture allie un réalisme magique qui lui est propre à des descriptions minutieuses, encrées dans la réalité africaine. Ses inventions stylistiques, de même que le mélange de sérieux et de comique dont il use pour aborder des sujets graves font de chaque lecture un moment réjouissant. On sort des romans d’Abdelaziz Baraka Sakin rechargé à bloc d’énergie vitale.

« Au moment du repos du guerrier, nous sirotions notre café au gingembre, tandis qu’elle me parlait de tout et de rien avec son léger accent, aussi tonifiant que le parfum du café éthiopien, le matin qui se lève sur la berge du fleuve ou le soupir d’une Abyssine amoureuse » / « Les Jango »

L’année dernière, Abdelaziz Baraka Sakin a reçu une bourse d’écriture du Centre National du livre pour la rédaction d’un roman dont l’intrigue se situe au Pic Saint-Loup dans les environs de Montpellier, ville où Baraka réside aujourd’hui (la photo de la Une est prise chez lui à Montpellier) et qui sera publié prochainement chez son éditrice égyptienne Gata Yemba, éditions Willows puis traduit en français, nous espérons le plus vite possible, par son traducteur attitré Xavier Luffin (Grand prix de la traduction pour « Les Jango »).

Une nouvelle vie en Autriche

Et cette année, il a été choisi pour devenir l’écrivain de la ville de Graz, en Autriche alors que paraîtra en octobre prochain chez Zulma son magnifique roman « La Princesse de Zanzibar », déjà considéré comme un classique de la littérature, qui évoque la domination anglaise et surtout omanaise sur cet archipel africain dont l’Europe connaît peu l’histoire ; le tourisme et sa beauté de carte postale occultant les exactions des esclavagistes omanais du XIXe siècle. Le livre a été interdit en Oman.

Photo du milieu prise par Cédric Matet dans le cadre de l’exposition « Ce que nous sommes » sur la diaspora africaine à Montpellier dans le cadre du sommet Afrique-France.

Photo avec la cravate @Patrice Normand.

À la UNE, photo privée prise à Montpellier.

Rencontre avec Abdelaziz Baraka Sakin autour de « La Princesse de Zanzibar » (Zulma), samedi 17 septembre à 15h, avec la librairie La Cavale au Domaine d’O dans le cadre du festival Arabesques.

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