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Léa Coffrant : « Les influenceurs sont les nouveaux médias »

Léa Coffrant, plus connue sous le pseudonyme de JeNeSuisPasJolie, est à la seconde place d’un top 10 d’influenceurs à Montpellier et en région Occitanie. Créatrice de contenus avec 900 000 followers sur Instagram et 1 million d’abonnés sur Youtube, la jeune maman est aussi une entrepreneuse montpelliéraine puissante à la tête d’une équipe de 7 personnes. Elle évoque pour LOKKO sa vie d’influenceuse, sa réussite, le harcèlement, le nouveau business sans scrupule, l’affaire Booba et la naissance du marketing d’influence.

LOKKO : Léa Coffrant, vous avez lancé votre chaîne YouTube en 2010, avec des vidéos mode et beauté. Votre pseudonyme nous interroge, pourquoi « Je ne suis pas jolie » ?

LÉA COFFRANT : Ce nom intrigue toujours mais il n’y a pas vraiment d’explication. C’était le slogan d’une marque de prêt-à-porter qui disait à l’époque « je ne suis pas jolie, je suis pire » ; j’en avais gardé « je ne suis pas jolie ». Au début, je ne l’utilisais pas pour créer des vidéos mais pour pouvoir commenter les vidéos des personnes que je suivais sur YouTube. Par la suite, quand j’ai voulu me lancer et parler de sujets autour de la beauté et de la mode, je trouvais que ça créait une jolie ambivalence avec ce monde-là. C’est vrai qu’on retient ce nom, donc je le garde.

Au début, l’influence était très genrée

Quel regard vous portez sur ce qui est devenu un métier aujourd’hui hyper professionnel ? Que pensez-vous du fait qu’on traite énormément de thématiques, qui dépassent un peu les normes de genre avec certains sujets ?

Quand j’ai commencé, l’influence, c’était très genré : on avait les filles d’un côté avec la mode et le maquillage et de l’autre côté les garçons au gaming. À l’époque, Natoo a essayé de prendre sa place dans l’univers de l’humour, et je sais qu’elle a reçu beaucoup de critiques sexistes et de haine. Je vois un peu l’évolution de YouTube comme on a pu voir évoluer la télévision ou la radio. Aujourd’hui, on peut consommer sur YouTube du contenu en fonction de ses centres d’intérêts et plus seulement de façon très catégorisée, ce qui est une très bonne chose. 

Quand Léa a commencé, ce n’était pas possible de gagner sa vie avec l’influence.

Vous avec été actrice et témoin de la professionnalisation des influenceurs qui ont parfois engagé des agences pour la gestion de la partie contractuelle des opérations…

C’est un nouvel écosystème qui a été créé. On n’en est encore qu’aux balbutiements, mais il y a une volonté de considérer l’influence comme un nouveau média et pas simplement comme « on fait mumuse avec notre caméra dans notre chambre et on est là pour raconter sa vie ». Je suis persuadée qu’il y a encore beaucoup de choses qui peuvent émerger de l’influence. On l’a vu avec des initiatives comme le ZEvent et des levées de fond spectaculaires pour des associations. Vraiment, nous n’en sommes qu’au début.

Que pensez-vous de ces contrats à (plus de) 6 chiffres ? Par exemple, les 4,5 millions deuros de placements de produits quaurait gagné Léna Mahfouf en se rendant au Met Gala 2022. 

Nous sommes les représentations de notre propre marque, nous sommes un média. Une personne comme Léna qui influence la consommation de millions de personnes, ça se paye proportionnellement au nombre de personnes qu’elle touche, à son influence. Cet argent ne rentre pas directement dans sa poche, il passe par une société qui a des charges sociales et certainement des employés. La réalité économique est plus complexe qu’une transaction en mode : « je vais faire une story et je récupère des millions d’euros ».

Rien ne justifie la haine de Booba

Les attaques du rappeur Booba contre les influenceurs de TV réalité (et particulièrement Magali Berdah, considérée comme la papesse du marketing dinfluence) ont fait couler beaucoup dencre. Que pensez-vous de ces influvoleurs”, ainsi quil les appelle ? Est-ce qu’ils nuisent à votre métier ? 

On ne fait pas le même métier. Je pense qu’il y a un monde entre ces personnes qui utilisent ensuite l’audience générée pour gagner leur vie et prolonger leur succès en plaçant des produits, et les influenceurs entrepreneurs comme moi. Ils ne sont porteurs que de ce qu’on veut bien leur faire dire. Je trouve dommage qu’ils soient assimilés à l’influence. L’influence a commencé bien avant eux, de façon beaucoup plus éthique, mesurée et responsable. Ce qui ne justifie en rien la haine de la part de Booba et d’autres personnes. J’entends qu’il y a un danger et je peux comprendre l’envie de rétablir une certaine forme de justice mais c’est inadapté. 

Je suis harcelée tous les jours sur les réseaux

Le revers de la médaille dans cette affaire, cest en effet le cyberharcèlement : une enquête pour menaces de mort, harcèlement et injure publique à caractère racial a été ouverte. Quen pensez-vous ? Quel écho rencontrent ces messages chez vous ? Avez-vous, vous aussi, été victime de cyberharcèlement, d’injures sexistes ?

Bien sûr, tous les jours. En tant que femme sur les réseaux sociaux et depuis de nombreuses années, bien sûr qu’on est confrontées à la haine, à des personnes qui vont aller au-delà de ce que vous acceptez de montrer sur les réseaux, en essayant de contacter des proches… Des mesures sont prises, moi de mon côté, j’ai des avocats mandatés pour faire de la veille et agir dans les cas les plus graves. C’est une réalité qui aujourd’hui n’est pas du tout prise en compte. Sous couvert de liberté d’expression, on accepte le harcèlement et on l’encourage, parce que les recours sur certaines plateformes comme Twitter sont très limités. Certaines affaires sont conduites devant la justice mais ça reste quand même anecdotique. 

Je gère mes affaires tout en m’occupant de mon foyer

En plus de votre activité de YouTubeuse, vous avez lancé Cracotte Shop, un site e-commerce de produits responsables pour la maison et le soin, et Take Kare, un programme de coaching personnalisé. Aujourdhui, à quel point vivez-vous de ces activités ? Quelle cheffe d’entreprise vous êtes ?

J’en vis au point d’avoir des locaux et une équipe de 7 personnes, tout en m’occupant de mon foyer puisque mon mari a été père au foyer pendant trois ans… Je n’ai absolument pas à me plaindre sur mes activités. Honnêtement, j’espère que cette croissance continuera ; pour l’instant c’est le cas, j’en suis très contente. J’ai un style de management moins pyramidal qu’horizontal. Ève qui est aujourd’hui mon bras droit a commencé en stage puis en alternance avant d’être en poste, donc l’idée c’est aussi de construire ensemble ces entreprises et cette économie.

Léa est revenue avec LOKKO sur l’évolution de ces nouveaux métiers du web et la naissance du marketing d’influence.

Je ne suis pas la caricature de linfluenceuse

Vous ne correspondez pas à l’idée qu’on se fait d’une influenceuse, vous êtes nature, bohème, féministe, vous êtes maman et entrepreneuse. Quelle définition vous donneriez du métier dinfluenceuse ? Comment est-ce que vous expliquez votre métier à votre fils ?

J’estime que je suis entrepreneuse avant tout, parce que j’ai d’autres activités que l’influence. « Accessoirement », je suis créatrice de contenu. Mon travail c’est de créer et partager du contenu pour une communauté, apporter, je l’espère, une plus-value aux personnes qui me suivent. La santé mentale est un sujet que je défends beaucoup, le féminisme bien sûr, la possibilité en tant que femme d’être maman mais aussi de poursuivre sa carrière… Mais je n’invente rien, c’est mon style de vie qui sert mes valeurs, mes causes et ce que j’ai envie de partager. Je me doute bien que je ne suis pas la caricature de l’influenceuse. Il y a eu très peu de sujets sur l’influence qui ont été révélateurs de cette économie que nous faisons marcher. J’ai été pendant 7 ans dans une agence (d’influenceurs, ndlr) que j’ai vu naître. Au début, ils étaient 4 personnes et puis ensuite 20, 30, 100, puis rachetés par TF1… Tout ça crée des métiers, de la valeur, de l’emploi.

30% de mes partages relèvent d’un deal avec les marques

Vous partagez depuis 10 ans vos produits favoris, vos routines pour prendre soin de vous et de votre maison. Comment est-ce que vous vous rémunérez ? Est-ce que tout ce que vous partagez et recommandez aujourdhui est le fruit dune collaboration commerciale ? 

60 voire 70% de ce que je partage n’a rien de contractuel ou de rémunérateur pour moi. Personne ne va me payer pour une story Instagram, sauf dans les cas contractuels. 30% de mes partages relèvent d’un deal avec des marques. Le contrat est celui-là : je teste le produit qu’on me propose et si je sens qu’il pourrait apporter quelque chose à ma communauté, et que ça fait partie de style de vie, on va se demander comment construire, créer un contenu permettant de mettre en avant le produit et la marque, tout en apportant une plus-value. Il y a plein de contrats que j’ai refusés, même certains en cours de signature, parce qu’on ne s’était pas mis d’accord. Certaines marques n’étaient pas forcément prêtes à me laisser libre d’un format ou d’un sujet… Je pense que la différence majeure est là, dans ce qu’on souhaite défendre et la façon dont on crée le contenu.

Il y a eu très peu de sujets sur l’influence qui ont été révélateurs de cette nouvelle économie.

J’ai lancé mon auto-entreprise à 16 ans

À partir de quand et comment avez-vous pu monétiser votre influence ?

Quand j’ai commencé, ce n’était pas possible de gagner sa vie avec l’influence. J’ai ouvert mon auto-entreprise à l’âge de 16 ans en 2013 parce que je commençais à gagner un tout petit peu ma vie avec la monétisation des vidéos YouTube (qui est arrivée assez tardivement). YouTube récupère 49% des revenus générés avec les publicités diffusées sur les vidéos et reverse les 51% restants au créateur de contenu. C’était plus complexe que 1 euro pour 1 000 vues (ndlr : l’usage aujourd’hui). C’était calculé en fonction du secteur que vous touchiez, de la pub en question, de la période de l’année, ça fluctuait énormément… Le marketing d’influence et les premières collaborations sont venues après. J’ai commencé à pouvoir en vivre, je pense en 2015, mais je n’avais pas alors de quoi employer quelqu’un. 

Comment est-ce quon ressent concrètement limpact de son influence au-delà des chiffres, au-delà des revenus publicitaires ? 

Quand des personnes vous arrêtent dans la rue, vous mettez des têtes sur des pseudos et c’est déjà un peu plus concret. Aujourd’hui, ça se mesure encore différemment. Cet été, j’ai fait une seule story sur un shorty que je portais sous ma robe pour éviter les brûlures, en disant que c’était une révolution. La fondatrice m’a contactée plus tard pour me dire qu’elle n’avait jamais eu autant de commandes en une seule journée. L’influence se mesure parfois comme ça… Notre podcast en duo avec mon amie psychologue (photo) pour Take Kare a fait plus d’un million et demi d’écoutes. Je ne compte plus le nombre de personnes qui me disent avoir dédramatisé l’accès à la thérapie, compris que prendre soin de sa santé mentale, ce n’était pas être fou après avoir écouté le podcast… Partager ce qui fait sens pour moi au quotidien et mon lifestyle, ça peut résonner chez certaines personnes, apporter un peu de mieux-être dans des périodes difficiles… 

Un regard moins méprisant sur l’influence

Vous voulez montrer que l’influence n’est pas une simple activité de création de contenu, c’est un écosystème et qu’il est possible d’éduquer d’autres audiences ?

C’est le but, c’est pour ça que j’aime échanger sur ces sujets. Quand on voit le gap entre la façon dont Squeezie a été reçu et méprisé à l’époque (en 2017, ndlr) par Thierry Ardisson dans « Salut Les Terriens », et l’événement qu’il a créé il y a quelques semaines et tout ce qui a été généré autour du GP Explorer… Je pense qu’il serait intelligent de porter un regard un peu plus curieux, moins méprisant et inquisiteur sur ces nouveautés. Il y a toujours deux faces d’une pièce, deux versions d’une même histoire pour moi. Quand on essaie de prendre un peu de recul, de voir les choses de façon un peu plus objective, on se rend compte qu’il y en a pour tout le monde et qu’on peut trouver de la valeur dans l’influence. 

Pour voir les vidéos de JeNeSuisPasJolie sur YouTube, cliquez , son compte Instagram ici.

Son site de shopping maison, c’est ici, le coaching personnalisé, cliquez .

Photos : (UNE) @Jenesuispasjoli sur Instagram, @Cracotte.shop, capture d’écran YouTube (@Jenesuispasjoli), @TakeKare.co

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1 Commentaire
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Alice
2 années il y a

Félicitations pour ce joli portrait !
Et merci pour la mention de Mediaboss… 🙂
Alice

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