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Une Flûte Enchantée enfantine et glorieuse

Dans une période où les maisons d’Opéra font le compte de la désertion inéluctable d’une partie du public, l’OONM a présenté une version ludique et meringuée du célébrissime opéra de Mozart dans une salle comble.

Une oeuvre ultime

1791 : l’année de sa mort, Mozart compose à la fois un Requiem universellement connu et un singspiele (opéra populaire) : “La flûte enchantée”. Un grand écart entre la puissance spirituelle et mystique du premier et la fantaisie légère du second. Pourtant rien n’est jamais aussi simple chez Mozart et les lignes de fugue de l’ouverture ou l’incroyable modernité d’écriture du duo des hommes d’armes au deuxième acte dépassent le simple postulat de l’amusement populaire.

Par un choix de mise en scène référencé du côté des standards Disney, des Bisounours ou des mangas, la metteuse en scène autrichienne Anna Bernreitner a offert un spectacle visuellement agréable, volontairement enfantin qui rend anecdotiques le parcours initiatique et les idéaux universels de la Franc-Maçonnerie dont le compositeur était membre, au profit d’un divertissement dans l’air du temps se dégustant comme une sucrerie. Pour plus de fluidité, certains dialogues furent raccourcis et des ajouts dans le rôle parlé de Pamina viennent contrebalancer un livret bien misogyne !

Direction Neverland

Des décors inspirés des « small words » des parcs d’attraction Disney organisés judicieusement sur un plateau tournant, créent un univers magique dont le fil rouge est celui des peurs enfantines (serpent, monstres, mère violente) que les héros vont réussir à vaincre pour le plus grand plaisir des enfants très présents dans le public. Les images projetées et la formidable mise en lumière d’Olaf Freese sont particulièrement efficaces. Hannah Oellinger et Manfred Rainer pour les décors et les costumes ont fait des merveilles.

Quelque chose en nous d’Amadeus

Dans la fosse, le chef allemand Constantin Trinks est d’une efficacité millimétrée, gardant ses tempi contre vents et marées. L’orchestre suit cette rigueur avec talent et musicalité, c’est parfois plus périlleux pour certains solistes qui souffrent de petits décalages. La direction très mozartienne convient à l’orchestre dont les différents pupitres alternent gravité et espièglerie avec beaucoup de fluidité : on déguste alors toutes les nuances de la partition, y compris une fraîcheur et un enthousiasme qui, de fait, traversent les 232 années qui nous séparent de sa création.

Co-produit avec l’opéra de Lorraine, cet opéra ne compte pas moins de treize solistes adultes, trois enfants et un chœur très étoffé. La cohésion vocale y est donc indispensable car elle scelle le destin des personnages et la réussite de la performance des solistes. Pari gagné ici tant l’équilibre est évident. Seule l’ampleur vocale et le timbre riche de Cyrielle Ndjiki dominent le trio des dames qui contraintes dans une robe unique, exécutent une chorégraphie vocalement périlleuse.

L’air périlleux de la Reine de la nuit 

Le public le connaît et l’attend : le fameux et périlleux Der Hölle Rache (ou l’air de la Reine de la nuit) qui culmine au contre-fa et demande une agilité et une énergie hors du commun. Suspendue par un harnais, plusieurs mètres au-dessus du sol, la soprano Rainelle Krause (photo) n’est visiblement pas avantagée par cette posture qui complique d’évidence l’engagement vocal : si les aigus sont parfaitement maîtrisés, les attaques des vocalises sont périlleuses et presque maladroites alors que les staccati sont impeccables.

La Pamina incarnée par Athanasia Zöhrer (ci-dessous) a tous les atouts de la jeunesse et de la modernité : vêtue d’un pantalon sous une jupe ouverte, elle ne s’en laisse pas conter ! Telle la reine des neiges avec sa tresse blonde, elle peut jeter des éclairs glacés et ainsi rivaliser de pouvoirs avec sa mère, la puissante reine de la nuit. Mais les effets spéciaux ne font pas tout et le rôle demande subtilité et musicalité : rien ne manque à la jeune soprano qui livre un Ach Ich Fuhl’s d’une pureté et d’une subtilité musicale exceptionnelles.

Ce nid sur la tête !

La soprano Norma Nahoun (photo) est une Papagena bluffante : affublée d’un énorme nid sur la tête d’où tombent des œufs, elle maintient le cap d’une diction parfaite et d’un timbre rond et musical qui lui valent des applaudissements nourris !

Une complicité évidente lie les deux principaux protagonistes : Tamino en quête de la belle Pamina est incarné ici par le ténor Amitai Pati (photo). Il doit être à la fois un amoureux déterminé et un héros courageux bravant les dangers des épreuves initiatiques. Malgré un costume en satin violet et une perruque vert anis, la richesse de son timbre et sa technique parfaite en font un héros tout à fait crédible dont la flûte portée comme une épée ou une baguette magique projette des ondes bénéfiques. Son complice, l’inénarrable Papageno se déplace comme un dindon et parle comme Forrest Gump : ce serait un brin lassant si Mikhaïl Timoshenko n’avait pas aussi une voix de baryton claire, précise, dont la puissante musicalité résiste à toutes les gesticulations. Blaise Malaba offre de sa voix de basse un orateur aux accents de commandeur, présent même face aux voies aigues tandis que In Sung Sim est un Sarastro qui manque de puissance.

Les fruits d’une politique

Mention spéciale pour les chœurs montpelliérains qui déguisés en berlingots multicolores font montre d’une élégance et d’une cohésion vocale d’un professionnalisme rigoureux.

Dans une période où les maisons d’Opéra font le compte de la désertion inéluctable d’une partie du public, voir à Montpellier une salle comble, un public conquis et un applaudimètre au plus haut donnent matière à réflexion. Un parti pris de démocratisation scénique, une nouvelle politique tarifaire, alliés à une véritable ambition musicale et artistique sont des orientations qui démontrent leur efficacité.

 

Crédit photos : Marc Ginot

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