Kévin Henri, chercheur d’or rouge en Méditerranée

En Méditerranée, s’il y a bien un poisson phare et haut de gamme, c’est le thon rouge. Un mets de qualité qui est très prisé sur les tables régionales, de toute la France et même à l’export. Menacé un temps d’extinction, il a, grâce aux quotas, fait son grand retour. Pour LOKKO, Fabien Soldevila a embarqué sur le bateau de Kévin Henri, un des rares pêcheurs de thon à la canne : il y en a moins de 5 entre Sète et Frontignan.

Pour plonger au plus près de ce poisson, je n’ai pas enfilé la combinaison et les palmes, mais j’ai quand même embarqué sur le Marie III, le bateau de Kévin Henri, pêcheur à Frontignan. Ce jour-là, j’étais en mode « chat noir », car nous n’avons rien pêché, je n’ai pas eu la chance de pouvoir rencontrer ces thons qui pèsent en moyenne 25 kilos ! Ma victoire quand même, c’est que j’ai réussi à ne pas être malade et à pouvoir ainsi lui poser quelques questions pour LOKKO !

Il mange presque tout ce qui passe devant ses mâchoires, peut peser jusqu’à 650 kilos, mesurer plus de 4 mètres de long et pondre des centaines de millions d’oeufs. Le thon rouge de Méditerranée, cette force de la nature a pourtant failli périr de la surpêche. Mais il semble désormais qu’à force de quotas et contrôles draconiens, le thon rouge de Méditerranée ait échappé à la disparition qui lui était promise. De quoi redonner espoir à la préservation de cette « vache des mers », menacée dans le monde entier.

LOKKO : qui es-tu ?

KÉVIN HENRI : Je suis Kévin Henri, j’ai 31 ans, et je suis pêcheur aux petits métiers depuis 2010.

Pêcheur aux petits métiers, ça veut dire quoi ?

Ca veut dire plusieurs métiers, la polyvalence, on peut faire de la nasse, du filet, des pots à poulpes, de la ligne, toutes les pêches possibles. Moi par exemple, je fais tout ça mais je suis aussi ostréiculteur sur le bassin de Thau.

« J’ai pris la suite de mon père »

Tu travailles donc seul ?

Je suis effectivement indépendant. J’ai pris la suite de mon père qui a été pêcheur tout sa vie et qui est à la retraite. Aujourd’hui, c’est amusant car il travaille encore un peu avec moi en tant qu’employé.

Tu fais partie de la SATHOAN, tu peux nous en dire plus ?

Effectivement je suis adhérent à la SATHOAN sur toute ma pêche dont le thon rouge. C’est une organisation des producteurs qui regroupe de nombreux acteurs sur la région et qui nous accompagne sur notre métier.

Parle nous un peu du fameux thon rouge et de sa pêche.

Il faut d’abord savoir qu’il y a de nombreuses façons de le pêcher : il y a d’abord la palangre (1), une ligne sur laquelle on va trouver plusieurs dizaines ou centaines d’hameçons. Il y a ensuite la Senne (2), avec les gros bateaux qui encerclent le poisson. Il y a enfin la pêche à la ligne artisanale avec des cannes, c’est celle que je pratique.

On est ici sur du thon avec des labels ?

Oui effectivement, ce thon il est labélisé « Thon rouge de ligne », et « pêche durable MSC ». C’est la SATHOAN qui s’occupe de développer tout ça.

Vous êtes nombreux à faire cette pêche à la ligne ?

Nous ne sommes pas très nombreux non, à Frontignan on est 2 et sur Sète il y en a 2 ou 3. Après, il y en a quand même pas mal d’autres qui pêchent à la palangre. Moi, j’ai une AEP, Autorisation Européenne de Pêche, uniquement à la canne, je n’ai pas le droit de pêcher à la palangre.

« Les limitations ont sauvé le thon »

Il y a donc des limitations strictes, ça va dans le sens de gérer et de maintenir les stocks ?

Tout à fait, à une époque il y en avait moins. Aujourd’hui le stock est là, et c’est grâce à toutes ces limitations qui ont sauvé le thon. La principale, c’est de limiter avec des quotas. Moi par exemple, j’ai un quota annuel sur le thon rouge. Chaque année le quota de chaque bateau est revue par la SATHOAN en fonction justement de l’état des ressources. J’ai deux quotas en fait, un pour les petits poissons, en dessous d’un mètre quinze et les gros au-dessus. Chaque poisson est bagué, enregistré, tracé.

Niveau commercialisation ça se passe comment pour toi ?

Le thon rouge, je le vends quasi exclusivement par moi-même au niveau dans mon propre point de vente au Mas Henri. Le poisson que je pêche, j’ai le droit d’en faire ce que j’en veux, il n’y a pas d’obligation d’aller à la criée. Et j’ai le droit de le vendre au prix que je souhaite. C’est surtout mon épouse qui s’occupe de la commercialisation.

« 50 minutes pour sortir un thon de 54 kilos« 

Quand tu sors à la pêche au thon, avec tes cannes, tu arrives à cibler uniquement les thons ?

La pêche à la canne est assez sélective. Mais ça m’est arrivé cette année de sortir de la raie pastenague violette ou du requin peau bleu qui sont des espèces protégées, donc on les relâche. Du coup, je pêche essentiellement des thons qui font en moyenne 25 kilos, et 54 kilos cette année pour mon record : j’ai mis 50 minutes à sortir le poisson !

« Je travaille 7 jours sur 7 »

Un beau métier !

Oui, c’est un très beau métier mais qui est dur : je travaille 7 jours sur 7, je me lève très tôt le matin et les journées sont longues entre toutes mes différentes activités. Et ensuite, ça reste un métier aléatoire, on sort, on passe du temps, du gasoil, sans être certain de pêcher quoi que ce soit.

(1) La palangre est un engin de pêche dormant composé d’une ligne mère sur laquelle sont fixés des avançons, portions de fil de nylon se terminant par un hameçon.

(2) La senne tournante non coulissante est un filet constitué d’une poche centrale en forme de cuillère et de deux extrémités en forme d’ailes. Les deux ailes permettent de rabattre les poissons dans la poche centrale et de remonter le filet à bord.

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