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Changer de voix quand on change de genre : Ludovic, Elya et Olivia témoignent

Si l’hormonothérapie suffit aux hommes, pour une majorité de femmes, des séances d’orthophonie – et plus rarement une intervention chirurgicale – sont nécessaires. Voici les témoignages de Ludovic, 21 ans, Elya, mère de famille et Olivia Ciappa, artiste et photographe (photo). Et Juliette Defever, orthophoniste, spécialisée dans la prise en charge vocale des personnes transgenres.

S’invisibiliser

Dans le long parcours souvent compliqué de la transition, certaines étapes s’avèrent nécessaires pour une véritable adéquation avec un corps qui se transforme. Se pose alors très vite la question de cette voix, signe d’une autre vie, reliquat d’un autre corps : « Changer de voix ce n’est pas un élément esthétique, insiste Juliette Defever, orthophoniste spécialisée dans la prise en charge vocale et l’accompagnement des personnes transgenres, à Lille, c’est aussi une mise en sécurité de la personne, une sorte d’invisibilité disponible à n’importe quel moment dans une société où la transphobie est une réalité ! Si notre société était moins normative, la question de la voix serait moins importante sans doute. »

Pour rendre la voix moins grave, on pratique une intervention – encore rare – influent seulement sur la hauteur de la voix, soit en suturant les cordes vocales pour en réduire la surface de vibration soit en solidarisant deux cartilages pour maintenir le larynx en position de bascule.

Des patients de plus en plus jeunes

« Je reçois en majorité des femmes car pour les garçons, l’hormonothérapie suffit souvent à rendre la voix plus grave. Le profil des patients a changé en vingt ans », confie Juliette Defever. « Autrefois, je rencontrais des personnes ayant déjà eu un parcours de vie avant la transition dans une tranche d’âge entre 45 et 55 ans. Aujourd’hui, je travaille avec des jeunes adultes d’une vingtaine d’années, mais peu d’adolescents encore, sans doute par manque d’informations. Les réseaux sociaux et les associations commencent à diffuser de l’information concernant le travail de la voix dans la transidentité. Je suis très heureuse d’enseigner cette pratique aux jeunes orthophonistes à Lille car encore peu d’entre nous sont formés à ce travail. »

Un nouveau sujet de recherche

Plusieurs critères définissent le genre d’une voix. La hauteur bien sûr : les femmes ont en raison de la taille de leurs cordes vocales, une voix moins grave que les hommes. Le registre ensuite (terme bien connu des chanteurs) qui correspond à la résonance de la voix : voix de poitrine ou voix de tête.  « Nous avons aussi repéré dans nos travaux de recherche les critères qui concernent la prosodie précise Juliette Defever : la voix féminine a une intonation plus marquée, un allongement des voyelles et des micro-pauses respiratoires plus fréquentes. » Le dernier critère concerne l’articulation elle-même qui est plus antérieure, c’est à dire plus en avant chez les femmes. « Le travail sera donc de régler ces curseurs en fonction de chaque personnalité en tenant compte de la ‘voix d’avant’, du parcours individuel et aussi des attentes de chacun. »

Ce travail se trouve au centre d’un tourbillon décisionnel, pour des personnalités et des histoires individuelles parfois compliquées dans lesquelles la relation à la voix signe aussi une nouvelle vie. J’ai pu être en contact avec 3 témoins qui ont choisi de ne pas utiliser de noms d’emprunt pour raconter la place de leur voix dans leur parcours. J’ai rencontré Ludovic qui vit à Toulouse, eu par téléphone Elya qui vit à Montpellier et Olivia par téléphone depuis Paris.

Pour Olivia Ciappa, "Il fallait que tout soit en adéquation : ma voix et mon corps devaient être en harmonie."

Olivia Ciappa : « Une voix en adéquation avec son corps, c’est aussi une protection »

Artiste et photographe, Olivia Ciappa est connue dans le monde artistique et sur les réseaux sociaux, où elle milite pour les droits LGBT et la visibilité des personnes transgenres. Elle est l’auteur de la série « Les couples de la République » : des photos mettant en scène des personnalités connues du monde politique, sportif ou musical militant contre l’homophobie (ci-dessus). Ses engagements lui ont valu récemment des menaces très explicites et suffisamment inquiétantes pour l’obliger à changer de domicile.

« Pour moi la voix, c’est vraiment important. Il fallait que tout soit en adéquation : ma voix et mon corps devaient être en harmonie. J’ai fait une année d’orthophonie et franchement ça m’a saoulée! Ça ne me correspondait pas d’être tout le temps dans le contrôle. J’y arrivais en faisant attention mais dès que j’avais une conversation spontanée, hop!, ma voix partait dans tous les sens. Je me suis décidée à faire une intervention chirurgicale afin de modifier son larynx. Au départ juste après l’opération, ma voix était trop bizarre… Mais très vite, j’ai gagné en hauteur et du coup tout est devenu instinctif. J’avais la bonne façon de parler comme si ma voix féminine était devenue complètement naturelle! Avant, j’avais besoin de me concentrer, de me contrôler tout le temps mais plus aujourd’hui, j’ai l’impression qu’en trouvant une bonne hauteur de voix, tout s’est mis en place naturellement. En quelques semaines, j’ai trouvé ma voix actuelle et tout est devenu plus facile : les gens ne lèvent pas la tête dès que j’ouvre la bouche dans un magasin… Une voix qui est en adéquation avec son corps, c’est aussi une protection ! Ça n’interpelle personne et on y gagne en sérénité. »

Elya : « Quand je parle avec ma femme, je reprends ma voix d’avant ! »

La dynamique Elya n’a pas tout à fait l’âge de sa voix. Sa transition est arrivée tardivement après une vie de père de famille et elle confie avec beaucoup de sincérité, en être encore émerveillée : « Le problème de la voix, il s’est posé très tôt pour moi. J’avais plutôt une grosse voix et ça n’allait pas du tout avec la femme que je suis devenue. J’ai commencé le travail avec mon orthophoniste. Au départ, ça m’a semblé assez facile de placer ma voix surtout que j’avais eu un prix de chant au Conservatoire quand j’étais jeune. C’est sur la durée que ça devient difficile parce qu’il faut se préparer à parler et surtout à parler longtemps. Il faut toujours contrôler. » Elle rit : « Moi, vous savez je suis super copine avec mon ex-femme et quand je parle avec elle, j’ai souvent ma voix d’avant. Cette voix, c’est celle que connaissait ma famille et mes enfants. C’est vraiment moins compliqué quand on a comme moi le soutien de ses enfants. Maintenant, je suis super contente d’avancer parce que pour moi il fallait que tout soit en harmonie. Maintenant, quand je papote au téléphone ou que je rencontre de nouvelles personnes, ma voix ne me trahit plus. Je continue à voir l’orthophoniste, j’entretiens mes acquis et en plus, je rêve de reprendre le chant ! »

Ludovic : « La Fée Testostérone a tout changé« 

Ludovic a 21 ans, étudiant motivé, bien dans ses baskets. Il revient sans difficultés sur son parcours : « j’ai toujours su que j’étais un garçon même si mon corps n’était pas le bon. Tant que j’étais petit, ça allait… On disait juste, c’est un garçon manqué ! Je ne portais jamais de robes et je voulais être un super héros. C’est devenu flippant à l’approche de la puberté, je ne pouvais pas imaginer avoir des seins, je préférais mourir, j’y ai même pensé. Bon, j’ai eu de la chance : je vis dans une grande ville et ma famille m’a soutenu. La psy qui m’a reçu a été vraiment canon. Dès que j’ai compris qu’on allait me ‘rendre’ mon identité de garçon, mes angoisses ont disparu. Ma voix n’était pas trop féminine mais quand même. Heureusement, dès que j’ai commencé l’hormonothérapie, la Fée Testostérone a tout changé ! Ma voix est devenue super grave, genre on m’appelait ‘monsieur’ dans les magasins ! J’ai décidé à un moment donné d’arrêter les traitements hormonaux par choix médical et à ce moment- là, j’ai travaillé sur ma voix : pas tellement la hauteur mais surtout la façon de parler. Changer sa voix, sa diction c’est clairement changer d’identité et c’est ce que je voulais ! Et j’ai réussi tout ça ! »

Je remercie Nicole, Thomas, Fabienne, Juliette et tous les professionnels qui m’ont accordé du temps. Merci à Ludovic, Elya, Olivia, tous et toutes pour leurs témoignages et leur confiance.

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Mélanie
Mélanie
2 années il y a

Article intéressant qui éclaire sur des aspects méconnus du parcours des transgenres.

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